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Lorsqu’il s’éveilla, c’était l’aube. Il se rasa tant bien que mal, essaya de trouver une chemise un peu plus propre que les autres, ouvrit l’une des valises luxueuses et trouva ce qui lui convenait. Un polo très léger de couleur bleue.

Trois heures plus tard, il pénétrait à nouveau dans les rues étroites du village, immobilisait la camionnette sur la petite place. Les mains dans les poches, faussement désinvolte, il s’approcha de l’auberge, jeta un coup d’œil à l’intérieur. Une grosse femme balayait le sol en terre battue autour de quelques tables en bois. Il fit cliqueter le rideau en perles lorsqu’il entra.

— Je peux avoir du café ?

La grosse femme le regarda fixement, puis disparut dans sa cuisine et revint avec une grosse cafetière et un bol.

— Du lait ?

— De vache ?

— De chèvre.

— Non, merci. Je… La Française est toujours ici ? Celle qui est arrivée hier à midi.

— Elle dort.

Vergara regarda l’escalier.

— Il faut que je la voie.

— Lorsqu’elle descendra.

Il ne dit rien, but son café et posa l’argent sur la table. Puis il se leva, se dirigea vers l’escalier.

— Vous ne pouvez pas monter maintenant. La señora dort encore.

— Quelle chambre ?

Mais la grosse femme se buta et il sut qu’il n’en tirerait rien. Il monta les escaliers et découvrit un couloir sur lequel donnaient quatre portes. Il frappa à la première et ouvrit. Il n’y avait personne et le lit était défait. Dans un rayon de soleil, dansaient des poussières. Il recommença à la seconde, mais ne put ouvrir.

— Odile. C’est moi, Vergara.

Mais il n’entendit rien. Une porte s’ouvrit dans son dos et il vit son visage.

— Vous êtes revenu ?

— Odile.

— N’entrez pas. Laissez-moi le temps de me recoucher.

Le poids de son corps faisait glisser la porte et elle ne pouvait plus résister.

— Partez, dit-elle. Dès hier au soir, j’ai pu envoyer un message à mon ami. Des gardes civils m’ont interrogée. Ils vont revenir ce matin. Si vous restez ici, ils vous arrêteront.

— Laisse-moi entrer.

Elle céda et il referma la porte derrière lui. Odile était nue devant lui. Il tendit les bras, sentit sa peau chaude sous ses mains.

— Tonio, il faut partir.

Il la poussa vers le lit, tomba sur elle. Les bras d’Odile se refermèrent sur lui.

— Il faut que tu partes maintenant. Dans une heure, il sera trop tard…

Ce fut les mots qu’il entendit ensuite, lorsqu’il sortit d’une courte somnolence. Il chercha les lèvres d’Odile pour l’empêcher de parler et la sentir à nouveau devenir consentante.

— C’est de la folie… Tu as gâché toutes tes chances… Celles de Chiva. Je n’ai pas parlé de lui pour éviter une identification rapide… plus tard peut-être… Je ne sais pas. J’ai parlé de deux hommes. Mais les gens du village avaient vu la camionnette. L’aubergiste aussi. Il faut que tu partes vite.

— Chiva n’est plus avec moi.

Elle le fixa avec stupéfaction.

— Ne te fais pas de souci pour lui. Il est bien pour le moment. Nous avons décidé de nous séparer.

— Où est-il ?

Vergara secoua la tête.

— Non, ça je ne peux pas…

Elle souriait.

— Malgré tout, tu es revenu ?

— Tu ne m’attendais pas ?

— Les hommes que j’ai connus ne m’ont pas habituée à tant de courage.

Il haussa les épaules.

— C’est facile. Je savais que tu ne me repousserais pas, alors où est le courage ?

Elle le renversa, lui caressa l’épaule.

— Ton ami doit être heureux de te savoir en vie.

— Ne parlons pas de lui, mais de toi. Il faut que tu partes maintenant.

