Выбрать главу

— Tu nous joues un bien joli numéro, Gaëlle ! Tu crois qu’on va croire à tes salades ? Tu as des cornes qui t’empêchent de passer les portes et tu penses qu’on va gober que tu l’acceptais par amour ? Si ton mari t’adorait tant que ça, il n’aurait pas besoin d’aller voir ailleurs ! Ou alors… C’est parce que tu ne lui donnes pas ce dont il a besoin… Peut-être que tu es complètement coincée au lit !

Fabre la remet à sa place d’un simple regard. Elle consent à se taire.

— Aucun problème à ce niveau-là ! assure Gaëlle avec un sourire à l’acide chlorhydrique.

— Madame Lorand, pouvez-vous nous expliquer pourquoi vous avez retiré trois mille euros d’un de vos comptes, le 9 décembre ?

Le visage de Gaëlle se fige, sa main droite se crispe sur la chaise.

— Trois mille euros en liquide, c’est une jolie somme, poursuit le commandant.

Elle ne répond toujours pas. Djamila enfonce le clou.

— Le 9 décembre, quatre jours avant la disparition de Benoît… Curieux, non ? Tu as payé quoi, avec ça ?

— Ça ne vous concerne pas. J’ai le droit de disposer de mon fric comme bon me semble !

— Sauf si cet argent sert à payer un tueur à gages, madame Lorand, assène Fabre.

Gaëlle le fixe, interloquée.

— Un tueur à gages ? Mais vous êtes malades… !

— À quoi a servi la somme ? répète Djamila en haussant le ton. Vas-y, explique !

— C’est pas vos oignons !

— Il serait plus sage de répondre, madame Lorand.

— Allez vous faire foutre ! Je rentre chez moi ! Cette mascarade a assez duré ! Vous feriez mieux de chercher Benoît !

— C’est ce qu’on est en train de faire ! rappelle Fabre. Gaëlle prend son sac, se dirige vers la sortie ; mais Djamila barre sa retraite.

— Vous ne quittez pas le commissariat, madame Lorand. Puisque vous êtes incapable de justifier de l’utilisation de ces trois mille euros, la situation se complique… Il est 9 h 20, vous êtes officiellement en garde à vue à compter de cette minute. Vous pouvez garder le silence, appeler un avocat ainsi qu’un proche…

— Espèces de salauds !

— Vous pouvez exiger de voir un médecin, continue le commandant. Veuillez enlever vos lacets, votre ceinture et votre écharpe.

— Vous n’avez pas le droit !

Djamila se colle contre elle.

— Ici, on a tous les droits.

Les lèvres de Gaëlle tremblent, ses yeux pastel débordent de poison.

— Quand Benoît apprendra ce que vous m’avez fait subir, il vous le fera regretter… Soyez-en sûrs.

Lydia redescend dans l’arène après son copieux déjeuner.

Elle a un appétit démesuré, ces derniers temps. Peut-être mange-t-elle pour deux ?! Derrière les grilles, Benoît ne bouge pas. Allongé par terre, face au mur, enroulé dans la couverture. Elle s’amuse à caresser les barreaux avec sa barre de fer. Il se redresse, dans un sursaut violent.

— Salut, Ben… Je vois que tu es toujours vivant, c’est bien !

Il s’adosse au mur, replie ses jambes. Elle constate non sans plaisir que son bras droit est totalement paralysé.

— Tu as bien dormi ?

— Lydia… J’ai quelque chose d’important à te dire.

— Ah oui ? J’ai hâte d’entendre ça !

Elle s’assoit sur la chaise, lâche son arme qui percute le sol dans un écho métallique.

— Je t’écoute, chéri !

— Voilà… Je peux te prouver que je n’ai pas tué Aurélia.

Les lèvres de Lydia se pincent, son front se ride. Elle s’allume une cigarette.

— Tu pars mal, Ben… Prends garde : ma bonne humeur pourrait s’envoler.

