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— Faites-les entrer.

Elle avait déjà rencontré le chef de brigade, un certain Dobart, qu’elle trouvait sournois, n’avait jamais vu l’autre gendarme.

— Je n’ai pas encore tous les rapports…, commença-t-elle.

— Pouvez-vous rentrer chez vous, madame Lacaze ? Vous avez bien une voiture ?

— Chez moi ?

Elle commença de se lever, les jambes tremblantes.

— Il s’est passé quelque chose ?

L’adjudant hocha la tête.

— Mieux vaut aller là-bas…

— Ma fille ?

— Vous l’aviez laissée seule, n’est-ce pas ? Comme tous les jeudis, à ce que nous savons ?

— Je vous en prie, lui est-il arrivé un accident ?

— Oui, mais ce n’est pas elle la victime.

Elle ne put retenir un sourire soulagé, passa la main sur son visage et se laissa tomber sur son siège.

— Vous devez venir, dit Dobart croyant qu’elle n’avait pas exactement compris.

— Oui, je sais, mais je vous demande quelques instants. Je ne pourrais pas marcher.

— Vous ne demandez pas qui est la victime ?

— Si, bien sûr…, murmura-t-elle.

— Il s’agit de Mme Marty… C’est une parente à vous ?

— Germaine ? Ma belle-sœur… La sœur de mon mari… Mais que lui est-il arrivé ?

— Elle a reçu une balle de carabine 22 long rifle en pleine poitrine. Tuée sur le coup.

Marie hochait lentement la tête. Quelle horreur, mais pourquoi lui parlait-il aussi de Julie ?

— Pourquoi dois-je rentrer chez moi ?

— L’affaire s’est passée là-bas, vous ne comprenez pas ? Il semble que votre petite fille ait tiré sur sa tante alors que celle-ci se trouvait dans l’escalier de votre maison…

— Voyons, c’est complètement absurde… Comment aurait-elle pu ?…

— Madame, dit sévèrement Dobart, d’après les premiers éléments de l’enquête il semble que votre belle-sœur était très inquiète de savoir votre petite fille toute seule dans votre maison isolée… Elle s’est rendue là-bas avec Mme Cauteret, l’assistante sociale…

— Mais jamais…

Marie avait failli dire que Julie n’aurait jamais ouvert à cette femme qu’elle détestait.

— Je ne comprends pas.

— Mme Marty avait une clef qui ouvrait une porte derrière la maison. Elle voulait en avoir le cœur net.

— Mais le cœur net de quoi ? murmura Marie. J’étais libre de laisser ma fille seule chez moi…

— Le croyez-vous vraiment ? Mais cela suffit… Je vous demande de vous rendre immédiatement sur place… Ne pensez-vous pas que votre fille a besoin de vous dans ces affreuses circonstances ou bien êtes-vous vraiment inconsciente ?

— Oui, bien sûr… Mais Julie n’a pas pu tirer sur ma belle-sœur… Comment voulez-vous qu’elle se serve d’une arme pareille ?…

Elle alla décrocher sa veste en laine, ne parvint pas à enfiler les manches aussi vite qu’elle l’aurait souhaité.

— Vous aviez bien cette arme chez vous ?

— Mon mari avait une carabine… Il tirait sur des boîtes de conserve au bord de l’étang… Jamais sur les animaux… Je l’avais montée au grenier… Et la boîte de cartouches était ailleurs…

— Venez, maintenant.

— Êtes-vous en état de conduire ? demanda l’autre gendarme avec une sollicitude qui parut déplaire à son chef.

— Oui, je crois, merci.

Elle aperçut non loin du parking de l’entreprise deux petits groupes qui s’arrêtèrent de discuter lorsqu’elle apparut. Elle s’efforça de maîtriser le tremblement de ses mains lorsqu’elle démarra, ensuite n’eut qu’à suivre le fourgon de la gendarmerie.

