Выбрать главу

Mais elle désire l’avilir, ça il l’a bien compris. Le mettre plus bas que terre, le piétiner. Le soumettre.

Et tant qu’elle n’aura pas obtenu ça, elle ne le tuera pas.

Gagner du temps.

Le temps nécessaire pour qu’ils me retrouvent.

S’ils avaient localisé mon portable, ils seraient déjà là… Mais ils vont bien finir par découvrir quelque chose, un indice.

Un indice ?… Quel indice ?

Il glisse de nouveau vers l’abattement, se rattrape in extremis. Non, il ne faut pas considérer les choses sous cet angle : il doit tenir car il découvrira bien le moyen de sortir. Elle commettra une erreur. Et là…

Oui, son plan est établi. Il lui semble parfait.

Ne pas me laisser humilier, ne pas pleurer. Ne pas supplier.

Mais en même temps, lui faire croire que je n’ai quasiment plus de force physique. Pour qu’elle prenne des risques… Justement, la voilà.

Il s’assoit sur la couverture, tel un garçon bien sage.

Il la défie du regard, elle glisse ses doigts sur les barreaux. Petits serpents blancs aux ongles parfaitement manucures.

— Bonsoir, Ben…

— Seuls mes amis m’appellent comme ça. Mes amis ou mes maîtresses. Pour les autres, c’est Benoît ou commandant Lorand.

— Oh… Mais nous sommes intimes à présent, non ?

— Intimes ?! Tu rêves ! Je ne me souviens pas t’avoir baisée…

Elle a un moment de stupeur face à tant d’audace.

— Tu as décidé d’être odieux avec moi, Ben ?

— Donne-moi une seule raison de ne pas l’être !

— Le revolver qui est là, juste derrière moi… C’est une bonne raison, non ?

— Je m’en fous de crever. Vas-y, tue-moi !

— Je vois… Le commandant Lorand se rebelle ! Tu veux jouer aux durs ? Allons ! Je sais bien que tu es mort de trouille, Ben !

— Désolé de te décevoir, ma petite, mais non. Je ne suis pas mort de trouille. Plutôt mort de faim !… Et puis, faut que je te dise : j’ai très envie de te faire la peau, tu vois…

— J’imagine ! Mais le problème, c’est que c’est moi qui ai les clefs et le flingue…

— Effectivement, c’est un problème. Mais ma maman m’a toujours dit qu’à chaque problème, il y a une solution… Le tout étant de la trouver !

— Tu ne tiens même plus debout ! Qu’est-ce que tu racontes ?!

Il se tait. Ne pas la pousser trop loin. S’il veut sortir intact de cet enfer.

Ce silence, cette défaite, élargissent le sourire sur les lèvres de la geôlière.

Elle récupère quelque chose dans sa poche, passe un bras entre deux barreaux.

Une chaîne avec un médaillon au bout.

— Tu le reconnais ? demande-t-elle.

Il s’approche, elle ne recule même pas. Une breloque en or qu’il identifie immédiatement.

— C’est ta médaille. Celle que tu portes autour du cou…

Elle déboutonne le haut de son chemisier, son pendentif apparaît. Il n’a pas bougé.

Elle retourne le bijou, quelque chose est gravé dans le métal précieux.

Aurélia, 12 02 1978.

— Tu la reconnais, n’est-ce pas ?

Il lève les yeux sur elle.

— Non. Je vois seulement que c’est la même que la tienne.

— Oui, presque…

— C’est qui, Aurélia ?

Il voit son visage changer. Ses prunelles irradient la haine. Elle remet l’objet dans sa poche.

— Pourquoi tu continues à nier, espèce de salaud ?

— A nier quoi ?

— C’est toi qui l’as tuée… Je le sais !

— Je ne vois pas de quoi tu parles.

— Je le sais ! hurle-t-elle.

Il préfère s’écarter légèrement de la grille.

— Mais je te ferai avouer, fumier !

— Écoute, Lydia, tu te trompes, je t’assure. Je n’ai jamais tué personne de ma vie !

