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— La chambre de la petite ? avaient-ils demandé.

Au début, elle avait pensé pouvoir acheter d’autres meubles mais l’argent lui manquait. On avait aussi emporté la chambre de Julie dans le grand camion qui d’ordinaire transportait du sable et des matériaux de construction.

Lentement, elle recula jusqu’à la porte de la cuisine, ouvrit celle-ci dans son dos, la repoussa. Dans la pièce, elle eut un sanglot aigu qui ressemblait à un cri mais se domina très vite.

Le soleil coula dans la cuisine comme une huile parfumée dans laquelle elle baigna son corps glacé avant d’aller prendre son sac dans la voiture. Elle se dévêtit, enfila son maillot de bain. Malgré ces étrangers de la caravane elle prendrait quand même un bain. Cela lui ferait du bien.

Bien que tiède l’eau lui parut hostile et elle ressortit après quelques brasses, s’allongea sur son drap d’éponge. Elle n’eut qu’un quart d’heure de tranquillité. Les gens de la caravane s’éveillaient, parlaient fort, s’exclamaient. Il leur fallait à tout prix manifester avec des mots aigus la joie de se trouver en vacances dans un endroit aussi agréable. C’était insupportable.

Marie s’assit, regarda dans leur direction avec agacement. Elle aperçut un homme jeune totalement nu avec de longs cheveux, une femme brune, assez ronde, qui elle portait une robe longue taillée dans un de ces draps indiens représentant un arbre de vie. Il y avait des enfants. Un garçon en jeans de l’âge de Julie et au moins un autre encore couché dans la caravane.

— Allons, Michou, du courage !.. Il faut profiter du bon air de bonne heure, criait l’homme nu.

Puis il découvrit Marie et ne parut pas autrement gêné. Elle regarda ailleurs, hésitant à partir. Ils la dérangeaient mais elle ne voulait pas qu’ils croient que c’était à cause de cette nudité masculine. Elle n’avait jamais eu de préjugés aussi stupides.

Au bout d’un moment, elle se leva et revint vers la maison. Elle pouvait tout aussi bien prendre le soleil devant chez elle.

— Madame ?

De loin, la femme brune pouvait paraître jeune mais Marie pensa qu’elle avait bien dépassé la quarantaine.

— Vous devez nous trouver bien désinvoltes, haleta l’inconnue. Nous sommes arrivés très tard hier au soir… Pascal nous a dit que l’on pouvait camper le long de l’étang… Mais si nous sommes indésirables nous partons tout de suite.

— Je ne suis pas la propriétaire, dit Marie. Je n’ai que cette maison et un peu de terrain…

— Excusez-moi, dit l’inconnue en fronçant les sourcils, mais Pascal nous a peut-être raconté des histoires.

— Ce n’est rien, dit Marie qui ne désirait pas poursuivre cette conversation.

— Sommes-nous en infraction, demanda la femme, si nous restons près de l’étang ? À qui appartient le terrain ?

— Je l’ignore vraiment.

Elle savait que du côté du ponton sa belle-sœur avait reçu un grand morceau de lande mais n’aurait pas su en délimiter les contours.

— Il y a bien un propriétaire ?

— Certainement, mais je ne peux vous dire son nom.

— Qu’arrivera-t-il si nous restons ? Nous avions envie de passer une quinzaine de jours dans le coin. L’an dernier, nous étions à La Nouvelle… Nous y sommes restés très longtemps, d’ailleurs, mais ça ne nous plaît guère.

— Il est possible que personne ne vous dise rien, dit Marie qui continuait de marcher lentement.

— Où trouve-t-on de l’eau ?

— Il vous faudra aller aux Salines… Mais je ne sais pas si l’ancienne pompe fonctionne toujours.

— Vous ne pourriez pas nous en vendre ?

Marie aurait voulu se montrer désagréable.

Cette femme ne comprenait donc pas qu’elle l’ennuyait ? Non, elle s’accrochait avec ce culot que les touristes avaient quand ils venaient dans le coin.

