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— Elle en a ?

— Oui et elle m’a dit où la trouver mais…

— … mais cela vous paraît un peu radical ?

— Qu’elle ait envie de faire sauter le Palazzo et tout le fourniment, je peux comprendre, mais j’aimerais autant être enterré ailleurs. Le mieux serait que vous alliez demander de l’aide.

— Où ? À qui ? Ted Mawes ? J’y ai pensé…

— Après si vous voulez mais en premier lieu allez chez les Belmont et demandez la baronne Pauline. Elle a auprès d’elle un de mes amis dont le nom pourrait vous paraître trop difficile à prononcer. À eux deux ils sauront quoi faire ? Quelle heure est-il ?

— Trois heures du matin. C’est peut-être court pour revenir cette nuit.

— L’important est que vous donniez l’alarme. N’oubliez pas que le mariage est pour demain… et que l’on veut m’y donner un rôle de premier plan.

— Lequel ?

— Je dois reprendre celui de Peter Bascombe. La nouvelle épousée mourra et c’est moi qui serai accusé du massacre parce que, bien sûr, le mari, lui, ne sera plus dans les murs mais comme je serai mort j’aurai du mal à me défendre ! Filez à présent ! Chaque minute compte !

— J’y vais ! Gardez courage !

Ce serait plus facile maintenant, pourtant quand le farfadet vêtu de noir eut disparu avec sa faible lumière, Aldo sentit un désagréable pincement au cœur. On pouvait déjà considérer comme un miracle que la petite journaliste ait pu venir jusqu’ici sans faire de mauvaises rencontres mais le miracle se reproduirait-il ?

CHAPITRE XIII

OÙ RICCI PARLE…

L’appétit coupé, Adalbert regardait avec un dégoût amical John-Augustus occupé à faire disparaître après les saucisses et les œufs une pile de toasts qu’il enduisait méthodiquement de beurre et de marmelade. Lui-même s’était contenté de grignoter un croissant – le cuisinier de Belmont Castle en faisait pour lui depuis son arrivée ! – mais buvait tasse de café noir sur tasse de café noir. Compatissant son hôte essayait, entre deux coups de dents, de lui remonter le moral :

— Si vous veniez nager avec moi tous les matins, vous auriez faim. L’eau froide vous fouette le sang merveilleusement !

— Vous appelez ça de l’eau froide, vous ? Moi je dirais plutôt du jus de banquise. Je suis sûr que même sous la canicule, elle ne dépasse jamais dix-sept ou dix-huit degrés. Très peu pour moi !

— C’est parce que vous êtes un petit Français frileux, émit Belmont qui avait une bonne demi-tête en moins que son invité, mais restez dans le pays quelques semaines et vous vous y ferez très bien. Le tout c’est de s’y mettre !

— Fichez-lui la paix ! intervint Pauline qui faisait glisser un unique toast à peine beurré avec une cascade de thé au citron. Adalbert est inquiet et moi aussi vous le savez. S’il était vraiment parti pour New York, Morosini serait déjà rentré. Que peut-il faire là-bas sans bagages, sans même une chemise de rechange ?

— … et sans sa brosse à dents je suis d’accord mais ce n’est pas une raison pour vous mettre à la diète. Vous avez fait ce qu’il fallait puisque vous avez téléphoné à Phil Anderson afin de le mettre au courant. Il ne reste plus qu’à attendre…

— Attendre, attendre ! grommela Adalbert en se levant de table pour arpenter la terrasse. Je sais qu’Aldo est très capable de ce genre de décision soudaine mais je n’arrive pas à admettre qu’il n’ait pas eu le temps de passer par ici ou de téléphoner avant d’aller prendre ce sacré ferry ? Ça n’a pas de sens !

— Des gens l’ont pourtant vu s’embarquer au vol, dit John-Augustus.

— On a vu un homme habillé comme lui et qui lui ressemblait mais si ce n’était pas lui ? En ce cas on peut toujours attendre des nouvelles du chef Anderson. Que pourrait-il nous apprendre si Aldo n’est pas là-bas ?

— La lettre est pourtant de lui ? dit Pauline qui tournait depuis un moment sa petite cuillère dans une tasse vide. C’est bien son écriture ?

