— Tu mens encore !
— Non ! Renseigne-toi, ma jolie ! La loi a été modifiée l’an dernier… Vas-y, vérifie…
L’accusation se tait, un peu ébranlée. La défense aussi. Puis Benoît vient se coller aux barreaux.
— Alors, qu’attends-tu pour appeler la police, Lydia ?
— Tu es un des leurs, ils te relâcheront…
— Si je suis coupable, ils me condamneront !
— Tu es coupable. Mais c’est moi qui vais te juger. Te condamner. Et t’exécuter.
Elle se lève. Pose le revolver sur la chaise.
— L’audience est suspendue…
Jérémy vient de s’endormir. La traditionnelle sieste du début d’après-midi.
Gaëlle l’observe un instant. Il ressemble déjà à son père. Il sera mignon, brisera sans doute le cœur des femmes, plus tard. Comme son père.
Dommage qu’elle n’ait pas donné naissance à une fille…
Elle quitte la chambre sur la pointe des pieds, se réfugie dans la cuisine. Elle s’attable devant une tasse café, tourne machinalement la cuiller.
Jusqu’à ce que la sonnette la fasse sursauter.
Djamila danse d’un pied sur l’autre devant le portail histoire de lutter contre le froid.
Gaëlle lui ouvre, l’attend sur le seuil. Sans un sourire.
— Salut. Je te dérange pas ?
— Entre…
La cuisine, à nouveau. Une tasse de café en plus.
— Je suis venue voir si tu avais besoin de quelque chose, allègue le capitaine.
Gaëlle hausse les épaules.
— Non, ça va.
— Les parents de Benoît sont arrivés ?
— Oui, hier. Mais je n’ai pas voulu qu’ils restent.
— Ah bon ?
— Je préfère encore être seule… Ils sont dans le coin, chez la tante de Benoît. Ils viennent une fois par jour.
— Et tes parents à toi ?
Gaëlle lui adresse un mauvais sourire.
— La DDASS, tu veux dire ?
Djamila avale son café de travers. S’excuse, pitoyablement. Benoît ne m’en avait jamais parlé…
— Je ne tiens pas à ce que tout le monde le sache… Et puis vous n’étiez pas spécialement proches vous deux, non ?
— Non, pas tellement…
— Vous avez du nouveau ?
— Je peux fumer ?
— Je préfère pas, répond Gaëlle. À cause du petit… Il est asthmatique.
— OK, excuse-moi… Pour l’enquête, on a une piste, oui. On est à la recherche d’un mec que ton mari a serré y a trois ans… Et qui a proféré des menaces contre… Il s’appelle José Duprat, il est sorti de taule il y a on mois et on s’est dit que peut-être…
— Il est où ?
— On ne sait pas, malheureusement. Mais on va le loger. Ce n’est qu’une question de jours.
— Benoît a disparu depuis bientôt une semaine…
— Je sais. On ne l’oublie pas, crois-moi… Il nous que, à nous aussi !
— Je m’en doute… C’est un bon flic…
— Excellent, confirme Fashani.
— Et un bon amant aussi… N’est-ce pas, Djamila ? La main du capitaine se tétanise sur la tasse en porcelaine. Elle reste la bouche ouverte dans une mimique un peu cocasse. Elle tente tout de même de démentir, dans un effort grotesque.
— Pourquoi tu dis ça ? T’es malade !
— C’est bon, pas la peine de me prendre pour une conne ! Tu crois que j’ai de la merde dans les yeux ?
— Mais…
Gaëlle a un instant de jouissance au fond des prunelles. Un sourire cruel sur les lèvres. Djamila pose enfin sa tasse.
— Je t’assure que…
— Tais-toi ! intime Gaëlle d’une voix glacée. Pas la peine d’essayer. Je sais que Benoît a couché avec toi. Je ne sais pas quand, ni où. Ni combien de fois. D’ailleurs, je m’en fous.
— Une fois, seulement, prétend le capitaine. Je… Je suis désolée, ce n’est pas dans mes habitudes, je…
Gaëlle se poste devant la fenêtre, tournant le dos à sa rivale.
— Je sais pertinemment que Benoît me trompe.
— Ah… Et… Et lui, il sait que tu sais ?
— Non. Bien sûr que non… Tu devrais partit, maintenant.
— Oui, je vais te laisser… Je… je m’excuse pour…
— Tes excuses, tu peux te les garder, coupe Gaëlle. Retrouve mon mari, c’est tout ce que je te demande. Fais ton boulot.
— Je m’en vais… Mais… En fait, j’étais venue te demander l’autorisation de… Il faudrait qu’on inspecte les affaires de Benoît rapidement… Son bureau notamment.
— Je ne vois pas en quoi cela peut vous être utile.
— On ne sait jamais… Peut-être que…
— D’accord, aucun problème.
Djamila rebrousse chemin. Tandis qu’elle se hâte vers le portail, elle sent le regard de Gaëlle comme une écharde dans son dos. Elle l’avait sous-estimée.
Gaëlle qui s’est servi un autre café. Et s’allume une clope.
Oui, elle sait. Oui, elle en a souffert.
Mais à présent, ça va mieux. C’est presque indolore.
L’audience a repris depuis peu.
Mais l’accusation est restée muette.
Dans les dernières lueurs du jour, Lydia se contente d’observer la silhouette fatiguée de l’accusé qui s’accroche désespérément aux barreaux métalliques de son box.
— Lydia… J’ai un marché à te proposer…
— Je ne marchande pas avec les fumiers de ton espèce !
— Écoute-moi, s’il te plaît ! J’ai entendu parler de cette disparition… Le nom ne m’a rien dit, au début, mais maintenant, je m’en souviens. C’était dans les environs d’Osselle, n’est-ce pas ?… Eh bien, si tu me libères, je te donne ma parole que je ne te dénoncerai pas pour m’avoir séquestré… Et que je t’aiderai à retrouver le coupable… Le vrai coupable. Je ferai tout mon possible, je le jure. Sur la tête de mon fils.
— Ton fils n’a-t-il donc aucune importance pour toi ?… Ta parole n’a pas de valeur, de toute façon ! Tu me prends pour une demeurée, hein ? Tu crois vraiment que je vais ouvrir cette grille et te laisser sortir ? Pour que tu te jettes sur moi et que tu me tues, une fois encore ?
— Comment ça, une fois encore ? Je croyais que c’était Aurélia qui…
— La ferme !
Il soupire longuement. Elle croise les jambes, allume une cigarette.
— Tout cela ne mène à rien, Lydia. Puisque le coupable, ce n’est pas moi !
— Si.
Nouveau silence.
— Qui t’a dit que le médaillon était caché dans mon jardin ?
— Aucune idée.
— Aucune idée ? Le Saint-Esprit, peut-être ? Ou alors tu entends des voix ?!
— La personne qui t’a dénoncé est restée anonyme.
— Une lettre ? Tu as reçu une lettre anonyme, c’est ça ?
Lydia hoche la tête.
— Et ça ne t’est pas venu à l’idée que ça pouvait être un coup monté contre moi ?
— Je sais que tu es un menteur professionnel, mais là, tu y vas fort, Ben ! Un peu trop d’imagination… Et puis, il n’y a pas que le pendentif…
— Ah bon ? Et quoi d’autre ?
— En 90, tu habitais comme aujourd’hui près du lieu de la disparition… Nous étions presque voisins. Quelques dizaines de kilomètres, tout au plus. Arrête-moi si je me trompe…