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— Ils sont partis ?

— À bord d’une petite Seat 600.

— Ils sont allés vers le bas ou vers le haut ?

Vergara soutint son regard.

— Vers le bas.

— Ah !

Elle respira profondément.

— Je suis heureuse qu’il soit sur pied et qu’il se soucie également de moi. Car je suppose que c’est pour découvrir un indice me concernant qu’il est allé fouiller l’épave.

— Certainement, dit Vergara en portant son verre de café à ses lèvres.

Il but d’un seul coup et grimaça.

— Je n’aime pas le café tiède. Je vais en refaire pour tout le monde. Voulez-vous manger quelque chose ?

— Non… Non, merci.

Chiva appela, et Vergara alla le chercher, l’installa comme d’habitude sur les valises. Le cul-de-jatte les regarda curieusement l’un et l’autre.

— Tonio. Dis-lui.

Vergara se raidit et détourna la tête.

— Dire quoi ? demanda la jeune femme.

— Tonio va vous le dire.

— Non. Il n’y a rien à dire.

Vergara sortit ses cigarettes, en alluma une en quelques gestes brusques.

— Est-ce si grave ?

— Et puis, tant pis. La petite voiture est montée au Parador et n’est pas encore descendue. Si vous le voulez, vous pouvez faire signe à votre ami au passage.

La jeune femme devint très pâle.

— Qu’attendez-vous ? Nous ne ferons rien pour vous retenir ici. Voulez-vous que je vous porte jusqu’au bord de la route ?

Il s’approcha d’elle et elle recula instinctivement. Il sourit tristement :

— Je ne vais pas vous faire de mal.

— Laissez-moi… Vous vous êtes trompé. Ce n’est pas mon ami. Certainement quelque curieux ou bien un représentant du consul de France. Je ne désire pas les voir.

— Il s’agit bien de votre ami. Pourquoi refusez-vous ? Est-ce pour lui…, ou pour nous ?

Elle s’assit sur une pile de valises et prit son visage entre ses mains. Chiva la regardait en souriant, et il fit un clin d’œil à Vergara comme pour lui recommander de ne rien dire.

— Ils vont descendre bientôt, dit-il. Au Parador, ils ont dû prendre quelques renseignements, boire un verre. Dans un quart d’heure, ils repasseront là-devant.

Odile releva la tête.

— Respectons ce que nous avons décidé. Vous me laissez pour fuir le plus loin possible jusqu’à ce que quelqu’un me découvre.

— Justement, mon ami et moi avons pensé à autre chose.

Il lui expliqua qu’ils comptaient l’abandonner dans un village perdu à plusieurs centaines de kilomètres de là, mais ne parla pas du couvent où il comptait se réfugier durant quelques semaines, le temps de laisser classer l’affaire. Durant les vacances, jusqu’à la fin septembre, la police aurait bien assez de travail avec l’afflux des touristes et des malfaiteurs de toutes catégories. Vergara reviendrait le chercher fin août.

— Bien, dit-elle, comme vous voudrez. Je pense que, pour vous, ce sera encore mieux.

— Vous ne regrettez rien ?

— Quoi donc ?

— Même en partant aujourd’hui, il nous faudra plusieurs jours pour effectuer plusieurs centaines de kilomètres. La camionnette est vieille, son moteur est poussif et nous serons chargés.

Son regard parcourut les valises et les objets de toute nature rangés dans un coin. Odile ne suivit pas son regard et il comprit qu’elle préférait qu’on ne parle pas de tout ce butin accumulé. Il la comprenait fort bien.

— Je peux très bien perdre encore deux ou trois jours. Mon ami ne va pas quitter la région avant d’avoir une certitude totale.

Vergara refaisait du café pour tout le monde. Juste comme il servait la jeune femme, un bourdonnement lointain troubla le silence, et il fut certain que c’était la petite voiture.

— La Seat 600 revient, dit-il en cherchant les yeux de la jeune femme.

Elle lui sourit.

— Il sent bon. Pouvez-vous me donner deux morceaux de sucre, s’il vous plaît ? Merci.

— Dans moins d’une minute, elle sera là. Elle se trouve au-dessus de nos têtes à trois tournants environ.

Odile buvait doucement son café bouillant, et lorsque la Seat 600 passa en vrombrissant à quelques mètres d’eux, elle resta impassible.

Le soleil accrocha un reflet et le renvoya dans la grotte au-travers des buissons.

— Je crois que je vais manger un morceau de pain et de fromage, dit-elle ensuite. Cette promenade m’a creusée.

— Votre jambe ?

— Ça va. Demain, je crois que je pourrai marcher comme tout le monde, et, dans quelques jours, j’aurai complètement oublié cette foulure. Vous êtes un excellent médecin.

Elle souriait sans arrière-pensée, comme libérée d’un grand poids. Chiva approuva :

— Mangeons tous. Nous pourrons ainsi rouler plus longtemps sans nous arrêter à midi.

— Si je chargeais avant ? proposa Vergara. Ensuite, nous n’aurions plus qu’à filer.

— Comme tu veux.

Pendant qu’il empilait les valises et les objets dans la camionnette, Odile s’écarta, et les deux hommes comprirent sa répugnance au sujet de ces affaires appartenant à des gens morts de leurs mains. Vergara se hâta et, en une demi-heure, il ne restait plus rien sur le sol de la mine. Ils déjeunèrent de bon appétit et presque joyeusement.

— Cela fait combien de kilomètres jusqu’en Estramadure ? demanda Odile.

— Trois cent cinquante, mais par les petites routes. Nous ne voulons pas emprunter les grandes artères. La moindre panne… Il nous faudra plus de quinze heures, car certains endroits sont impraticables.

— Où me laisserez-vous ?

Chiva échangea un regard avec Vergara.

— Au nord de Badajoz.

Il ignorait où se trouvait exactement le couvent, mais ils chercheraient.

— Dès que nous trouverons de l’eau, nous ferons le plein. Señora, montez-vous devant entre nous deux ? Ou à l’arrière avec Chiva et Tico pour vous tenir compagnie.

— À l’arrière, dit-elle. Nous y serons certainement mieux que serrés à trois à l’avant.

Vergara se mordit les lèvres. Il semblait regretter de ne pas l’avoir à ses côtés durant le voyage.

— Vous nous tiendrez compagnie à l’un et à l’autre, dit Chiva. Commencez à monter à côté de mon ami.

Ils sortirent de la mine en écartant les buissons, puis empruntèrent la petite route. Au croisement, un motard réglait la circulation et leur donna l’autorisation, au bout de quelques minutes, de tourner à droite.

— Vous auriez pu sauter et courir jusqu’à lui, dit Vergara. Nous n’aurions pu vous en empêcher.

— Je croyais que cette question était réglée, remarqua-t-elle avec un froncement de sourcils.

Il passa sa vitesse en jetant un coup d’œil à ses genoux lisses et dorés largement découverts. En trois jours, il n’avait pas tellement fait attention à son corps.

— Pourquoi faites-vous ainsi ?

— Je suis logique, non ? Je voulais connaître ce pays même dans ce qu’il avait de plus désagréable, surtout pour cela.

— Le sommes-nous à ce point ?

La jeune femme ferma les yeux.

— Je crois que vous ne vous rendez absolument pas compte. Vous avez projeté dans la mort des gens innocents.

— Les riches ne sont jamais innocents. C’est Chiva qui le dit.

— Il a certainement raison, mais est-ce une raison pour les tuer ?

— Nous étions en état de légitime défense : pas de travail, plus d’argent, aucun espoir.