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— Avec joie ! Je serai devant l’hôtel dans une demi-heure.

Il était même si heureux qu’il oublia de demander à sa voyageuse ce qu’elle comptait emporter comme bagages. Aussi quand la petite Amilcar s’arrêta devant l’entrée du Ritz donnant sur la rue Cambon, le bagagiste qui arrivait avec une malle cabine et deux valises faillit-il se mettre à pleurer :

— On n’y arrivera jamais, dit cet homme. À moins d’en mettre à la place du chauffeur et du passager, auquel cas je ne vois pas comment ça pourrait marcher…

— Je n’ai pourtant pris que le strict nécessaire, gémit Pauline qui n’imaginait sans doute pas qu’un égyptologue célèbre puisse rouler dans autre chose qu’une Rolls, une Bentley ou une Hispano-Suiza…

— Ne nous affolons pas ! décréta Adalbert un rien vexé. Il n’y a qu’à faire venir un taxi et il conduira vos bagages à Versailles.

L’expédition ainsi arrangée, Pauline découvrit vite le plaisir qu’il y avait à remonter les Champs-Elysées à l’air libre par un beau jour de juin. Même le bruyant pot d’échappement lui parut amusant…

On traversa le bois de Boulogne, le pont de Saint-Cloud puis la côte dont on escalada la pente raide. Tout allait au mieux quand à la sortie de Ville-d’Avray on trouva la route barrée par un camion et une grosse voiture noire qui s’étaient rentrés dedans. Plus des gendarmes, deux policiers et des badauds…

— Un accident ! constata Adalbert. Il ne nous reste qu’à reculer et à chercher un autre chemin…

Une ambulance arrivait derrière eux et stoppait parce que la voie n’était pas assez large. Comme ils étaient près de l’accident, le conducteur leur intima l’ordre de se pousser un peu sur le bas-côté et de n’en plus bouger.

— Diable ! fit Adalbert, ce doit être grave ! Je vais voir !…

Quand il revint quelques instants plus tard, il était décomposé et naturellement Pauline s’inquiéta :

— Si ça ne vous fait rien, répondit-il, nous allons suivre cette ambulance jusqu’à l’hôpital de Saint-Cloud !

— Vous connaissez le ou les blessés ?

— Il n’y en a qu’un mais c’est le commissaire principal Langlois qui se rendait à Versailles pour s’occuper d’Aldo…

— C’est sérieux ?

— C’est justement ce que je veux savoir…

CHAPITRE XII

DE MAL EN PIS

Atteint d’une fracture au bassin, Langlois était aux mains du chirurgien quand Adalbert et Pauline quittèrent l’hôpital de Saint-Cloud, soulagés de le savoir hors de danger. Le premier restait cependant sombre. Des semaines passeraient avant que le policier puisse reprendre son activité. Son collègue versaillais allait avoir largement le temps de faire autant de dégâts qu’il voudrait et Aldo de disparaître définitivement de la surface de la Terre.

Aussi, après avoir déposé sa passagère au Trianon Palace, Adalbert encore tout bouillant de colère et de déception fonça-t-il sur l’hôtel de police. Il trouva Lemercier dans la salle des inspecteurs en train de donner des ordres à ses subalternes. Il piqua droit dessus :

— Je viens vous annoncer une nouvelle qui va vous faire plaisir, lâcha-t-il sans respirer. Le commissaire principal Langlois vient d’avoir un accident d’auto en traversant Ville-d’Avray…

— Et pourquoi cette nouvelle devrait me plaire ? fit l’autre en tournant vers lui un œil de granit.

— Mais parce que c’est vous qu’il venait voir. Il voulait vous expliquer qu’en prenant Morosini pour un truand vous vous trompez de bout en bout ! Sans compter que vous jouez avec sa vie !

Lemercier le considéra un instant puis :

— Et de cinq !… Suivez-moi !

En trois pas il eut atteint la porte de son bureau qu’il ouvrit largement découvrant Mme de Som-mières, Marie-Angéline, Quentin Crawford et Olivier de Malden répartis sur divers sièges :

— Voilà !… Vous voyez, il ne manquait plus que vous ! Mais entrez donc ! Plus on est de fous plus on rit !

