Infailliblement, il va à la fenêtre de la gonzesse pas mal qui bain-de-soleillait tantôt. Tu te rappelles, Emmanuelle ? Une frangine loin d’être locdue, comme presque toutes les vacancières du motel.
Le rideau de raphia qui aveugle la pièce est remonté. Le déplafté se colle contre les vitres et regarde, façon Michel Strogoff avant qu’on lui carbonise les lampions avec une lame de sabre portée à l’incandescence.
Ça doit payer car il tarde pas à dégager la collerette de son bénouze pour sortir sa bitoune à longue portée. Le voilà parti pour le rassis du siècle.
Profitant de ce qu’il est suroccupé, je m’approche à pas de carnassier affamé. En me mettant en biais, je parviens à couler un œil dans la chambre ; suffisamment pour découvrir la pensionnaire des Paray, vêtue d’un peignoir grand ouvert (grand, tout vert) et débarrassée de ses dessous, avec un pied posé sur une chaise, le corps cambré, en train de s’interpréter « Retourne à Sorrente » au médius vibreur. Selon mon entrapercevance, elle est dotée d’un chouette tablier maçonnique, dans les châtain-blond, fendu par l’entrée d’un hangar à pines de couleur « rose humide ».
L’idiot, qui décidément ne fait à peu près que cela dans la vie, se malmène le frein à main avec l’énergie du désespoir. Il est vite récompensé de sa vaillance par un lancer franc séminal qui causerait un accident grave pour peu qu’il atterrisse sur un pare-brise, côté conducteur. L’homme de Neandertal ponctue d’un râle bref, suivi d’un juron d’une grande sobriété car il ne met pas en cause le nom du Sauveur. N’ensuite, l’Intello rengaine ses bas morcifs, pète de bonheur et, sans un regard excédentaire pour son égérie, retourne à sa tanière, le cœur en fête, les couilles vides.
Pas mécontent d’enfouiller le gros lot, je me répète ce que me disait papa, quand j’étais chiare : « Tout vient à point à qui sait attendre. » Je macère dans le genre d’affure où il ne faut rien brusquer. Tu vas, viens, jettes la graine au loin, dirait le père Hugo. Et puis t’attends l’époque de la moisson.
La petite Eve et son vilain logeur. Le député-chauffard dont la gerce court-bouillonne du réchaud. Les concierges de nuit de l’Hôtel du Premier Consul. Le saint-bernard-palissy qui me fouinasse l’oigne. Mathias enchevêtré dans ses amours naufragées. M. Blanc et sa tribu. Et puis maintenant, cette dame pensionnaire, nécessairement mêlée à l’affaire, et qui achète la discrétion du fané de la coiffe en lui montrant sa chatte de gala… Very interessinge.
Tu vois, Eloi, une enquête de ce type, faut se la jouer à la patience. Etre présent et ne rien brusquer. T’as des enquêtes où il convient de secouer la tirelire si tu veux récupérer la mornifle, et puis d’autres, où tu manœuvres comme à la pêche au coup. T’as « engrené » le coin et t’attends, sagement assis sur ton pliant, que le bouchon dansotte et s’enfonce, pour « ferrer » l’animal. Dans le premier, c’est l’énergie qui te fait monter à l’assaut ; dans le second, tu puises dans ton stock de patience pour décrocher la timbale.
Le demeuré parti, je poireaute plus de vingt minutes au clerc de la hune, pas que la vacancière associe la visite que je compte lui rendre à la prestation de l’Intello. Je mets ce laps de temps à profit pour gamberger à bloc, tu t’en doutes. Si l’on parvenait à transformer en énergie nucléaire l’effervescence de mes méninges, on convertirait Marcoule en fabrique de capotes anglaises.
Le moment de poireautage accompli, je m’en vas tocater à la mince lourde de « l’appartement » « 6 ». Mais peut-être que c’est le « 9 » dont la vis du haut aurait lâché ?
Généralement, si tu frappes à des heures indures chez une femme seulâbre, elle te demande de montrer bite ou patte blanche avant de déponer. Là, que tchi ! Elle m’ouvre sans autre forme de procès. L’est toujours en peignoir de bain, nu-pieds, les cheveux relevés pour la noye. Elle tient un très beau livre à la main : « Mémoires de guerre d’un fœtus blasé », du général Durdela, le vainqueur de la bataille de Supermarket, ouvrage préfacé par la comtesse de Paris-Bercy.
