Выбрать главу

Cette perspective me fait grimper en mayonnaise. Notre planète habitée l’est franchement par des salauds. Une petite fille l’arpente seule, et la digue du cul se déclenche Dard-Dard. Tout un chacun, à commencer par moi, lui saute sur le poil pour la brouter, la fourrer, la caresser, l’entraîner dans la gigue éperdue.

Le radada est une bourrasque, un simoun qui attise sans trêve les bas instincts. La folie du trou souffle en rafales. On fonce au chibre toutes voiles dehors. Les mains en serres de rapace, la bouche en gouttière. Salauds d’humains que nous sommes !

Me voilà tout à fait sorti de mon engourdissement. Je demande la douloureuse au maître d’hôtel qui me l’accorde dans les plus brefs des laids. Afin que cela aille plus vite, je carme en espèces. Pourliche opulent : « merci-beaucoup-monsieur-c’est-très-gentil » !

Je décris un arc de cercle pour me rendre à la tablée députière, histoire d’arriver derrière le paravent de plantes vertes. Tiens, ce sont des fausses ! A deux pas, tu te laisses berlurer. C’est dingue le degré de perfection qu’on atteint dans l’imitation de la nature. Bientôt, y aura plus de véritables fleuristes. Déjà j’en sais qu’ont abandonné les végétaux pour leurs répliques ersatz. Tu te prends à respirer des roses de plastique et à effeuiller des marguerites en tissu. Ça va avec la poupée gonflable et le vibromasseur pour gâteries anales. C’est le règne du factice, mon pote. Les baignoires sont légères comme des bidons de coureur cycliste, les murs creux, les pare-chocs en carton, les cercueils en aggloméré (y reste plus que le mort qui soit en viande).

Un instant, je demeure placardé derrière un massif de somptueuses fougères fraîchement sorties de l’usine.

Les Genouillé prennent un malandrin plaisir à voir leur convive (vive le convive le con) promener sa main d’entrepreneur en maçonnerie sur la cuisse de la jolie Eve. Mister Sac-à-merde enhardit[11] jusqu’à se pencher sur la gosseline pour lui placer un suçon de corps-de-métier à la naissance du cou, comme ça, en plein repas !

Oh ! mais tu sais que l’Antoine se laisse aller à la fureur de vivre !

Il intervient. Contournant « le faux muret supportant les fausses fougères », il applique sa dextre gladiateurienne sur la nuque porcine du « corps-de-métier » surexcité et lui plonge la hure dans son assiette de crème brûlée.

Le lutineur lâche sa proie et fait « gnaf-gnaf » dans son dessert, façon goret dans son auge.

— Ah ! ça, monsieur le directeur ! égosille l’élu du peuple, qu’est-ce qui vous prend ?

Et ma pomme, d’une voix de centaure :

— Il me prend que cette jeune fille est mineure, môssieur le député, et qu’en ma qualité de policier, je vous interdis de la prostituer pour servir vos louches combines !

— Vous répéteriez ce que vous venez de dire ? il fait en verdissant comme un poireau en fin de saison.

— Non ! clamé-je, mais je vous mettrai mon poing dans la gueule.

Je joins effectivement le geste à la parole et s’il ne bascule pas à dame, c’est parce que, derrière lui, il y a « le faux muret aux fausses fougères ».

Un murmure de stupeur passe sur la conviverie. L’amputé député dépité se tient la gogne. Une mousse rosâtre suinte entre ses lèvres ; sans jouer les pythonisses, je te parie un pansement herniaire contre la peau de tes roustons qu’il vient d’abandonner deux ou trois ratiches dans mon geste de mauvaise humeur.

Je visionne l’édile dans le blanc des yeux (bien obligé : il tourne de l’œil).

— Vous m’avez feinté une fois avec votre voyage bidon à Paris, vous ne me berlurerez pas une seconde. C’est votre pétasse et non votre femme qui a renversé la gosse pendant que vous lui bricoliez le frifri. Si je porte le pet, votre mandat de député ira voltiger dans une décharge publique et vous irez partouzer au bois de Boulogne, comme tout le monde. C’est clair, ou je dois traduire ça en braille ?

