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Elle sourit de plus belle, commence à monter l’escalier.

— Je redescendrai bientôt monsieur l’officier de police… ! Lorsque vous serez plus détendu…

— Eh ! Revenez !… Lydia ! Où allez-vous ?

Elle est déjà en haut, ne se retourne même pas. Une porte grince, puis claque. Elle a disparu.

Benoît inflige de grands coups de pied à la grille indifférente. Il pousse des cris de rage, qui s’échouent dans le néant. Qui se heurtent au couvercle étanche de son tombeau.

Il appuie son crâne sur le béton, ferme les yeux.

— Je suis tombé sur une malade mentale, putain ! gémit-il. Ça m’apprendra à tromper ma femme !…

Mais… est-ce qu’on a couché ensemble, au moins ? Je m’en souviens même plus ! En tout cas, si je l’ai sautée, ça n’a pas dû lui plaire ! Sinon, je me serais réveillé dans son pieu, pas dans sa cave !

Il essaie de retracer son emploi du temps de la veille. Comme il procède habituellement dans les cas de disparitions. Sauf que là, c’est moi qui ai disparu.

Il a beau torturer son esprit, il n’obtient que la fin du film… Pourtant, il ne renonce pas, se concentre jusqu’à essorer son cerveau. Au bout d’un quart d’heure, ça se met doucement en place. Il manque encore quelques pièces au puzzle, certes, mais…

En début de soirée, de retour de Dijon, il rentrait chez lui… Il a vu cette nana sur le bord de la route. Bagnole en panne, juste à la sortie de Saint-Vit.

Il a essayé de redémarrer la voiture, n’a pas réussi. Comme elle avait peur de rentrer chez elle à pied en pleine nuit, il lui a proposé de la raccompagner. Une vieille baraque, perdue au fond d’un grand jardin à l’abandon… Sur la D 76, un peu après Fraisans… Oui, c’est ça, en bordure de la forêt de Chaux. Il revoit parfaitement les lieux, désormais. Elle lui a proposé un verre, pour le remercier. Évidemment, ce couillon n’a pas songé à refuser ! Elle s’est assise près de lui. Il se souvient avoir lorgné sur ses jambes, son décolleté plongeant. Un deuxième scotch, il était plutôt bien. S’apprêtait à appeler son épouse pour la prévenir qu’il arriverait en retard. Une urgence.

— Que je suis con !

Ils se sont embrassés. Il se rappelle de la sensation. Et puis après… Plus rien !

De la drogue ! Elle a mis un truc dans mon verre ! C’est pour ça que j’ai tant de mal à me souvenir… Bien sûr !…

Mais qu’est-ce qu’elle me veut, cette folle ?

Il a presque envie de chialer, maintenant. Mais se contente d’aller pisser.

Il détaille encore sa cellule. Bizarre que ce soit aussi bien aménagé. Comme si elle avait tout prévu pour l’enfermer là… Peut-être qu’elle a pour habitude de séquestrer les mecs ici ! Elle leur fait le coup de la panne, les invite chez elle et… Et quoi ? Elle les zigouille ?!!

Il transpire un peu, malgré le froid humide, boit quelques gorgées au robinet du lavabo.

Garde ton sang-froid, Ben… Elle ne va tout de même pas buter un flic. Et puis, s’il y avait une tueuse en série dans la région, je le saurais !… Non, peut-être que c’est son fantasme, qu’elle va me garder là quelques heures, que ça l’excite ! Et puis après, elle me laissera sortir… Mais dès qu’elle ouvre cette grille, je la…

La porte en haut de l’escalier grince.

Il approche des barreaux, voit la sublime paire de jambes descendre lentement les marches.

— Alors, commandant, vous êtes calmé ?

— Absolument, Lydia ! Je vous attendais…

— Vous m’attendiez ?!

— Oui… Il y a sans doute quelque chose que je peux faire pour vous, non ? Sinon vous ne m’auriez pas bouclé dans ce trou ! Alors dites-moi ce que vous espérez de moi…

— Chaque chose en son temps, Benoît…

— C’est que j’ai pas mal de travail en retard, vous savez ! Je n’ai aucune idée de l’heure vu que vous m’avez piqué ma montre, mais je suppose que je devrais déjà être au bureau…

— Exact.