— Oui ! soupira Adalbert. Pourtant quelque chose me dit que tout ça sonne faux, qu’on nous a lancés sur une fausse piste. Et comme il m’a été impossible d’avoir un entretien avec cette damnée fille…

Depuis deux jours en effet, il essayait de toucher Hilary mais elle était mieux gardée que le Président des États-Unis et la maison des Schwob plus hermétique que la Maison-Blanche. Pauline, pas plus rassurée que Vidal-Pellicorne, avait tenté à plusieurs reprises d’atteindre Mrs Schwob au téléphone. Il lui avait été répondu qu’elle était soit souffrante soit trop accaparée par les préparatifs du mariage pour seulement venir à l’appareil. La baronne s’était aussi rendue sur place sans pouvoir franchir les limites de la propriété où les hommes de Ricci veillaient jour et nuit. Et comme elle s’en étonnait avec un dédain tout aristocratique, l’un d’eux lui avait confié que des menaces étaient arrivées, anonymes, touchant l’événement proche et qu’il ne pouvait être question de transgresser les ordres sévères édictés par le futur époux pour la protection de sa fiancée et la sienne propre. On avait même apporté une modification importante au programme habituel. Ainsi le mariage ne serait pas béni dans la chapelle du Palazzo mais plus simplement sous une tente fleurie installée dans le jardin des « Oaks ». Après quoi, le nouveau couple recevrait « ses amis » pour un grand dîner dans sa demeure mais qui ne serait pas suivi de bal. En revanche il y aurait un feu d’artifice.

Tout ce qui comptait dans la bonne société de Newport avait été invité mais à peine la moitié avait accepté. Les autres, les Vanderbilt par exemple, dédaignaient franchement le maître du Palazzo et jugeaient sans indulgence ces nouvelles épousailles en fanfare après les deux drames précédents. Encore parmi ceux qui viendraient y en avait-il un certain nombre qu’une espèce de curiosité morbide attirait un peu comme s’ils étaient invités à un sacrifice humain. Cynthia Belmont était de ceux-là avec la totalité de ses danseurs habituels, ceux qu’elle appelait sa « bande » et les paris étaient ouverts sur ce thème d’un goût douteux : la nouvelle mariée serait-elle assassinée comme les deux autres ? Des paris qui se retrouvaient d’ailleurs dans toute la ville où l’excitation était à son comble.

John-Augustus, pour sa part, avait refusé :

— Ces gens-là sont infréquentables, décréta-t-il en bâillant à se décrocher la mâchoire. Et j’ai horreur de la cuisine italienne. J’irai me coucher de bonne heure.

Pauline, elle, avait accepté afin d’aider ses amis à s’introduire dans la place mais ce matin-là, elle se prenait à hésiter justement à cause de l’absence prolongée d’Aldo. Elle hésitait encore quand Beddoes vint lui dire qu’une certaine Nelly Parker, journaliste de son état, demandait avec insistance à lui parler :

— Elle ne dit pas pourquoi ?

— Seulement qu’il y a urgence, Madame la baronne !

Belmont était remonté dans sa chambre, Pauline était seule sur la terrasse avec Adalbert qui fit un mouvement pour se retirer mais elle le retint :

— Quelque chose me dit que vous devriez rester. Allez la chercher, Beddoes !… Oh ! Rapportez donc du café ou du thé ou… ce que voudra cette demoiselle, ajouta-t-elle quand le maître d’hôtel revint en compagnie d’une jeune personne rousse, en jupe et chandail gris qui lui parut pâle et fatiguée.

— Du café s’il vous plaît… et bien fort ! accepta Nelly avec un sourire reconnaissant.

Tous les Belmont étant des figures new-yorkaises connues, elle savait qui était Pauline mais son regard se fixa sur Adalbert :

— Puis-je vous demander si vous avez un nom difficile à prononcer, Monsieur ? demanda-t-elle.

Adalbert bondit :

— Qui vous l’a dit ? Vous avez vu Morosini ?

— Oui. C’est lui qui m’envoie…

— Où est-il ?

— Un instant ! coupa Pauline. Asseyez-vous, Miss Parker, et détendez-vous ! Vous semblez très lasse.

— J’ai eu une nuit éprouvante… fit-elle en se laissant tomber sur les coussins du confortable fauteuil de rotin qu’Adalbert lui avançait. Et je crains que la journée ne soit pire.