Aussitôt Tante Amélie fut debout :

— Il s’agit de la vie de mon neveu, monsieur, et je ne suis pas venue pour rire !

— Je n’en ai pas plus envie que vous. Sauf le respect que je vous dois, mesdames et messieurs, vous me cassez les pieds et surtout vous me faites perdre mon temps. Alors, par pitié, foutez-moi la paix et laissez-moi travailler ! Merci de votre visite !

Cette sortie fut saluée d’exclamations indignées mais Adalbert ne s’en tint pas là :

— Un instant ! Je pourrais peut-être vous donner quelques informations supplémentaires. Savez-vous seulement que le marquis des Aubiers a été assassiné ? Sa nièce a refusé de porter plainte parce qu’elle a hâte de toucher son héritage mais le fait demeure : on l’a tué.

— D’où le prenez-vous ?

— Dans son escalier où quelqu’un avait tendu un fil. Demandez aux brancardiers de l’hôpital : il y en a un qui s’est cassé la figure dessus et qui, bien sûr, n’était pas content !

— Et pourquoi aurait-on fait ça ?

— Pour l’empêcher de parler. Il avait invité Mme de Sommières ici présente à prendre le thé afin de la convaincre de ne pas laisser Mlle du Plan-Crépin fréquenter la bande du professeur Ponant-Saint-Germain qu’il jugeait dangereuse…

— Il délirait. Ce sont de braves gens, âgés d’ailleurs, qui se réunissent dans un coin ou un autre du château ou du parc, pour célébrer le culte de Marie-Antoinette en se donnant des airs de conspirateurs !

— Il n’y a pas que des vieux ! Il y a aussi des jeunes singulièrement musclés et chargés de faire régner l’ordre. Demandez à Mlle du Plan-Crépin, elle a des lumières là-dessus ! Mais ce n’est pas tout : je désire poser devant vous une question à lord Crawford ?

— À moi ?… Ma conduite serait-elle sujette à caution ?

— C’est ce que nous allons voir ! L’autre soir, au Hameau et chez lady Mendl, votre épouse portait un admirable collier de diamants dont elle ne cachait pas qu’il avait appartenu à la Reine ?

— En effet, mais…

— Est-ce le seul joyau de cette provenance que vous possédiez ?

— Je ne vois pas pourquoi vous me posez cette question mais la réponse est oui. Pour le moment présent du moins…

— Ce qui veut dire que vous en possédiez un autre. Lequel ?

Le lourd visage de l’Écossais s’assombrit d’un seul coup :

— L’une des deux fameuses larmes de diamants…

— Tiens donc !…

— Elle m’a été volée il y a un peu plus d’un an en Écosse, dans mon château familial près d’Inverary. En même temps d’ailleurs qu’une miniature sur ivoire sur laquelle la Reine, en grand habit, porte les deux boucles d’oreilles. Une miniature à laquelle je tenais énormément ! ajouta-t-il d’une voix émue. Qui n’attendrit pas Adalbert.

— De là à penser que vous avez fait copier la larme pour la présenter à l’exposition sous le nom de Mlle Autié…

— Moi ? Pendant que vous y êtes, accusez-moi d’avoir fait massacrer tous ces pauvres gens ? Vous m’insultez, monsieur, et je n’ai jamais permis à quiconque…

— Vous voulez qu’on se batte en duel ? Vous ne trouvez pas qu’il a déjà coulé assez de sang ? D’autant que vous ignorez peut-être que le joyau… et un autre un nœud de corsage en diamants et émeraudes…

Les yeux de l’Écossais s’ouvrirent démesurément :

— Jamais acheté !… Jamais vu non plus ! Il appartenait à la Reine ?

— Si vous ne le savez pas ce n’est pas moi qui pourrai vous le dire. En revanche, j’affirme que ces bijoux sont chez vous…

— Vous en avez menti ! Je sais ce que je possède ! Nom de Dieu !