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Elle ne termine pas sa phrase, reste muette un moment ; la psy patiente en triturant son stylo.

— Il finira par me le dire. A force d’avoir mal, il me dira…

Waldeck fronce les sourcils.

— Dans mon rêve, corrige bien vite Lydia. Je suis sûre qu’il sera là, la nuit prochaine et qu’il avouera son crime. Dans les détails.

— Ça vous apaiserait de l’entendre ?

— Oui.

— Donc, vous le forcez à coucher avec vous et c’est agréable, c’est bien ça ? poursuit la psy.

— Oui. Surtout à la fin.

— À la fin ? C’est-à-dire ?

— Quand je la lui coupe, précise froidement Lydia.

Il est si faible qu’il a l’impression que son cœur va rendre les armes.

S’arrêter de battre, tout simplement. Comme ça, sans prévenir.

A la rigueur, ce serait un soulagement.

Il ne sent plus ses bras ; ankylose totale.

Il sent bien les scarifications sur son torse, en revanche.

Le froid ne semble même plus l’atteindre ; il est déjà en hypothermie. Son cerveau fonctionne au ralenti.

Oui, il va crever. Seul, dans ce trou infâme.

Il a la force de lever un peu la tête. Regarde les flocons de neige voltiger derrière la vitre sale du soupirail.

Puis il ferme de nouveau les yeux, somnolant dangereusement. Dérivant lentement vers l’abandon.

Il tente de se souvenir.

Quel jour, déjà ? Samedi. Le 18 décembre.

Et je suis attaché depuis jeudi soir.

Il est soulagé de ne pas avoir paumé le fil ténu du temps. Ses derniers repères. Ça signifie sans doute qu’il n’est pas devenu fou. Pas encore…

Heureusement, il ne s’est pas pissé dessus ! C’est suffisamment humiliant comme ça… Mais pour avoir envie de pisser, il faudrait boire… Sa bouche est aride. La soif est pire encore que la faim.

Des bruits soulèvent ses paupières, lourdes.

La porte qui grince, les talons qui heurtent brutalement les marches en ciment.

La torture s’annonce.

Lydia apparaît, il tourne doucement la tête.

— Bonjour, Benoît.

Elle se poste derrière lui, ouvre les menottes. Il reste inerte. Puis elle s’en va. Il réalise qu’il est détaché. Presque libre. I l lui faut du temps pour ramener ses bras devant lui. Ses poignets sont bleus, il n’arrive même pas à reboutonner sa chemise tant ses doigts sont engourdis. Il essaie de se lever ; impossible.

Ses jambes refusent de le porter. Il se traîne jusqu’au lavabo qui l’aidera à se remettre debout. Et il boit. Ne s’arrête plus de boire, même si c’est glacé. Il a tellement soif qu’il assécherait océan.

La tête lui tourne. Il s’accroche à la porcelaine, ferme le robinet ; s’aperçoit subitement que sa geôlière est de retour. Elle n’est pas redescendue les mains vides.

— Il faut que tu manges un peu… C’est encore trop tôt pour mourir.

Il serre les mâchoires pour se forcer au silence, tandis qu’elle introduit son maigre repas dans la cage. Il s’approche, elle recule. Un morceau de pain, une tasse d’eau chaude, un sachet de café lyophilisé, deux sucres.

Il enfile son pull, s’installe sur la couverture. Évite de la regarder. Ça pourrait bien lui couper l’appétit.

— Je t’ai rebranché l’eau chaude. Comme ça tu pourras te laver, hein ?

— C’est fête ou quoi ?!

Il a une voix éraillée, tranchante.

— Non, mais… Je ne supporte pas la crasse. Je n’aime pas ce qui est sale… Toi, tu es pourri dedans, déjà… Inutile que tu sois sale dehors.

Il secoue la tête dans une mimique d’incompréhension.

Installée sur sa chaise, elle l’observe sans relâche. Il a déjà fini de manger et de boire son café.