Elle s’assoit en face de lui, sur sa petite chaise en bois.

— Alors ? À quoi on joue, chère Lydia ? demande-t-il en souriant.

Un sourire crispé, qui peut faire illusion.

— En l’occurrence, c’est moi qui vais jouer…

— Ah oui ? Et à quoi ?

— A vous regarder mourir, commandant…

Chapitre 2

On est quel jour, déjà ? Mardi, le 14 décembre.

Oui, c’est ça. Tout à l’heure, elle a dit que je devrais déjà me trouver au bureau. Il doit donc être entre 10 et 11 heures du mat…

Primordial de ne pas égarer le fil du temps.

C’est la première fois que Benoît regrette autant de ne pas être au boulot ! La première fois que les gueulantes du grand patron lui manquent…

Il vire son manteau, se lève ; ça tourne encore… Elle a dû verser la maxi-dose de came dans mon whisky, cette petite garce !

Il longe la grille, observe qu’elle a été scellée il y a peu dans le béton. Il s’arrête devant la porte. Essaie encore, des fois que… Y met toutes ses forces. Flanque des coups d’épaule, des coups de pied dans la serrure. Et de la force, Benoît en a. Encore. A revendre.

Mais c’est du solide. Ça résisterait aux assauts d’un taureau de combat bourré d’amphétamines.

Il se place sous le soupirail, un peu trop haut pour pouvoir y accéder. Pourtant, il n’est pas ce qu’on pourrait appeler un nain ! De toute manière, il y a des barreaux juste derrière la vitre sale. Mais il aurait au moins pu appeler au secours…

Non, c’est encore trop tôt pour appeler au secours !

Surtout, ne pas s’affoler.

Du côté des sanitaires, il part à la recherche de quelque chose pouvant servir à forcer la serrure. Rien.

Les muscles se révélant inutiles, il appelle ses méninges à la rescousse. L’important est de garder son calme, de réfléchir. De comprendre. On agit mieux lorsque l’on comprend. On lutte plus facilement contre un adversaire dont on cerne la psychologie.

Il se rassoit sur sa couverture. Comme un chien. Pourquoi ? Pourquoi cette barge m’a-t-elle enfermé ici ? Pure folie ? Déviance sexuelle ?

Le pire, c’est qu’elle a mon flingue. Chargé, en plus !

A vous regarder mourir, commandant…

Non… je ne vois pas pourquoi elle voudrait me descendre !

Quoique… Des psychopathes, j’en ai croisé quelques-uns dans ma carrière ! Ils n’ont besoin d’aucune raison pour trucider leurs victimes !…

Ou alors, j’ai serré son mec, je l’ai foutu en taule. Mais c’est pas des méthodes de voyous, ça ! Ils demandent pas à leur gonzesse de séquestrer un flic pour se venger…

Une rançon ?… Ridicule ! J’ai pas un rond ! Ma famille non plus…

Et Gaëlle qui doit appeler partout pour savoir où je suis ! Qui doit se faire un sang d’encre.

Benoît se ratatine contre le mur. Ne pas savoir, la pire des tortures. Il a l’impression d’évoluer dans un scénario kafkaïen. Un truc de fou. Une sorte de cauchemar aux relents de réalité.

Elle va exiger quelque chose en échange de ma personne. Oui, c’est ça ! Elle va contacter le ministère, dire qu’elle a pris un policier en otage pour obtenir la libération d’un malfrat ou quelque chose dans le genre… Mais d’un petit commandant de province, qu’est-ce qu’ils en ont à foutre ?! Cruelle question : que vaut ma peau ?…

Il étouffe, déboutonne sa chemise jusqu’au milieu du torse, braque ses yeux clairs dans le soupirail. Envie de hurler. De cogner.

Ménage tes forces, Ben… Tu vas en avoir besoin pour t’extirper de ce piège.