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— Du thé à la menthe, ce serait parfait. Oh ! juste du thé, si vous n’avez pas de menthe.

— Quelque chose pour vous, capitaine Baxter ? »

Air furieux de l’intéressée. « Où a-t-il été tué ?

— Sur ces questions, mon mari pourra vous aider… » Elle effleura son multiphone. « David ? »

David glissa un œil dans le hall par la porte de la salle à manger. Il vit les flics, se retourna et, par-dessus son épaule, lança un ordre bref au personnel en patois espagnol. Tout ce que saisit Laura, ce fut los rinches, les Rangers, mais il y eut un craquement de chaises et aussitôt Mme Delrosario apparut, tout affairée.

Laura fit les présentations. Vorochilov braqua sur chacun tour à tour ses vidéoverres intimidants. Ils avaient quelque chose d’inquiétant – sous certains angles, Laura discernait une fine résille dorée dans l’épaisseur des lentilles opaques. Aucune pièce mobile. David sortit avec la Ranger.

Laura se retrouva en train de siroter du thé avec l’inspecteur de Vienne dans le bureau du rez-de-chaussée. « Un décor remarquable », observa Vorochilov, en se carrant dans le siège de voiture en vinyle, révélant deux centimètres de manchettes couleur crème sous les poignets de son pardessus gris anthracite.

« Merci, camarade. »

Vorochilov leva ses vidéoverres avec un geste exercé pour la gratifier d’un long regard de ses yeux bleus veloutés de pop star. « Vous êtes marxiste ?

— Démocrate économique », dit Laura. Vorochilov roula les yeux dans une involontaire et brève mimique de dérision puis remit les verres sur son nez. « Aviez-vous déjà entendu parler du FAIT avant aujourd’hui ?

— Jamais, dit Laura. Jamais entendu parler.

— Le communiqué ne fait nulle mention des groupes venus d’Europe et de Singapour.

— Je ne crois pas qu’ils étaient au courant de la présence des autres, expliqua Laura. Nous – Rizome, je veux dire – sommes très attentifs à la sécurité. Mme Emerson, notre responsable en ce domaine, pourra vous en dire plus. »

Vorochilov sourit. « La notion américaine d’“attention portée à la sécurité”… Je suis touché. » Il marqua une pause. « Pourquoi êtes-vous impliquée dans cette affaire ? Ce n’est pas votre problème.

— Ça l’est, maintenant. Qui est ce FAIT ? Pouvez-vous nous aider à lutter contre ?

— Ils n’existent pas. Oh ! ils ont certes existé dans le temps. Il y a des années. Tous ces millions que votre gouvernement américain a dépensés, des groupuscules par-ci, des groupuscules par-là. Horribles petits rejetons du bon vieux temps de la guerre froide. Mais le FAIT n’est plus aujourd’hui qu’une façade, un conte de fées. Le FAIT est un paravent derrière lequel les planques de données se cachent pour se canarder mutuellement. » Il feignit de braquer un pistolet. « Comme les Brigades rouges d’antan, pan-pan-pan sur l’OTAN. L’UNITA angolaise, pan-pan-pan sur les Cubains. » Il sourit. « Alors voilà, nous sommes ici, assis dans ces bons fauteuils, à boire du bon thé entre gens civilisés. Tout cela parce que vous avez mis le pied dans un reliquat d’ordures hérité du temps où votre grand-père n’aimait pas le mien.

— Que comptez-vous faire ?

— Je devrais vous passer un savon. Mais je vais plutôt le passer à votre ex-commissaire de la CIA, là-haut. Et mon amie Ranger fera de même. Mon amie Ranger apprécie peu l’état dans lequel vous avez mis la chouette réputation du Texas. » Il ouvrit l’écran de son terminal et tapa quelques commandes.

« Donc, vous avez vu l’engin volant sans pilote qui a effectué le tir.

— Oui.

— Dites-moi si vous le reconnaissez ici. »

Des images apparurent, représentations graphiques habilement colorées se succédant par salves de quatre secondes. Avions au fuselage aveugle dotés de moignons d’ailes, sans cabine : ils étaient radioguidés. Certains étaient barbouillés de peinture camouflage. D’autres arboraient une immatriculation en caractères cyrilliques ou hébreux. « Non, pas comme ça », dit Laura.