— Tu devrais prendre ta douche, pendant qu’il y a de l’eau chaude…

— Tu comptes me mater, c’est ça ?

— Ça te gêne ? Soudain, il sourit.

— Absolument pas ! Au contraire…

Il se remet debout, vire le pull, la chemise. Tant pis s’il meurt de froid. Puis il ôte le jean, sans la quitter des yeux.

Finalement, elle se sauve.

Auguste Fabre a toujours aimé perquisitionner. Entrer par effraction dans le jardin secret des gens… Bien qu’en l’occurrence, il ne s’agisse pas vraiment d’une perquis’. Plutôt une fouille en règle. Avec Djamila, ils sont en train de passer au peigne fin le bureau de Lorand.

Il a fallu forcer certains tiroirs, fermés à clef, comme il a fallu casser le cadenas de son vestiaire personnel.

Ce type est bordélique. Premier constat. Mais qui ne mène pas à grand-chose.

Ils ont trouvé de tout, ici. Des dossiers en cours, bien sûr, mais aussi des affaires plus personnelles, comme des chemises et des caleçons de rechange, un rasoir électrique, de l’after-shave… Et des photos. Sur son bureau, sa légitime et son fils. Dans les tiroirs, des inconnues ; parfois en petite tenue.

Trophées de chasse…

— Vous aviez raison, capitaine… Ce mec est un tombeur !

— Ouais… Mais ça ne nous avance guère !

— Il va falloir fouiller son bureau, aussi…

— C’est ce que nous sommes en train de faire, je vous signale ! raille Djamila.

— Non, je parle de chez lui.

— Ah… Gaëlle ne sera peut-être pas d’accord…

— Il faut inspecter son domicile, on n’a pas le choix.

— Vous espérez y découvrir quoi ?

— Aucune idée ! Mais si cet homme a disparu, ce n’est pas forcément un hasard, non ? Il a peut-être des choses à se reprocher…

— Vous êtes de la crim’ ou de l’IGS, commandant ? balance Djamila.

— Pourquoi dites-vous cela ?

— Vous voyez le mal partout, ma parole ! Pourquoi voulez-vous que Lorand soit un ripou ?

— Je veux le retrouver, c’est tout… Et vous ?

— Quoi, moi ?

— Avez-vous vraiment envie que Lorand réapparaisse ?

Elle reste un instant stupéfaite. Puis bascule très vite dans la colère.

— Vous commencez vraiment à m’emmerder avec vos insinuations stupides ! hurle-t-elle. Vous devriez rentrer chez vous avant que je vous foute ma main dans la gueule !

— Du calme, capitaine ! Je vous en prie…

Elle claque violemment la porte, se dirige d’un pas rapide vers son propre bureau.

— Fait chier ce vieux con !

Elle se prend un café, va piquer une clope à l’un de ses adjoints. Puis s’enferme à nouveau.

Le dossier de la disparition de Benoît, ouvert en plein milieu de son bureau, la nargue.

Elle referme la pochette avec rage.

Tu vois, espèce de salaud, tu as fini par payer…

On finit toujours pas récolter ce que l’on sème.

Un repos salvateur auquel il a goûté sans retenue.

Il fait presque nuit, maintenant. Bien au chaud dans son pull, enroulé dans sa couverture, il s’accroche aux dernières lueurs.

Il va mieux. Après un repas et un café, une longue douche bien chaude et plusieurs heures de sommeil, il se sent à nouveau d’attaque.

Mais d’attaque pour quoi ?

Il se lève. Vérifie que le monstre n’est pas là, à l’épier du fin fond des ténèbres. Apparemment, il est seul.

Comme un réflexe, il file un coup de pied retentissant dans la serrure. Puis un autre. À défaut d’autre chose, ça le défoule.

Placé sous le rectangle pâle de lumière, il réfléchit. Son cerveau fonctionne à nouveau, avec le peu de carburant disponible.

Faut-il lui résister ? Lui céder ?

Qu’est-ce qu’elle veut, exactement ? Aucune idée.