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— Allez vous faire foutre !

— Avez-vous payé quelqu’un pour vous débarrasser de votre mari ?

— Vous pensez qu’avec trois mille euros, on paie un tueur à gages ? ironise Gaëlle. C’est la saison des soldes ou quoi ?!

— Disons que… On peut lui proposer trois mille avant l’exécution et trois mille après… Oui, six mille euros, ça peut suffire à payer un tueur.

— Je n’ai pas tué Benoît ! Et je n’ai embauché personne pour l’éliminer à ma place ! D’ailleurs, Ben n’est pas mort. S’il l’était, je le saurais… Il est vivant, j’en suis certaine.

Elle lui colle le journal sous le nez.

DISPARITION DU COMMANDANT LORAND : SON ÉPOUSE EN GARDE À VUE AU COMMISSARIAT DE BESANÇON.

— Tu vois, je ne t’ai pas menti, Ben…

— Tout ça, c’est de ta faute ! crache-t-il.

— Ah non ! C’est de ta faute, Benoît ! N’inverse pas les rôles… Remarque, peut-être bien que les poulets ont raison… Peut-être bien que c’est ta femme qui m’a envoyé les lettres !

— Non, c’est pas elle !

— Ça te ferait mal, pas vrai ? De savoir que tu as été trahi par ta propre épouse… Que ta tendre Gaëlle t’a balancé !

— Elle ne peut pas m’avoir balancé vu que je suis innocent !

— Voilà un mot que je vais te faire oublier, prévient Lydia. Un mot que tu n’auras plus l’impudence de prononcer…

Elle effleure sa joue, il détourne un peu vivement la tête, s’inflige une douleur brutale à l’épaule.

— Tu trembles, Ben… Tu as froid sans doute… Ou alors tu as les jetons !

Il ne prend pas la peine de répondre, continue à fixer le sol crasseux.

— Tu as sans doute soif, aussi. Et puis faim. Sans parler de la douleur… Je ne voudrais pas être à ta place !

Il enfonce à nouveau son regard dans le sien. Remarque qu’elle a un léger coquard. Le coup de tête qu’il lui a filé avant de s’enfuir, sans doute. Il lui en collerait bien un deuxième. Juste pour le plaisir. Il songe aux représailles encourues, ça calme immédiatement ses ardeurs. Quoique… Elle doit avoir les clefs sur elle. Celles de la cage et celles des menottes. S’il parvenait à l’assommer, il pourrait peut-être se libérer et l’enfermer à son tour… Un frisson de plaisir trottine le long de sa colonne vertébrale, rien qu’à l’idée. Peut-être même qu’il s’occuperait d’elle, avant d’appeler ses potes… Quelques secondes durant, il l’imagine à sa merci. Ça lui procure une nouvelle jouissance cérébrale et physique.

Il essaie de bouger son bras droit, la sanction est immédiate. La douleur lui coupe le souffle, le ramenant brutalement dans la sordide réalité.

— Si tu consens à avouer, toute cette souffrance peut s’arrêter, rappelle Lydia. Tu m’as déjà expliqué comment tu l’as tuée, quelles horreurs tu lui as fait subir… Si tu me révèles où elle se trouve, je te promets de t’achever. Rappelle-toi, Ben : la mort lente ou la mort rapide… C’est ta seule et unique alternative.

— J’ai avoué parce que j’avais peur pour ma famille ! Parce que j’ai craqué ! Mais j’ai menti, Lydia ! Menti !

— C’est maintenant que tu mens…

— Non ! Tu as le moyen de vérifier ! Il te suffit d’aller récupérer la preuve ! Gaëlle est au commissariat, tu peux entrer chez moi sans risque !

— Tu m’agaces, Ben, soupire-t-elle. J’ai pas envie d’écouter tes boniments… Oui, tu m’ennuies… Et je déteste m’ennuyer…

Elle se poste devant lui, descend à sa hauteur.

— Alors je vais m’occuper… de toi.

Elle arbore son joli sourire de garce.