— Je ne suis là qu’exceptionnellement.

— Juste pour aujourd’hui ? Nous remplirons quelques jerricans, ce sera très vite fait.

— Bien, venez tout à l’heure, dit Marie pour s’en débarrasser. Mais je repars dans l’après-midi.

Une fois allongée au soleil, elle songea avec ennui que tant qu’ils ne seraient pas venus chercher leur eau elle ne pourrait vraiment se détendre. Si bien qu’elle ne cessa de se redresser pour regarder s’ils ne venaient pas. Lorsqu’elle les vit s’agiter en riant autour d’un petit bateau en caoutchouc, elle pensa qu’ils en prenaient à leur aise, se demandant si elle n’allait pas fermer la maison et s’en aller pour leur montrer qu’elle n’était pas à leur disposition.

Ce fut la femme qui vint avec une vieille 404 Peugeot qui faisait autant de bruit que sa 2 CV et, du coup, Marie se montra plus aimable. Dans le coffre l’inconnue avait entassé une demi-douzaine de gros jerricans.

— Je veux quand même vous la payer, dit-elle. Ça fait plus de cent litres et il me faudrait au moins un litre d’essence pour aller jusqu’à la prochaine pompe.

— Je n’occupe pas cette maison et je paie quand même l’abonnement, expliqua Marie. Ne vous inquiétez donc pas.

— Quel dommage de ne pas habiter une si jolie maison !.. Ah ! que j’aimerais vivre dans ce calme et cette solitude. L’an dernier, nous sommes restés trois mois à La Nouvelle.

Marie pensa que seuls des enseignants pouvaient s’offrir un séjour aussi long.

— Mon ami, dit la femme, avait trouvé du travail dans un hôtel… Mais pour l’hiver il n’y avait rien. Nous aurions bien aimé rester plus longtemps… On avait trouvé un coin vers les Ciments Lafarge mais quelle poussière ! C’était invivable… Vous comprenez, les campings sont trop chers… Nous vivons un peu à notre guise.

Marie l’aida à porter le premier jerrican une fois qu’il fut rempli.

— Mon ami va travailler de nouveau dans cet hôtel…

— Ça fait loin jusqu’à La Nouvelle… Douze kilomètres…

— Pas le long de l’étang… Pascal dit qu’à vélo il n’y en a pas pour une demi-heure.

— C’est possible, dit Marie, je n’ai jamais essayé.

— Lui si, à l’automne dernier… C’est comme ça qu’il a connu cet endroit… Il venait tous les jours. Vous comprenez que sachant que nous allions partir il n’était pas rentré à l’école.

Voici quelques instants que tout ce que cette femme disait éveillait une résonance dans la mémoire de Marie, mais elle se méfiait de sa sensibilité qui depuis le drame se faisait l’écho de trop de réminiscences. Elle s’efforça de rester calme, de ne pas orienter les réponses par des questions trop précises qui pouvaient tout déformer.

— Il n’arrêtait pas de rôder. Il ramassait des moules sauvages… C’est un excellent plongeur et il paraît qu’il y en a de très belles dans cet étang. Il les revendait mais nous en mangions souvent. À la fin, on ne pouvait plus les voir mais l’argent qu’il gagnait nous a bien aidés. Vous n’en péchez pas vous-même ?

Le deuxième jerrican était plein et elles le portèrent jusqu’à la Peugeot. Marie se dit qu’avant que le dernier ne soit ainsi rangé dans le coffre elle devrait avoir une certitude.

— Votre fils, c’est Pascal ?

— Oui, vous l’avez vu ? Il est costaud pour son âge…

— C’est lui qui pensait que j’étais la propriétaire de ce terrain ?

— Il nous a dit qu’il connaissait la propriétaire mais vous savez ce que sont les enfants ? Ils racontent n’importe quoi pour se rendre intéressant.

Un jeune garçon de l’âge de Simon, son fils mort, qui se promenait à vélo de La Nouvelle jusqu’ici, qui affirmait connaître la propriétaire du terrain.