Son regard m’exprime la soumission.

— Je pense qu’on finira par se comprendre un jour, assuré-je. Tenez-vous à carreau, mon vieux !

Puis, me tournant vers Eve :

— On va stopper là les cours d’éducation sexuelle. Suis-moi !

Et alors, tu sais quoi ?

Il me vient la chair de poule rien que de te le répéter.

— Foutez-moi la paix, grand con ! elle me sort. J’en ai ma claque des boy-scouts !

O Dieu, l’étrange peine…

N’ai-je donc tant vécu que pour cette infamie ?

Il me semble que ça me ferait du bien de mourir un peu ; pas longtemps, juste pour dire.

CHAPITRE

Le motel est davantage silencieux qu’une chaude-lance. Les vacanciers, soûlés de grand air du large, roupillent à qui mieux mieux. Minuit a sonné depuis lulure au clocher d’un village, puis aussitôt après, à celui d’un autre. Le grondement de l’océan n’en a cure et enfle les confins.

Deux plombes que je me tiens à l’affût, tel un chasseur derrière ses fascines. J’ai amené un fauteuil de toile pliant derrière un buisson de lilas et j’attends. Qu’heureusement la nuit est douce comme la peau de mes roustons. Est-ce une grâce du ciel ? Toujours est-il que je ne m’ennuie presque jamais en cours de planque, je crois te l’avoir déjà signalé dans de précédents ouvrages classés monuments historiques. Un don indispensable chez un poultock, fût-il futile et de haut niveau. Je possède la rare faculté d’être une bonne compagnie pour moi-même. Je pense tant, mon pote ! En couleurs ! Et me renouvelle sans trêve. J’ai toujours des choses à me raconter, des conseils à me donner. J’envisage des jolies phrases, des parties de cul à péripéties grisantes, des voyages avec et sans m’man, des prières sympas à adresser à Dieu, des fois qu’Il existerait pour de bon.

La pauvre Grabote est rentrée de l’hosto pour apprendre que son petit crevard avait tenté de se vaporiser une bastos dans le cervelet et y est retournée fissa. J’ai idée que le motel de La Barque sur le Toit ne va pas tarder à péricliter, en l’absence de ses proprios. Une affaire qui n’est plus gérée au millimètre prend vite de la gîte. En fait de malheurs en série, elle est servie, la pauvre Cosette. Mais aucun Jean Valjean ne viendra l’arracher de la mistouille. Elle continuera de thénarder, sa vie durant, la demi-sœur de Berthe. C’est son lot. T’as des gens qu’arrivent jamais à s’arracher de la gadoue. Ils sont nés pour la merde comme d’autres pour la brillante réussite, et rien ne pourra leur tenir la tête hors de la fosse septique. La fatalité, que veux-tu.

Je suis bien, par cette nuit de fin de saison, encore douce. La mer que je ne vois pas danser me berce et une torpeur pleine d’odeurs légères m’envahit.

Et puis, au moment que je dodeline, un glissement. Tout de suite aux aguets, le rutilant. Bandé comme un arc d’amazone !

Le bruit se rapproche. Je reconnais un pas d’homme. Une ombre traverse le potager plus ou moins productif que le malheureux motelier essaie de bêcher, à moins qu’il ne confie cette tâche à sa guenon ?

Bientôt, la silhouette du demeuré surgit d’une touffe de groseilliers. Parvenu sur la partie réservée aux cellules des pensionnaires, l’Intello s’arrête. Il y a de l’animal sauvage chez cet être simplet. Il attend un instant, puis, se décidant, marche vers le bâtiment des locataires.

Moi, tu me connais ? Dans certaines circonstances particulières, mon sixième sens se déclenche. Ainsi, maintenant. Je sais à quelle chambre il frappera.

вернуться

11

Note au correcteur. J’écris bien « enhardit » et pas « s’enhardit ». Merci de votre incompréhension et pardon de vous contraindre à de tels manquements.