Il faut parcourir le remarquable et impartial ouvrage de Th. Child, sur les républiques hispano-américaines, pour apprécier la profondeur de leur décadence. Les causes en sont tout entières dans la constitution mentale d'une race n'ayant ni énergie, ni volonté, ni moralité. L'absence de moralité, surtout, dépasse tout ce que nous connaissons de pire en Europe. Citant une des villes les plus importantes, Buenos-Ayres, l'auteur la déclare inhabitable pour quiconque a quelque délicatesse de conscience et quelque moralité. A propos de l'une des moins dégradées de ces républiques, la république Argentine, le même écrivain ajoute: «Que l'on examine cette république au point de vue commercial, on reste confondu par l'immoralité qui s'affiche partout.»
Quant aux institutions, nul exemple ne montre mieux à quel point elles sont filles de la race, et l'impossibilité de les transporter d'un peuple à un autre. Il était fort intéressant de savoir ce que deviendraient les institutions si libérales des Etats-Unis transportées chez une race inférieure. «Ces pays, nous dit en parlant des diverses républiques hispano-américaines M. Child, sont sous la férule de présidents qui exercent une autocratie non moins absolue que le czar de toutes les Russies; plus absolue même, en ce qu'ils sont à l'abri de toutes les importunités et de l'influence de la censure européenne. Le personnel administratif est uniquement composé de leurs créatures…; les citoyens votent comme bon leur semble, mais il n'est tenu aucun compte de leurs suffrages. La République Argentine n'est une république que de nom; en réalité, c'est une oligarchie de gens qui font de la politique un commerce.»
Un seul pays, le Brésil, avait un peu échappé à cette profonde décadence, grâce à un régime monarchique qui mettait le pouvoir à l'abri des compétitions. Trop libéral pour des races sans énergie et sans volonté, il a fini par succomber. Du même coup le pays est tombé en pleine anarchie; et, en peu d'années, les gens au pouvoir ont tellement dilapidé le Trésor, que les impôts ont dû être augmentés de plus de 60 p. 100.
Ce n'est pas seulement en politique, naturellement, que se manifeste la décadence de la race latine qui peuple le sud de l'Amérique, mais bien dans tous les éléments de la civilisation. Réduites à elles-mêmes, ces malheureuses républiques retourneraient à la pure barbarie. Toute l'industrie et tout le commerce sont dans les mains des étrangers: Anglais, Américains et Allemands. Valparaiso est devenu une ville anglaise; et il ne resterait rien au Chili, si on lui ôtait ses étrangers. C'est grâce à eux que ces contrées conservent encore ce vernis extérieur de civilisation qui trompe encore l'Europe. La République Argentine compte 4 millions de blancs d'origine espagnole; je ne sais si on en citerait un seul, en dehors des étrangers, à la tête d'une industrie vraiment importante.
Cette effroyable décadence de la race latine, abandonnée à elle-même, mise en présence de la prospérité de la race anglaise, dans un pays voisin, est une des plus sombres, des plus tristes et, en même temps, des plus instructives expériences que l'on puisse citer à l'appui des lois psychologiques que j'ai exposées.
CHAPITRE III
COMMENT L'ALTÉRATION DE L'AME DES RACES MODIFIE L'ÉVOLUTION HISTORIQUE DES PEUPLES
Les exemples que nous avons cités montrent que l'histoire d'un peuple ne dépend pas de ses institutions, mais de son caractère, c'est-à-dire de sa race. Nous avons vu d'autre part, en étudiant la formation des races historiques, que leur dissolution se fait par des croisements; et que les peuples qui ont conservé leur unité et leur force, comme jadis les Aryens dans l'Inde, et, de nos jours, les Anglais dans leurs diverses colonies, sont ceux qui ont toujours évité soigneusement de se mêler à des étrangers. La présence d'étrangers, même en petit nombre, suffit à altérer l'âme d'un peuple. Elle lui fait perdre son aptitude à défendre les caractères de sa race, les monuments de son histoire, les œuvres de ses aïeux.
Cette conclusion ressort de tout ce qui précède. Si les divers éléments d'une civilisation doivent être considérés comme la manifestation extérieure de l'âme d'un peuple, il est évident que, dès que l'âme de ce peuple change, sa civilisation doit également changer.
L'histoire du passé nous en fournit d'incontestables preuves, et l'histoire de l'avenir en fournira bien d'autres encore.
La transformation progressive de la civilisation romaine est un des plus frappants exemples qu'on puisse invoquer. Les historiens nous représentent généralement cet événement comme le résultat d'invasions destructives des Barbares; mais une étude plus attentive des faits montre, d'une part, que ce sont des invasions pacifiques, et nullement guerrières, qui amenèrent la chute de l'Empire; d'autre part, que, loin de vouloir renverser la civilisation romaine, les Barbares en furent toujours de respectueux admirateurs, et firent tous leurs efforts pour l'adopter et la continuer. Ils essayèrent de s'approprier sa langue, ses institutions et ses arts. Jusque sous les derniers Mérovingiens, ils essayaient de continuer encore la grande civilisation dont ils avaient hérité. Tous les actes du grand empereur Charlemagne sont imprégnés de cette pensée.
Mais nous savons qu'une telle tâche fut toujours irréalisable. Il fallut aux Barbares plusieurs siècles pour former, par des croisements répétés et des conditions d'existence identiques, une race un peu homogène; et quand cette race fut formée, elle possédait par ce seul fait des arts nouveaux, une langue nouvelle, des institutions nouvelles et par conséquent une civilisation nouvelle. La grande mémoire de Rome ne cessa de peser sur cette civilisation; mais ce fut en vain qu'à plusieurs reprises on essaya de la faire revivre. En vain, la Renaissance essaya de ressusciter ses arts, la Révolution de ramener ses institutions.
Les Barbares qui envahirent progressivement l'Empire dès le premier siècle de notre ère, et finirent par l'absorber, ne songèrent donc jamais à détruire sa civilisation, mais uniquement à la continuer. Alors même qu'ils n'eussent jamais combattu Rome, et se fussent bornés à se mêler de plus en plus aux Romains chaque jour moins nombreux, le cours de l'histoire n'eût pas changé, ils n'auraient pas détruit l'Empire, mais la simple influence de leur mélange eût suffi à détruire l'âme romaine. On peut donc dire que la civilisation romaine n'a jamais été renversée, mais s'est simplement continuée en se transformant dans le cours des âges par le fait seul qu'elle est tombée dans les mains de races différentes.