— Tu avoueras, répète la jeune femme avec une procession de menaces dans la voix. Je vais te faire tellement mal que tu finiras par avouer… Mais j’ai tout mon temps, tu sais. Tout mon temps… Plus c’est long, plus c’est bon ! C’est bien ça, non ?

— Calme-toi, Lydia… On peut discuter, OK ? C’est qui, Aurélia ?

— Ta gueule ! ordonne-t-elle. Tu sais très bien qui c’est puisque tu l’as assassinée !

Il soupire. S’adosse à nouveau au mur.

— Tu es surpris, n’est-ce pas ? Tu ne pensais pas que je le retrouverais, hein ?

— Quoi ?

— Le médaillon, bien sûr ! Tu l’avais bien planqué, je l’avoue. Mais…

— Moi ? J’ai jamais vu ce truc-là de ma vie !

— Tu mens. Tu peux tromper tout le monde, avec tes airs de flic intègre ! Mais pas moi…

Il se rassoit sur la couverture. Vrai qu’il a du mal à tenir debout.

— Moi je sais qui tu es. De quoi tu es capable… De quelles horreurs !

— Tu dis n’importe quoi ! Tu délires !

— Ça fait quel effet d’être démasqué, commandant Lorand ?

— Tu es complètement folle… Complètement folle, ma pauvre !

— Tu n’es qu’un assassin… Un tueur d’enfants !

Il ferme les yeux. De pire en pire.

— Un violeur, aussi.

— C’est tout ? Tu n’oublies rien ?!

— Parce que tu l’as violée, n’est-ce pas ?

— Je ne la connais pas, je ne sais même pas de qui tu parles ! Et je n’ai jamais violé personne… J’ai jamais eu besoin !

— Où est-elle, Benoît ?

De plus en plus surréaliste. Il la considère avec une sorte de désolation dans le regard.

— Lydia, je m’aperçois que tu souffres. Mais tu fais fausse route. Tu recherches un meurtrier, sauf que ce n’est pas moi. Je suis innocent…

— Tu avoueras. Tout. Dans les moindres détails. Ça, je te le garantis… Et tu demanderas pardon. Ce n’est qu’une question de temps. Je comprends, tu sais ; combien il doit être difficile d’admettre qu’on est capable du pire, Ben… Difficile d’affronter sa propre lâcheté.

Chapitre 8

Dimanche 19 décembre

La neige tombe encore. Avec indolence.

Il est tôt, mais Lydia n’a plus sommeil. Elle s’étire, pose un pied sur la descente de lit. Son cauchemar s’extirpe des draps chauds en même temps qu’elle ; amant possessif qui jamais ne la quitte, de toute façon.

Elle s’arrête à la fenêtre dont les carreaux dégoulinent de buée. Le grand jardin est triste. Il est toujours triste, depuis que…

Les rites du matin s’enchaînent, mécaniquement. Café, petit déjeuner, cigarette, douche.

Pourtant, ce n’est pas un dimanche ordinaire. C’est le premier qu’elle va passer en compagnie de son assassin. Elle s’en réjouit d’avance, élabore les tortures du jour. Car hier, il a eu droit à une journée de répit. Il faut bien prendre garde à ne pas l’achever trop vite.

Mais aujourd’hui, elle se sent en forme. Prête à passer à la vitesse supérieure.

Elle s’exile un instant sur le perron, les mains calées dans son gilet de laine. Quelques flocons, les derniers avant l’embellie, s’échouent à ses pieds. Le silence presque total, tout est comme amorti.

Elle retourne à l’intérieur, se heurte au miroir de l’entrée.

— Ne me regarde pas comme ça, murmure-t-elle. Qu’est-ce que tu me reproches, hein ?

Ses lèvres se crispent.

— Non, ne t’inquiète pas… Je ne vais pas le tuer aujourd’hui ! C’est trop tôt encore. Beaucoup trop tôt. Il va souffrir longtemps, fais-moi confiance. Il va te demander pardon à genoux… Pour ça aussi, fais-moi confiance.