Il tente le tout pour le tout, se concentre. Lui flanque son poing droit dans la mâchoire. Elle perd l’équilibre, part en arrière dans un cri, reçoit alors un violent coup de pied en pleine tête.

Benoît n’en croit pas ses yeux, reste ébahi quelques secondes : la lionne est à terre. Elle ne bouge plus. Il se met à genoux, serre les dents et allonge son bras. Il a l’impression de s’arracher l’épaule. Sa main tremble comme une feuille. Mais Lydia est tombée trop loin.

— Merde !

Il se rassoit, essaie de ramener le corps inanimé vers lui à l’aide de ses jambes. Exercice difficile. Enfin, en y mettant ses dernières forces, il parvient à l’approcher suffisamment pour la fouiller. La souffrance qu’il inflige à sa blessure est intolérable. Mais il ne renonce pas. Pourtant, ses efforts sont vains. Les poches de sa geôlière sont désespérément vides.

— Putain, mais c’est pas vrai ! peste-t-il.

Lydia, qui lui tourne le dos, ouvre un œil. Sa tête ressemble à un ballon de rugby. Mais elle se redresse quand même et tente de s’éloigner. Benoît la plaque au sol, elle se débat. Finit par lui mordre la main. Lorand hurle, la lâche enfin.

Elle recule, à même le sol, jusqu’à se rendre inaccessible. Assise, le visage dans le creux de ses mains, elle pousse des gémissements saccadés. Elle se relève doucement, se tient au lavabo. S’asperge la figure.

Benoît l’observe. Non seulement il a rouvert sa blessure, souffre le martyr ; mais en plus il vient de réveiller le volcan. Tout ça pour rien.

Si, ça l’a tout de même soulagé. Maigre consolation.

— Espèce de salaud ! Tu vas me le payer !

Il ne dit rien, attendant la suite avec une déconcertante résignation. Il a agi comme il le fallait. A seulement manqué de chance. Elle est debout, face à lui. Prête à exploser. À cracher sa lave.

— Tu pensais que je gardais les clefs sur moi, espèce de taré ?!

— Sait-on jamais… Tu ne me laisses guère le choix ! Elle saigne du nez, de la bouche ; il n’y est pas allé de main morte. Il réalise qu’elle est la première femme qu’il frappe. Mais vu les circonstances, certaines règles n’ont plus aucune valeur… Il aurait dû cogner plus fort, d’ailleurs.

Mais maintenant, c’est son tour. Il va morfler, s’y prépare mentalement. Elle sort de la cage, il se retourne vers la grille, ne la quitte pas des yeux.

La tension monte. Quelle arme va-t-elle choisir ?

Il y a des journées plus longues que d’autres. Des heures qui s’éternisent.

Lydia est assise, à quelques mètres de ce qui reste de sa victime.

Elle ne peut détacher son regard de cet homme ; du carnage qui s’étale sous ses yeux.

Elle effleure l’hématome sensible qui dévore son visage. Mais ce n’est rien, comparé à ce qu’elle voit en face d’elle.

Elle est allée au-delà des limites, cette fois. Ne se savait pas capable de tant de cruauté.

Mais ce n’est pas moi qui ai commis ces atrocités. Non. C’est Aurélia. Aurélia qui s’est vengée, en utilisant son corps, sa force, sa main. Sa vie.

Pourtant, il n’a pas cédé. Le dernier mot qu’il a prononcé, entre deux suppliques, c’est… Innocent.

Alors Lydia se met à douter. Encore. En silence, elle se balance d’avant en arrière. Comme une pendule détraquée.

Détraquée, oui. C’est ce qu’elle est.

Elle se redresse, s’approche. Hésite. Puis lui parle tout bas, comme si elle avait peur de le réveiller. Pourtant, il ne risque pas de se réveiller. Parce qu’il ne dort pas.

— Ben… Dis-moi la vérité, s’il te plaît… Dis-moi où elle est…

Elle n’attend pas de réponse, bien sûr. Comment pourrait-il répondre, désormais ?

Il est minuit lorsque Lydia pousse la porte du pavillon.