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— Heureuse de l’entendre. Je vois que tu deviens raisonnable…

— Je t’ai menti lorsque j’ai raconté que j’avais assassiné Aurélia ! Je n’ai jamais tué ni violé personne… Le seul mort que j’ai sur la conscience, c’est un type que j’ai buté en service. En légitime défense.

Le visage de Lydia se métamorphose.

— T’as de la chance d’être à l’agonie… Mais dès que ça ira mieux, je te ferai bouffer tes mensonges, Ben !

Elle prend une bassine pleine d’eau chaude, des compresses, commence à nettoyer la blessure.

— La balle n’est pas ressortie, explique-t-elle avec détachement. Tant pis, tu la garderas en souvenir de moi…

Il ferme les yeux, serre les dents, geint de douleur. Elle désinfecte sans ménagement, avec un truc qui brûle ses chairs. Il essaie de la repousser avec les jambes, s’épuise rapidement.

— Tu devrais pas bouger comme ça…

— Va te faire foutre !

— Doucement… Sinon, je te calme avec un petit électrochoc. Compris, commandant ?

Il y a longtemps qu’elle ne l’a pas appelé ainsi. Ça lui rappelle qu’il a été flic, dans une autre vie. Elle pose une gaze sur la plaie, des pansements étanches par-dessus. Contemple le résultat avec une apparente satisfaction.

— Je crois que j’aurais fait une excellente infirmière ! dit-elle en souriant.

— Si tu continues comme ça, tu feras une excellente meurtrière… Et une excellente détenue, aussi ! Qui aura pris perpète.

— Allons, commandant ! Vous me sous-estimez ! Je vous rappelle que vos petits copains pataugent depuis des jours et des jours et qu’ils ne vous ont toujours pas retrouvé !

Il tente de lui flanquer un coup de pied, rate sa cible.

— Ne sois pas mauvais joueur, mon grand !

Mon grand ? Bientôt, elle l’appellera mon petit ou pourquoi pas mon amour… Complètement déjantée !

— Tu sais que tu es vraiment sexy comme ça ? lance-t-elle d’une voix moqueuse.

Elle passe un doigt impudique sur les scarifications, effleure ses hématomes impressionnants. Remonte jusqu’à la plaie.

— Toutes ces cicatrices, c’est vachement viril ! Dommage, ta fidèle épouse ne pourra pas les voir ! Je suis sûre que ça lui aurait plu…

— T’es complètement barge !

— Oui. Mais c’est par ta faute, Ben… N’oublie jamais ça. C’est toi qui m’as rendue folle.

Elle vide la bassine d’eau rougeâtre dans les chiottes, sort de la cage, remonte à l’étage. Il sait qu’elle va revenir très vite, vu qu’elle n’a pas fermé la porte. Mais il n’a même plus la force de se lever pour tenter une sortie.

Elle réapparaît, quelques minutes plus tard, avec un plateau qu’elle dépose devant lui.

Un bol de soupe lyophilisée, une cuillère en plastique, un verre d’eau et quelques comprimés.

— Tu as même le droit à un repas ! annonce-t-elle.

— T’appelle ça un repas ? grogne Lorand.

— Si t’en veux pas, je peux toujours le ramener.

Il préfère se taire. Elle sort du cachot, ferme la porte à double tour.

— Je vais manger sans les mains ?!

— Approche-toi, je vais te détacher.

Un effort plus tard, il est debout, dos à la grille. Elle le libère de ses bracelets chromés, lui administre une petite piqûre de rappel.

— Profite bien de ce dîner, Ben… Parce que ça risque fort d’être ton dernier repas !

— Merci du conseil !

— Je suis allée t’acheter des vêtements propres, aussi. Il retombe sur la couverture, juste en face du plateau.

Observe sa tortionnaire, tandis qu’elle fait passer les fringues dans la cage.

— Tu peux prendre une douche, les pansements sont imperméables.