— Écoute-moi, je t’en prie… ça fait des jours et des jours que je pense à cette date… Celle où Aurélia a disparu. Le 6 janvier 1990.

— Et alors ? s’impatiente la jeune femme.

— Je savais que cette date ne m’était pas inconnue mais je n’arrivais pas à me souvenir pourquoi… Et cette nuit, je m’en suis rappelé. Je n’étais pas dans la région au moment de son enlèvement. Je peux te le prouver.

Lydia s’approche de la grille.

— Tu te fous de moi, c’est ça ? demande-t-elle d’une voix menaçante.

— Non ! jure Lorand. J’étais à Courchevel, cette semaine-là !

— Intéressant ! Et que faisais-tu à la montagne, mon cher Ben ? Un peu de ski, peut-être ?!

— Je… J’y suis resté une dizaine de jours, pour un boulot saisonnier… Un plan que m’avait trouvé un pote.

— Un boulot saisonnier, hein ?! Mais il me semble pourtant qu’en 1990, tu étais étudiant à la fac de Besançon…

— Exact ! Mais… J’ai séché les cours à la reprise des vacances de Noël pour me gagner un peu de fric. Et j’ai gardé la note de l’hôtel où j’étais hébergé…

— Tu es très conservateur ! raille Lydia. On garde rarement les factures d’hôtel pendant quinze ans !!

— C’est… C’est parce que cet endroit me rappelait quelqu’un…

— Qui ?

— Une fille…

— J’aurais dû le deviner !! Une de tes conquêtes, je présume ! J’ignorais que tu étais un grand sentimental…

— J’avais 20 ans, j’étais amoureux de cette nana… Mais pas elle.

— Oh ! L’irrésistible commandant Lorand s’est fait plaquer ?!

— Ouais, elle m’a largué, si tu veux savoir ! Et j’en ai été très malheureux…

— Ben voyons ! Quand cesseras-tu de me prendre pour une débile mentale ?

Il soupire. Mais s’acharne.

— Lydia, faut que tu me croies ! Tu ne voudrais pas sacrifier un innocent, n’est-ce pas ? Cette facture est dans le tiroir de mon secrétaire, à la maison… Dans un petit coffre en bois, avec d’autres choses, d’autres souvenirs. Je l’ai vue encore, il y a peu…

Lydia le fixe méchamment, désormais. La lionne ne va pas tarder à sortir ses griffes rétractables.

— C’est quoi encore, cette ruse ? Qu’est-ce que tu manigances, fumier ?

— Mais rien ! Je t’assure que cette facture existe et qu’elle se trouve chez moi ! Tu pourrais appeler Gaëlle et lui demander de te la remettre…

La jeune femme éclate de rire.

— De mieux en mieux ! Tu sais, je ne suis pas complètement stupide ! Tu crois que je vais appeler ta charmante épouse, lui donner rancard dans un salon de thé où m’attendront tes petits copains ?!

— Non ! Il suffit de lui téléphoner en numéro caché, de lui ordonner de déposer cette facture dans un lieu que tu fixeras… Si tu lui dis que je suis ton otage, elle ne tentera rien, j’en suis certain !

— Mon otage ? Tu n’es pas mon otage, Ben ! Tu es mon invité, voyons !

Il ferme les yeux. Conscient de son échec.

— A moins que tu ne sois mon esclave, murmure-t-elle.

Dans un effort méritoire, il se lève puis s’avance dangereusement vers la frontière interdite.

— Lydia, je t’en prie, accorde-moi une chance… Je n’ai pas tué ta sœur !

Ils sont face à face, à quelques centimètres de distance.

— Tes mensonges m’agacent, Ben… Tu vas pourrir ici ! Jusqu’à ce que tu me dises où tu as enterré Aurélia…

Lorand explose d’un seul coup.

— J’ai pas buté ta frangine ! hurle-t-il. Quand est-ce que tu vas te réveiller, putain !

Elle tourne les talons, récupère la matraque électrique posée sur une étagère. Mais Benoît ne recule pas. Reste à portée.