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— L’homme au nom imprononçable ? Alice ma fille serais-tu devenue complètement idiote ? Je sais depuis longtemps que le sang des Astor ne vaut rien et que seul le mien, celui des Lowle Willing, fait de toi et de ton frère des gens à peu près supportables mais à présent je m’interroge : aurais-tu contracté la manie de la persécution ? Tu vois des imposteurs partout ? Au fait, il va bien ce… ce…

— Adalbert Vidal-Pellicorne, lady Ava ! Il est en prison. La princesse Obolensky…

— Obolensky ! Pouah !

— … l’accuse de lui avoir volé ce collier…

— C’est stupide ! Ce machin n’est même pas beau… alors qu’elle a des bijoux magnifiques ! Elle a hérité en particulier d’un diadème ayant appartenu à ma belle-mère et qui me seyait particulièrement. Et au sujet des bijoux auriez-vous enfin quelque chose d’intéressant en vue ? Parce que naturellement vous êtes venu ici pour acheter un joyau quelconque ? Vous n’avez pas l’habitude de vous déranger pour rien. Surtout aussi loin de Venise ? Alors qu’est-ce que c’est ?

À mesure qu’elle parlait, Aldo regrettait de moins en moins sa présence même s’il l’avait considérée tout d’abord comme une catastrophe. En fait c’était peut-être le Ciel qui l’envoyait. Il alluma pleins phares son plus aimable sourire :

— Un projet encore vague, lady Ava, né d’une information pas très précise que l’on cherche à vérifier.

— Mais qu’est-ce que c’est ? Qu’est-ce que c’est ? s’écria-t-elle déjà excitée.

— Une croix de diamants, de rubis et de perles avec des pendants d’oreilles assortis…

Elle fit la grimace :

— Une… croix ?

— … ayant appartenu à une grande-duchesse de Florence et à au moins une reine de France : Marie de Médicis. Des joyaux splendides ! La croix est grande comme ça, continua-t-il en définissant à deux mains la taille approximative.

— Ah ?… Ah ! C’est bien ! C’est même très bien ! Et où est-elle ?

— J’ai l’assurance que la parure se trouve à Newport mais j’ignore qui la possède.

— Je peux peut-être vous aider ? Je connais à peu de choses près les cassettes à bijoux de toutes ces femmes qui viennent parader…

— Merci de m’offrir votre aide, lady Ava, il est certain qu’elle aurait pu m’être précieuse mais cette fois la tâche me paraît au-dessus de mes forces puisque je ne peux plus compter sur mon assistant habituel. Ce que je souhaite faire avant de rentrer chez moi, c’est de sortir mon ami Adalbert des mains du shérif Morris… et du piège où les Ivanov l’ont fait tomber. Madame votre fille refuse d’admettre que ces gens ont voulu le perdre dans son esprit, même sachant – ce que je viens de lui apprendre – que ce collier est seulement un faux.

— Les Ivanov ? C’est quoi ?

— Des cousins ! lança Alice hargneuse depuis le canapé où elle était allée se réfugier. Caroline Van Druysen et son époux.

— Cette jeune dinde et son cosaque ? Si tu cousines avec eux cela te regarde mais moi je m’y refuse ! Des moins-que-rien ! Et c’est à ces gens que tu accordes ta confiance ? Comme si tu ne savais pas que Caroline te jalouse et que son grand imbécile de cosaque fait tout ce qu’elle veut…

— En l’occurrence ils m’ont rendu service ! affirma Alice aussi raide dans son lin plissé qu’une statue pharaonique.

— Ce n’est pas le terme que j’emploierais ! Et puis va donc te changer ! Le thé va bientôt être servi et tu es grotesque ! Venez, vous, je vous emmène !

Elle passa son bras sous celui d’Aldo et l’entraîna d’autorité, si vite qu’il n’eut même pas le temps de saluer sa fille. Arrivée dans le hall immense où une dizaine de serviteurs trimballaient ses innombrables bagages, elle le coinça contre un oranger empoté dans de la porcelaine chinoise :

— Si je sors votre égyptologue de prison, continuerez-vous à rechercher votre parure ?

Elle fonçait tout droit dans la direction qu’il espérait lui voir prendre. Aussi fit-il seulement mine de réfléchir :

— Il est certain que cela me rendrait courage. Je ne vous cache pas qu’en ce moment, j’en manque un peu…

— Bon sang, secouez-vous mon garçon ! Si je vous rends votre ami blanc comme neige – je crois d’ailleurs qu’il n’est aucunement impliqué dans cette histoire de fous ! – je veux que vous me promettiez de reprendre vos recherches avec lui.