Elle me défrime avec une relative complaisance. Je lui vote un sourire plus radieux qu’un lever de soleil sur la baie de Naples au mois d’août.
— Oui, monsieur ? demande-t-elle, non seulement implicitement, mais, de surcroît, aimablement, ce qui est méritoire ; faudrait être le dernier des peigne-culs pour ne pas en convenir.
— Navré de vous importuner au milieu de la nuit, fais-je-t-il d’un ton bourré à craquer d’urbanité, j’ai aperçu de la lumière et m’en suis autorisé pour frapper à votre huis à une heure malséante.
Cette personne est un tantisoit marquée par l’âge et les tribulations de l’existence, mais n’en conserve pas moins un charme certain.
— Vous êtes policier, n’est-ce pas ? s’informe-t-elle, en ponctuant sa question d’un beau sourire tout empreint d’indulgence et de civisme.
— Je porte effectivement cette lourde responsabilité.
Elle s’efface pour me laisser entrer. Son studio sent la femme, le parfum subtil et l’omelette refroidie (elle doit s’alimenter chichement). Le lit est défait. Quelques dessous féminins sont jetés près de la commode : lingerie rose frangée de dentelle fumée ; tout un poème érotique. Comme il n’y a qu’un siège, elle me le propose et prend place sur le plumard après avoir déposé son livre sur la table de nuit.
Sa jambe droite garde appui sur le sol tandis que la gauche est repliée sous elle. Si j’étais polisson, je laisserais tomber mon mouchoir, ce qui me vaudrait un chouette jeton lorsque je le ramasserais, mais, tu n’ignores pas qu’une stricte correction n’est pas la moindre de mes qualités. Je m’efforce donc de ne contempler que sa partie supérieure, laquelle, honnêtement, ne manque pas d’intérêt.
Mon mutisme engendre un début de gêne.
— Votre visite est professionnelle ou d’ordre privé ? s’inquiète-t-elle sans se départir de son sourire courtois.
— Ma foi, madame, réponds-je, en toute honnêteté je dois convenir que les deux mobiles sont trop enchevêtrés pour me permettre une réponse franche. Bien sûr, les nécessités de mon enquête m’amènent à devoir vous questionner, mais il est certain que je l’aurais fait à une heure mieux appropriée si l’image que je garde de vous, allongée sur un transat en tenue de bain, ne m’empêchait de dormir, je préfère vous l’avouer.
Elle glousse.
— Un policier passant des aveux, ce n’est pas fréquent.
Son regard dégage une lubricité qui fait monter le sang à la tête (de mon zigomar fureteur).
Une pulsion phénoménale sur les bords m’induit à aller manger son mystérieux sourire sur ses lèvres. Et puis, avouons-le-je, j’ai en fraîche mémoire la vision de la gente chaglatte rose qu’elle soumettait naguère aux émois pernicieux du demeuré.
Me connaissant comme tu me connais, sachant par conséquent que lutter contre un désir ne fait que l’accroître, je la rejoins sur le méchant lit. Moult coups de verge l’ont rendu geignard. Je songe aux conséquences sonores d’une forte tringlée. Cela, certes, est monnaie courante dans un endroit de ce genre, mais cette musique est perturbante pour des êtres bien élevés, soucieux de baiser discrètement sans rameuter les populations.
Elle a la présence d’esprit de limiter la cata en se plaçant dos à moi, cannes en fourches claudeliennes, la tête dans la musette, le corps cambré. Ne me reste qu’à lever le rideau de scène pour l’entreprendre ; sobrement d’abord, d’une langue caméléonesque d’agenouillé fervent. Mon organe charnu, fixé par sa partie inférieure à mon plancher buccal, délivre illico à la gonzesse une volée de sensations variables qui, immédiatement, la conduisent à un dépassement de son moi sélectif. Le rythme de sa respiration, des brimborions de plaintes, des gémissements avortés m’apprennent que l’inconnue apprécie mon initiative. Elle mord ses tristes draps de motel à belles dents. Moi, d’un calme inspiré, terriblement maître de la situation, je l’amène à composition très very superbement. M’est avis que cette individuse n’a pas pris de fade depuis lurette et que mon arrivée lui procure un sentiment de forte allégresse sensorielle.