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— Chut… Tais-toi sinon je te coupe la langue… Ou bien les couilles…

Évidemment, avec ce style d’arguments, le silence s’impose. Le poignard se place sur la clavicule gauche. Même trajet, pour croiser la première droite.

Benoît pousse un cri. Ça commence à faire mal. Très mal même. L’impression d’une flamme qui se promène sur sa poitrine. Il plie la nuque en arrière, se heurte aux barreaux.

— T’en fais pas, Ben. J’ai désinfecté la lame… Je veux pas que tu meures trop vite !

Génial ! Merci beaucoup…

Il respire de plus en plus vite. Tente encore de maîtriser la peur.

Le couteau rôde vers son nombril, à présent. Il contracte ses abdos à fond, dans un réflexe de survie.

— Jolies tablettes de chocolat ! commente Lydia en riant.

— Arrête ! implore-t-il.

Elle ne tranche pas, cette fois. Se contente de lui mettre l’arme sous le nez. Pour qu’il voie son propre sang. Il s’évanouirait volontiers…

— Et si je m’occupais de ton visage ? Je pourrais te défigurer… De toute façon, tu ne séduiras plus personne, désormais…

Finalement, elle renonce, descend sur le haut du torse. Dessine une ligne sanglante entre ses deux épaules. Il hurle, ses jambes rament dans le vide.

— Arrête ça Lydia, je t’en prie…

Elle approche la lame de sa bouche, l’essuie sur ses lèvres, semblant apprécier la saveur du sang de sa victime.

— Tu veux goûter, Ben ?

Il tourne la tête vers le mur.

— Tu as tort… C’est bon, tu sais…

Elle pose le couteau sur la couverture, oblige Lorand à la regarder. À affronter son bourreau de face.

— Je m’occuperai de ta jolie petite gueule plus tard…

— Pourquoi ? murmure-t-il. Qu’est-ce que j’ai fait pour mériter ça ?

Il y a des sanglots dans sa voix. Juste dans sa voix.

— Je te l’ai déjà dit, Ben…

— Non ! hurle-t-il. Non, tu ne m’as pas dit !

— J’ai peut-être oublié, alors. Mais de toute façon, tu as dû le deviner, maintenant. Passe une bonne nuit, Benoît. Demain, on continuera.

Les talons s’éloignent. Il les entend longtemps. Bien après qu’elle a quitté la cave.

Chapitre 7

Samedi 18 décembre, 10 heures

— Je vous trouve radieuse, Lydia… Vous semblez en pleine forme !

— C’est vrai, docteur. Je vais bien…

Nina Waldeck joue avec son stylo plume qui glisse entre ses doigts sans jamais tomber.

— Nous pourrions envisager d’espacer les séances, alors ? De revenir à une par semaine, comme avant… Voire une tous les quinze jours. Qu’en pensez-vous ?

— Peut-être…

— Nous verrons cela l’an prochain ! Qu’avez-vous à me raconter, ce matin ?

— Un rêve… J’ai rêvé que je le retrouvais…

La psy se cale dans son fauteuil pleine peau. Ses doigts se crispent un peu sur le Dupont.

— Ce n’est pas la première fois ! commente-t-elle.

— Non. Mais là, ça semblait tellement vrai ! Plus vrai que d’habitude…

— Ah… Vous avez envie de vous allonger ?

— Non.

— Je vous écoute, Lydia…

— J’ai fait ce rêve toutes les nuits, depuis lundi.

— Depuis lundi ? s’étonne Nina. Et pourquoi ne pas m’en avoir parlé mercredi, dans ce cas ?

— Je sais pas… J’avais pas envie.

— Continuez…

— Je le retrouve, je sais que c’est lui… Et… Je me venge.

— De quelle façon ?

— Je… Je le tiens, il est à ma merci… Je l’humilie, je le torture… Je veux l’obliger à avouer son crime, à demander pardon… Mais je fais durer le plaisir. Je veux qu’il souffre, longtemps.