— Je peux seulement m’engager pour moi-même. Il est possible qu’il veuille d’abord restituer le vrai collier aux béliers à sa propriétaire…

— Pourquoi pas ? L’un n’empêche pas l’autre et vous mènerez de front les deux enquêtes ! fit-elle avec désinvolture.

Cette femme était incroyable ! Elle parlait de cela avec autant d’insouciance que s’il s’agissait d’aller acheter des cerises et des pommes au marché. Mais l’aide qu’elle apportait était plus que bienvenue. Il était temps de conclure :

— Vous avez ma parole, lady Ava. Rendez-moi Adalbert et je me remets à l’ouvrage.

— Bravo !… et dites-moi ! De quel côté porterez-vous vos investigations ? Avez-vous une idée ?…

— Peut-être. Cependant le moment me semble mal choisi… ainsi que l’heure.

La maison, en effet, tremblait sous les coups d’un gong que l’on devait entendre depuis la route.

— Ah ! Le thé ! traduisit lady Ribblesdale. Il faut que je me change mais on se revoit bientôt… Connaissez-vous le Gooseberry Island Club ?

— Non. Pourquoi ?

— Nous pourrions nous y retrouver demain pour déjeuner. C’est un club très amusant composé de gentlemen qui se réunissent pour se baigner, boire et pêcher tout nus ! Mais, rassurez-vous, reprit-elle devant l’air effaré d’Aldo, ils se rhabillent quand les dames arrivent pour le lunch.

S’il ne la connaissait si bien, il aurait pu croire à la candeur de sa mine mais il avait moins envie que jamais de la suivre dans ses excentricités.

— Ce serait sûrement follement amusant mais je souhaite rester aussi discret que possible dans l’intérêt même de mes recherches. Ne pourrions-nous nous écarter un moment au cours d’une réception ? Il y en a chaque jour.

— Pourquoi pas ? Où êtes-vous descendu ?

— À côté, chez les Belmont !

Lady Ribblesdale grimaça et renifla de façon fort peu aristocratique mais Aldo s’y attendait :

— Vous auriez pu trouver mieux ! apprécia-t-elle, mais si l’on ne côtoyait que des gens qui vous plaisent on n’irait jamais nulle part et ceux-là vont partout. À bientôt !

Elle se précipita vers l’escalier mise en fuite par la deuxième rafale du gong. Aldo reprit son chapeau, ses gants et rejoignit la voiture. Il était temps, une douzaine de Bentley, Packard, Daimler et autres Rolls avançaient processionnellement au long de l’allée assez large heureusement pour que l’on pût se croiser.

Pour la première fois depuis longtemps, Aldo se sentait apaisé, presque heureux. Il ne doutait plus de la prochaine libération d’Adalbert. Dès l’instant où elle pouvait espérer dénicher un joyau royal, l’ex-Ava Astor était prête à toutes les extravagances. Elle était même capable de renverser un gouvernement pour arriver à ses fins. Sa fille pèserait moins lourd que ses bagues entre ses jolies mains toujours scintillantes de diamants. Restait à savoir ce qu’allait devenir Adalbert à sa sortie de prison ? Recevrait-il suffisamment d’excuses pour retourner à Beaulieu ou les ponts seraient-ils coupés par sa volonté ou celle de la jeune femme entre Alice et lui ?

Pour le savoir un seul moyen : emprunter à John-Augustus une lunette marine, s’installer près de la fenêtre de sa chambre et n’en plus bouger afin d’observer ce qui se passerait à Beaulieu dans les heures à venir. L’envie le dévorait d’aller attendre son ami devant la geôle du shérif mais il craignait qu’en le voyant là, Adalbert ne se sente humilié.

Mise au courant, Pauline l’approuva entièrement. Ava ne perdrait certainement pas beaucoup de temps avant d’amener Alice à composition et le prisonnier serait sans doute libéré le lendemain matin, le cérémonial du thé et les festivités de la soirée – il y avait bal à « Rosecliff » – étant peu propices aux explications familiales surtout entre deux caractères comme Ava et sa fille. Aldo, cependant, préféra commencer sans plus tarder sa faction :