Выбрать главу

— Nous pouvons les faire développer dès ce soir, dit le policier sérieusement ébranlé. De toute façon, l’utilisation de cette mine comme lieu de séjour est déjà un fait très suspect par lui-même.

— Si nous allions faire un tour dans ce puits, fit Bouquet en désignant l’échelle de fer.

— Très peu pour moi. Les échelons doivent être rouillés. Les occupants n’ont pas pu s’égarer jusqu’en bas. Ils se contentaient d’occuper l’entrée de la mine.

Il sortit pour examiner à nouveau le carton jaune contenant le film de photographies. À l’intérieur, on commençait par ne plus rien y voir. Il remarqua la petite étiquette blanche.

— Le prix est en francs…, français, certainement.

Son visage perdait de son impassibilité.

— Je crois que nous avons découvert là quelque chose de très important. Que ferait ce film dans cette mine, si nous découvrions que les propriétaires ne sont jamais venus dans le coin.

Roger Bouquet fut heureux de regagner sa chambre. Il prit une longue douche, se changea entièrement de vêtements. Il s’apprêtait à passer à table vers neuf heures du soir, selon la coutume locale, lorsque Coloma pénétra dans la salle à manger où un immense ventilateur central essayait de brasser l’air brûlant sans grand résultat. Le policier paraissait très satisfait.

— Les photographies ont été développées, et nous savons de qui il s’agit. L’homme et la femme qui figurent sur les clichés ont trouvé la mort dans un terrible accident, voici bientôt quinze jours, dans le nord, à une centaine de kilomètres.

Le Français garda tout son calme, mais il exultait.

— De plus, nous avons retrouvé des commerçants se souvenant de la camionnette vétuste transportant deux hommes et ayant une bâche rapiécée. Nous avons le témoignage d’un pompiste et celui de deux commerçants en alimentation. Il semble que ce soit toujours le même homme qui effectue les achats. Un type assez grand et brun, ressemblant un peu à El Cordobés, si on ne tient pas compte de la couleur des cheveux.

Il sourit.

— Ici, les gens remarquent vite un homme qui ressemble à une vedette de l’arène.

— Mais il n’est plus dans la région ?

— Nous avons transmis le renseignement à toute l’Espagne. Nous donnons la description de la camionnette et celle du sosie d’El Cordobés. Nous aurons rapidement des résultats. La coordination de nos polices n’est pas une utopie. Je n’ai pas manqué de signaler que l’homme était très dangereux.

Il alluma un petit cigare noir.

— Ils ont dû transférer ailleurs le siège de leurs activités en emportant leur butin. Il y en avait certainement pour plusieurs centaines de milliers de pesetas. Si nous avons vu juste, señor, nous allons empêcher que ces naufrageurs réussissent à nouveau leurs coups dans une autre partie du pays.

— Et mon amie Odile Roy ? s’impatienta Roger Bouquet.

— J’ai lancé également un ordre de recherche la concernant, expliquant qu’elle pouvait être gardée comme otage par ces bandits.

— Vous croyez qu’ils ne sont que deux ?

— C’est difficilement croyable.

— Nous n’avons aucune idée de la façon dont ils s’y prenaient pour descendre jusqu’aux épaves. En ce qui concerne ma voiture, il s’agit tout bonnement d’un exploit.

CHAPITRE XVI

La sœur examinait chaque vêtement qu’elle sortait de la valise en carton bouilli, le plaçait sur la pile après un hochement de tête. De temps en temps, son regard noir et intelligent se posait sur le fauteuil roulant de Chiva, comme si elle trouvait sa présence insolite.

Vergara sortit les billets qu’il avait préparés et les tendit à la deuxième sœur qui assistait à la scène, immobile de l’autre côté de la table.

— Deux mille pesetas, dit-il. C’est tout ce qu’il possède.