— À cause de lui ?

— Lui, je m’en fous. Ce que je veux, c’est te savoir en vie, libre. Chiva, tu penses à lui ?

Vergara quitta le lit.

— Tu as raison.

— Écoute, je vais rentrer en France. Mais je reviendrai un jour.

Il sourit en secouant la tête.

— Je ne crois pas.

— Il le faut. Pourquoi ne nous reverrions-nous pas ?

— Pour que tu te rendes compte que je suis Vergara le puisatier, Vergara l’assassin, Vergara le pauvre ? Non…

S’approchant de la fenêtre, il regarda à travers la fente que laissaient les volets mal fermés.

— Personne. Qu’as-tu dit à la Guardia Civil ?

— La grosse femme en bas devait s’inquiéter que je sois sans bagages et elle les a alertés. Ils sont venus dans la soirée et m’ont posé quelques questions. J’ai dit que j’avais eu un accident dans la région de Grenade et que deux hommes m’avaient recueillie à bord de leur camionnette. J’ai joué la demi-folle, enfin celle qui est encore choquée après un accident. Ils m’ont dit que j’étais très loin de Grenade, m’ont demandé mon nom. J’ai parlé de mon ami, puis j’ai fait semblant de me rappeler de quelques détails. Ils doivent revenir ce matin.

Elle commença de s’habiller.

— Je vais t’accompagner.

— La grosse femme en bas aura des doutes. Déjà, elle ne voulait pas que je monte.

Puis il revint à la fenêtre, pris d’un pressentiment. Il y avait deux gardes qui examinaient la camionnette.

— Hier, ils étaient trois, souffla Odile dans son cou. Je ne vois pas le chef.

— Il doit fouiller à l’arrière de la camionnette. Maintenant, ils savent que je suis suspect.

— La grosse femme ?

— Oui.

Il la repoussa parce qu’elle voulait sortir avec lui, puis la reprit pour l’embrasser.

— Tu n’aurais jamais dû revenir, dit-elle les larmes plein ses yeux.

— Ne t’inquiète pas. Jamais…

En quelques bonds, il fut en bas de l’escalier. La grosse femme se tapissait dans la cuisine. Elle protégea son gros visage de ses malins épaisses, mais il ne l’approcha pas.

— On peut passer par-là ?

— Non. C’est une cour sans issue.

C’est alors qu’il aperçut le fusil accroché dans un coin, en partie caché par une armoire. Il alla le prendre, sourit. Un fusil de chasse à deux coups.

— Les cartouches ? On chasse le sanglier, ici, hein ? Chevrotines…

Le regard de la grosse femme le guida vers un buffet. Il ouvrit deux tiroirs avant de découvrir la boîte. Il puisa dedans, arma le fusil, glissa le reste des cartouches dans sa poche.

Le fusil au creux du bras gauche, il se planta derrière le rideau de perles. Les trois gardes civils demeuraient invisibles. Il se baissa et vit leurs bottes derrière la camionnette. Le contenu de celle-ci devait surprendre les policiers.

Les fils de perles glissèrent silencieusement sur lui tandis qu’il avançait vers la place. Tout au fond, il y avait un groupe d’hommes, à distance respectueuse des policiers. Des gens du village qui sauraient rester indifférents.

Il marchait lentement, et les trois policiers n’avaient pas encore découvert sa présence. S’il pouvait les surprendre et les désarmer, il pourrait filer.

Son premier objectif fut le platane le plus proche, un arbre au tronc énorme qui pouvait en dissimuler deux comme lui. Il s’écrasa contre les bosses, sourit en pensant aux seins durs d’Odile. Il se retourna vers l’auberge, crut l’apercevoir entre les volets de sa chambre. Puis il jeta un coup d’œil aux gardes civils. Les trois hommes, occupés à fouiller les valises et à examiner les objets de toute nature entassés dans le fond, ne se rendaient même pas compte de sa présence.