Une de ses obsessions ; qu’il prenne une douche ! Qu’il souffre et qu’il crève, oui. Mais propre…

— Génial bougonne-t-il.

— Bon appétit, Ben !

Hôtel de police, 20 heures

— Le proc est d’accord, annonce Djamila en pénétrant dans la tanière de Fabre. Il veut qu’on l’interroge.

— Parfait. On ira la voir demain matin, dans ce cas…

— OK… Vous croyez vraiment que ça peut être elle ?

— Vous savez, capitaine, j’ai vu toutes sortes de choses dans ma carrière… Plus rien ne peut m’étonner, je crois ! Cette femme a toutes les raisons d’en vouloir à son mari…

— Mais pourquoi ne pas simplement divorcer, dans ce cas ?

— Je sais pas… Par peur de manquer de fric… Par peur du déshonneur, aussi. Divorcer, c’est avouer que son couple a échoué ! Réfléchissez un instant, capitaine ; quand on retrouvera le corps de Lorand, on lui filera sans doute une promotion à titre posthume. Vu qu’il est déjà commandant, il sera élevé au grade de commissaire… Ajoutez à ça une ou deux médailles et Gaëlle est assurée d’une confortable pension de réversion jusqu’à la fin de ses jours ! Et puis, elle devient la veuve d’un brillant officier de police, un héros…

— Vous avez raison, admet Fashani.

— Eh oui, je ne suis pas si périmé que ça ! dit-il en riant. Pas du cerveau, en tout cas !

Elle sourit, un peu embarrassée.

— Je m’excuse… Je suis un peu vive, parfois. Un peu blessante !

— C’est oublié, prétend-il.

— J’aurais jamais pensé que Gaëlle puisse faire une chose pareille…

— Eh ! Je vous rappelle que pour le moment, elle n’est que suspectée, pas coupable ! Même pas mise en examen ! Alors n’allez pas trop vite en besogne… La présomption d’innocence, ça vous dit quelque chose ?!…

— Oui, bien sûr… Mais les éléments que nous avons découverts aujourd’hui ne pèsent pas en sa faveur. En y réfléchissant, l’autre jour, lorsqu’elle m’a dit qu’elle savait pour Benoît et moi, je… Je l’ai trouvée tellement froide, tellement brutale… J’aurais dû y penser plus tôt.

— Vous savez, c’est un peu vous qui m’avez mis sur la piste.

— Vraiment ? s’étonne Djamila en allumant une cigarette.

— Oui. Justement lorsque vous m’avez rapporté votre discussion avec Mme Lorand… Vous m’avez confié tout ça. Qu’elle était froide, brutale…

— Je ne m’en souviens plus… Mais si j’ai pu aider même sans le savoir à faire progresser l’enquête, je m’en réjouis.

Il somnole sur sa couverture, comme un chien au fond de sa niche.

Un clébard, oui. Tombé dans les affres d’un laboratoire d’expérimentation. Heureusement, la douleur est un peu calmée, grâce aux médicaments sans doute.

Vrai qu’elle veut le maintenir en vie. Bientôt, elle lui collera une perfusion dans le bras !

Il a quelque chose dans l’estomac, a fait un rapide passage sous l’eau chaude, avant qu’elle ne débranche le cumulus.

Il pourrait presque trouver le sommeil. Presque.

S’il n’avait pas si peur…

Non, elle ne reviendra pas le persécuter cette nuit. Il est trop faible encore. Ce sera pour demain.

Il essaie encore de se réfugier dans les bras de Morphée, à défaut de ceux de Gaëlle.

Son esprit s’évade, à défaut de son corps.

Il hésite à se laisser aller, somnole, délire. Il est chez lui, au chaud dans sa maison, entouré de ses proches. Heureux, comblé. Alors qu’avant, il nourrissait d’autres rêves.

Avant, être chez lui, près des siens, ne suffisait pas à son bonheur.

Avant… Mais maintenant, c’est son vœu le plus cher. Son nirvana.

Soudain, il rouvre les paupières. Sa respiration s’accélère.