Jamais elle n’avait tant vu de véhicules autour de la vieille bâtisse. Beaucoup de curieux qu’un gendarme s’efforçait de faire reculer pour que le fourgon et la 2 CV puissent avancer. Dans la cuisine, elle vit Julie assise à la table devant un bol de café au lait qui fumait. Mme Cauteret se trouvait debout près de la porte-fenêtre.

Julie lui sourit tranquillement puis mit trois sucres dans son bol. Marie faillit lui dire que le café au lait lui donnait des crampes d’estomac d’habitude.

Ils attendaient tous quelque chose d’elle. Une démonstration mélodramatique d’affection qui satisferait leur sensibilité. Mais elle en fut incapable.

— Que s’est-il passé ? murmura-t-elle.

— Un instant, dit l’adjudant.

— Elle a voulu entrer, dit Julie. Par la porte de derrière, celle qu’on n’ouvre jamais, sous l’escalier.

— C’est faux, lança Mme Cauteret avec indignation. Germaine est entrée effectivement par cette porte mais en criant qui elle était et en demandant où se trouvait cette enfant.

Marie nota, dans le désordre mental de son esprit, que l’assistante sociale appelait sa belle-sœur par son prénom. Elle n’avait jamais cru qu’il existait une telle intimité entre elles.

— Madame Lacaze, voulez-vous venir ? demanda l’adjudant Dobart avec agacement.

Elle le suivit dans la salle à manger. Ils étaient entrés en son absence dans cette pièce où elle ne mettait que rarement les pieds, avaient ouvert la fenêtre sans lui en demander l’autorisation. Ils étaient chez elle en maîtres et elle ne comprenait pas comment on pouvait la traiter avec tant de désinvolture.

— Reconnaissez-vous cette arme ?

La carabine était sur la table en acajou, enfermée dans un sac en plastique transparent. Elle se pencha et reconnut les initiales de son mari sur la crosse, se souvenait qu’il les avait gravées lui-même avec la pointe d’un tisonnier qu’il faisait rougir dans la cheminée de cette même salle à manger.

— Oui, dit-elle, c’est celle de Noël.

— Et la boîte de cartouches, où se trouvait-elle ?

— Dans ce placard que je ferme toujours à clef. Je la cache dans la cafetière chinoise du buffet.

Dobart l’y trouva en effet et ouvrit le placard. Il en sortit une autre boîte de cartouches et Marie lui confirma qu’il y en avait deux.

— Pourquoi ne me dites-vous pas ce qui s’est exactement passé ? fit-elle avec désespoir. Ma belle-sœur n’avait pas le droit de pénétrer dans cette maison, pas plus que cette assistante sociale.

— Mme Cauteret n’a pas franchi le seuil, répliqua l’adjudant d’un air furieux. Elle ne l’a fait qu’après le coup de feu et le cri de votre belle-sœur, pour la trouver morte à moitié escalier.

Marie pensa qu’il défendait l’assistante sociale parce qu’elle était également une fonctionnaire.

— Pourquoi a-t-elle laissé faire Germaine ?… Cette maison ne lui appartient plus. L’héritage des parents Lacaze a été partagé entre mon mari et elle. Mon mari a eu cette maison. Maintenant, elle appartient à Julie…

— Elle a dit à Mme Cauteret qu’elle avait parfaitement le droit d’y pénétrer, que la maison était dans l’indivision.

— Non, c’est absolument faux, dit Marie.

— De toute façon, elle s’est annoncée, insista le gendarme. Elle a dit qui elle était, appelé votre fille par son prénom… Indivision ou pas votre fille lui a tiré dessus.

— Rien ne le prouve vraiment, dit Marie.

— Mais votre fille a avoué.

Marie secoua la tête.

— Ça ne veut rien dire… Pourquoi minimisez-vous le fait que ma belle-sœur n’avait pas à pénétrer dans cette maison ? Téléphonez au notaire. Il vous dira que Julie est ici chez elle. Qu’à sa majorité elle sera l’unique propriétaire.

— Vous essayez de prouver qu’en tirant elle n’a fait qu’user de son droit de propriété ? Mme Marty ne la menaçait pas, que je sache.