Durant la dernière partie du voyage, les deux amis avaient discuté âprement au sujet de l’argent qu’ils donneraient au couvent. Chiva refusait qu’il donne plus de mille pesetas, mais Vergara craignait que son ami ne soit mal traité s’il ne donnait pas davantage. De plus, il l’avait forcé à cacher quelques billets sur lui.

— Très bien, dit la sœur. Mais l’ennui, c’est ce fauteuil. La plupart de nos protégés sont démunis de tout et ne possèdent pas de tels instruments.

Chiva crispa ses mains sur les roues de son fauteuil et regarda fixement devant lui.

— C’est le cadeau d’une personne très riche de la région de Murcie, dit soudain Vergara. Elle est très bonne et a promis de venir voir mon ami prochainement. Très certainement, elle fera un don au couvent.

Le cul-de-jatte tourna la tête vers lui et eut envie de sourire. Vergara venait de lui faire un clin d’œil rapide. Heureusement qu’il avait eu cette idée. Les deux sœurs échangèrent un regard, puis celle qui avait pris l’argent inclina la tête.

— Eh bien ! je pense qu’elle sera contente de voir que son protégé se trouve si bien parmi nous. Comment se nomme cette personne ?

Puis elle se hâta d’ajouter :

— Nous pourrions lui donner des nouvelles de votre ami.

— Mais il s’en chargera lui-même, puisqu’il a appris à écrire. La personne en question se nomme Doña Isabel Larega, Sein Pedro de Salinas, pas très loin de Murcie.

Une lueur amusée illumina l’œil de Chiva. Doña Isabel était la propriétaire d’une fonda crasseuse, une vieille femme laide comme une chouette et maligne comme le diable. Elle comprendrait vite, si les sœurs lui écrivaient au sujet de Chiva, et se chargerait de leur donner le change.

— Signez ici, dit la sœur.

Vergara lut le texte imprimé de la décharge, mais ne signa pas tout de suite.

— Si un jour mon ami désire sortir d’ici pour vivre à nouveau dans le monde ?

La sœur pinça ses lèvres déjà minces.

— Nous sommes le refuge des déshérités et, en général, ils se trouvent très bien chez nous et ne désirent pas retrouver la vie misérable qui fut la leur.

— Je comprends très bien, dit Vergara, mais peut-être pourrai-je le reprendre avec moi plus tard, lorsque ma situation se sera améliorée. J’ai de solides espoirs.

— Il suffira que vous reveniez le chercher. Vous ou une personne que vous désignerez par lettre. La présence de votre signature, dont nous aurons un modèle, nous suffira.

Vergara regarda Chiva. Ce dernier inclina la tête et il signa avec soin. Après quoi, il eut hâte de partir. La main de Chiva serra fortement la sienne et il sortit du couvent, remonta à son volant sans se rendre compte de ce qu’il faisait. Lorsqu’il se retrouva sur la route de Séville qui, au-delà de cette ville conduisait à Cadix, il crut avoir rêvé les derniers événements. Il y avait eu quelques difficultés au sujet de Tico, le canari, mais Chiva avait promis de s’en occuper personnellement et de fournir sa nourriture. La nuit, le petit oiseau restait au-dehors dans un coin abrité du couvent.

Lorsque la nuit fut totalement venue, il décida de chercher un coin pour manger un morceau et dormir quelques heures. Il se mit alors à penser à Odile Roy et plus rien ne put l’en distraire. Il continua de rouler sur cette route à grande circulation où le moindre contrôle policier pouvait le mettre en danger.

Il s’isola sur l’un de ces petits chemins qui partent en direction de la sierra, paraissent vite s’épuiser et se perdre en une sorte de piste pour mulets. Il mangea un morceau de pain et de saucisson, but plusieurs gorgées de vin, chercha ensuite le sommeil. Chiva et Odile le hantaient dans cette nuit silencieuse vide du plus petit bruit. Il n’y avait même pas d’insectes dans la pierraille.