— À quoi il ressemble ?

— Il est beau.

— Beau ?!

— Oui, jeune et beau… C’est un homme respecté, qui semble normal aux yeux de tous… Personne ne se méfie de lui, personne ne sait de quoi il est capable… Mais moi, je sais ! Je l’enferme dans un endroit désert, il a froid, il a faim… Je m’amuse avec lui, je fais couler son sang…

Lydia fixe la litho dans le dos de Waldeck, maintenant. Ses yeux pétillent férocement.

— Sous la torture, il finit par me raconter… Me raconter tout ce qu’il a commis…

— Comment pouvez-vous savoir que c’est lui ?

— Parce que… Parce que quelqu’un me l’a dit. Oui, quelqu’un me l’a dit. Quelqu’un l’a dénoncé…

— Ah… Qui l’a dénoncé ?

— Je sais pas. Je crois que je reçois une lettre… Je ne me souviens plus très bien…

— Et lorsqu’il a avoué, vous le livrez à la police ?

— Non ! Vous rigolez ! Il est flic, lui aussi…

— C’est un policier, vraiment ?

— Oui… Et puis à quoi ça servirait ? La justice de ce pays vaut que dalle ! Non, lorsqu’il a parlé, lorsqu’il n’est plus rien, je le tue. Je le laisse crever de faim… Je le regarde agoniser. Il peut me supplier, ça n’y change rien. Il faut qu’il paie…

— Et ces rêves vous ont-ils soulagée, Lydia ?

— Oui. Oui, ça m’a fait du bien. Beaucoup de bien…

— Vous n’avez aucun remords ? Dans votre rêve, je veux dire…

Lydia étire un peu ses jambes. Elle est à l’aise.

— Non, aucun. Il n’a que ce qu’il mérite, n’est-ce pas. docteur ?

— Bien sûr, au début, il nie… Il dit qu’il ne comprend pas, que ce n’est pas lui le coupable, mais… Mais moi je sais. Je sais que c’est lui… Moi je sais… Moi je sais…

— Avant, dans vos cauchemars, vous ne le voyiez pas comme ça… Vous me décriviez plutôt un homme très laid… Un personnage hideux.

— C’est vrai, oui. Mais là, ça a changé…

— Pourquoi, à votre avis ?

— Peut-être que je pensais que celui capable de ça avait un visage monstrueux. Mais en fait, ça n’est pas sûr… Là, il est vraiment séduisant. Il est brun, aux yeux clairs, plutôt grand… Il a une jolie voix…

— Vous tombez amoureuse de lui, Lydia ?

La jeune patiente sourit. Son regard incroyablement dur s’agrafe à celui de la praticienne.

— La façon dont vous le décrivez m’autorise à le penser !

Le sourire de Lydia s’élargit.

Waldeck baisse les yeux, note quelques mots sur la feuille encore blanche.

— Je ne tombe jamais amoureuse, docteur… Vous le savez, non ?

— C’est vous qui l’affirmez… Moi, je n’ai aucune certitude. J’espère bien un jour vous entendre dire le contraire !

— Vous pensez que je peux aimer un homme qui a… qui a bousillé ma vie ?

Les mains de Lydia se sont serrées sur son sac, posé ses genoux. L’écrasent comme un fruit trop mûr.

— Ce n’est qu’un songe, Lydia… Il peut signifier tant de choses, vous savez…

— Oui, ce n’est pas réel, docteur. Dommage, d’ailleurs…

Un long silence se faufile dans le cabinet.

— C’est vrai qu’il me plaît, avoue soudain Lydia. Je veux dire physiquement, bien sûr… J’ai rêvé que je couchais avec lui…

— C’était agréable ?

— Oui. Mieux qu’avec les autres, en tout cas…

— C’est-à-dire ?

— Mieux que dans la réalité… Je le forçais à coucher avec moi, en vérité. Comme il a fait, lui… avec…