Vorochilov haussa les épaules et pianota sur son clavier. Apparut un engin d’aspect encore plus bizarre : une paire de petites saucisses. Puis un appareil squelettique, croisement d’un hélicoptère et d’un tricycle d’enfant. Puis une sorte de balle de golf à double rotor. Puis une cacahuète orange.

« Stop », s’écria Laura.

Vorochilov figea l’image. « C’est ça, dit Laura. Ce train d’atterrissage… comme une broche de barbecue. » Elle scruta l’engin. La taille étroite de la cacahuète abritait le moyeu de deux grandes hélices contrarotatives. « Quand les pales tournent, elles interceptent la lumière, et on dirait une soucoupe volante, observa-t-elle tout haut. Une soucoupe volante avec deux grosses saillies en haut et en bas. »

Vorochilov examina l’écran. « Vous avez vu un ADAV/SP Canadair CL-227. Appareil à Décollage et Atterrissage Vertical, Sans Pilote. Il a une portée de trente miles – des miles, quelle unité stupide… » Il tapa une note sur son clavier cyrillique. « Sans doute lancé d’un endroit quelconque sur cette île par les assassins… Ou peut-être depuis un navire. Facile, avec ce genre d’engin : pas besoin de piste.

— Celui que j’ai vu était d’une autre teinte. En métal nu, je suppose.

— Et équipé d’une mitrailleuse, ajouta Vorochilov. Ce n’est pas l’équipement standard. Mais des antiquités comme celle-ci sont sur le marché noir de l’armement depuis des années et des années. Achetables à bas prix pourvu d’avoir les contacts.

— Alors, vous ne pouvez pas retrouver ses propriétaires ? »

Il lui jeta un regard apitoyé.

Puis son multiphone bipa. C’était la Ranger. « Je suis dehors, sur la galerie, lui annonça-t-elle. J’ai récupéré un des projectiles.

— Attendez que je devine, dit Vorochilov. Balle de 35 mm, modèle OTAN standard.

— Affirmatif.

— Imaginez un peu tous ces millions et ces millions de balles OTAN non tirées, fit Vorochilov, songeur. Trop nombreuses même pour le marché africain… Une balle neuve contient une espèce de pression maléfique, vous ne croyez pas ? Quelque part, elle cherche à être tirée… » Il marqua un temps d’arrêt, ses lentilles aveugles braquées sur Laura. « Vous ne me suivez pas.

— Désolée. Je pensais que c’était à elle que vous vous adressiez. » Laura observa un silence. « Vous ne pouvez vraiment rien faire ?

— La situation me semble claire, reprit-il. “Règlement de compte interne”, comme on dit. L’un des groupes de pirates avait des collaborateurs sur cette île. Sans doute les représentants de la Banque islamique de Singapour, tristement célèbres pour leur fourberie. L’occasion s’est présentée de tuer Stubbs, ils l’ont saisie. » Il rabattit l’écran. « Durant mon vol vers Galveston, j’ai accédé au fichier sur Stubbs, à la Grenade, celui mentionné dans le communiqué du FAIT. Une lecture fort instructive. Les tueurs ont tiré parti de la nature même du stockage au sein des planques de données – du fait que les fichiers codés sont parfaitement protégés, y compris des pirates eux-mêmes. Seule une planque pourrait retourner sa force contre elle-même d’une façon aussi humiliante.

— Vous devez quand même être en mesure de nous aider. »

Vorochilov haussa les épaules. « La police locale peut entreprendre un certain nombre d’actions. Recenser les navires locaux, par exemple – vérifier si certains se trouvaient à proximité de la côte, et savoir qui les a loués. Mais je suis heureux de vous dire qu’il ne s’agit pas d’un acte de terrorisme politique. Je le rangerais plutôt dans les règlements de comptes crapuleux. Le prétendu communiqué du FAIT n’est qu’un moyen de brouiller les pistes. Une affaire instruite par la convention de Vienne est en effet soumise à certaines restrictions de publicité qu’ils doivent juger utiles.