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— Ce ne serait pas du luxe », observa Laura. Elle lui sourit. Ça ne lui déplaisait pas. Elle l’aimait bien, pour lui avoir offert cette vision à long terme, au moment même où tout explosait. C’était le moment idéal, en fait. « Ça me plaît bien, dit-elle. Le boulot paraît intéressant. On pourrait en discuter un de ces jours. En réseau.

— Je ne dis pas non. Quand je me serai remis dans le bain. » Il avait l’air gêné. « Mais ça ne me gêne pas de rester un peu à l’écart. Je ne m’étais pas trop bien débrouillé. Le pouvoir… vous devez connaître, Laura. Mieux que quiconque.

— Vous vous êtes très bien débrouillé – tout le monde le dit. Vous n’êtes pas responsable de ce qui m’est arrivé. Je m’y suis jetée en toute connaissance de cause.

— Seigneur, ça fait du bien de vous entendre dire ça. » Il regarda par terre. « Je redoutais cette rencontre… Je veux dire, vous aviez été sympa les quelques fois où l’on s’était rencontrés mais je ne savais pas comment vous le prendriez.

— Eh bien, c’est notre boulot ! C’est ce que nous faisons, ce que nous sommes.

— Vous y croyez vraiment, hein ? La communauté.

— Il faut bien. C’est tout ce qui me reste.

— Ouais, dit-il. À moi aussi. » Il sourit. « Ça ne peut pas être une mauvaise chose. Je veux dire, on est tous les deux dans le même bain. Au pied du mur. La solidarité, Laura.

— Solidarité. » Ils trinquèrent et burent le reste de Drambuie.

« C’est bon. » Il regarda autour de lui. « Chouette appart.

— Ouais… À l’abri des journaleux… Et j’ai un balcon super. Vous aimez l’altitude ?

— Ouais, ça fait quoi, comme hauteur, ici, le quarantième ? Jamais été foutu de distinguer tous ces grands machins d’Atlanta. » Il se leva. « Je prendrais bien un peu l’air.

— D’accord. » Elle se dirigea vers le balcon ; les portes-fenêtres s’ouvrirent automatiquement. Ils se retrouvèrent au-dessus d’une rue qui paraissait bien lointaine.

« Impressionnant. » Ils pouvaient voir en face d’eux une autre tour, ses étages successifs, les rideaux tirés ici et là, la lueur du journal télévisé. Le balcon du dessus était ouvert et ils entendirent un murmure de conversation. Qui montait.

« C’est bien d’être ici, dit-il. Je me souviendrai de cet instant. Où j’étais, ce que je faisais. Merde, tout le monde s’en souviendra. Dans des années d’ici. Jusqu’à la fin de nos jours.

— Je crois que vous avez raison. Je le sais.

— Ça va être soit le pire absolu, soit la fin définitive de quelque chose.

— Ouais… J’aurais dû amener la bouteille de saké. » Elle se pencha par-dessus la balustrade. « Vous ne m’en voudriez pas, Charlie, n’est-ce pas ? Si c’était le pire ? Parce que j’y ai bel et bien joué un rôle.

— L’idée ne m’est jamais venue.

— Je veux dire, je ne suis qu’un simple individu mais j’ai fait ce qu’un simple individu pouvait faire.

— On ne peut pas en demander plus. »

Il y eut un cri bestial à l’étage supérieur. De joie, de rage, de douleur, difficile à dire. « Ça y est », dit-il.

Les gens se déversaient dans les rues. Descendaient des véhicules. Pour courir. Se précipiter les uns vers les autres. Fragments lointains d’anonymat bondissants : la foule.

Concert d’avertisseurs. On s’embrassait. Des étrangers, qui s’embrassaient. Des gens se jetaient dans les bras les uns des autres. En face, des fenêtres s’ouvraient à la volée.

« Ils les ont eus », dit-il.

Laura considéra la foule en dessous. « Tout le monde est si heureux. »

Il eut le bon sens de ne rien dire. Il lui tendit simplement la main.