Ce fut toutefois Prendahl na Ghezn qui prit la parole au nom des mercenaires. « Vous feriez mieux d’emmener votre bougraille ailleurs, dit-il. Vous avez pris Astapor par traîtrise, mais Yunkaï ne tombera pas si facilement.
— Cinq cents de vos Corbeaux Tornade, répondit-elle, contre dix mille de mes Immaculés. J’ai beau n’être qu’une jouvencelle et ne rien entendre aux voies de la guerre, vos chances m’ont l’air indigentes.
— Les Corbeaux Tornade ne tiennent pas le terrain tout seuls, objecta Prendahl.
— Les Corbeaux Tornade ne tiennent rien du tout. Ils s’envolent au premier murmure du tonnerre. Vous pourriez être bien inspirés de vous envoler tout de suite. Il m’est revenu aux oreilles que les mercenaires sont notoirement déloyaux. Que vous servira votre fermeté, quand les Puînés changeront de camp ?
— Cela ne se produira pas, affirma Prendahl, imperturbable. Et, si cela se produisait, cela n’aurait pas d’importance. Les Puînés ne sont rien. Nous combattons aux côtés des valeureux Yunkaïis.
— Vous combattez aux côtés de petits couche-toi-là affublés de piques. » Pour peu qu’elle bougeât la tête, les clochettes jumelles de sa tresse tintinnabulaient. « Une fois la bataille engagée, ne pensez plus à demander quartier. Mais ralliez-vous à moi dès à présent, et, tout en conservant l’or que vous ont déjà versé les Yunkaïis, vous aurez en plus droit à une part de butin, sans parler de récompenses plus fastueuses aussitôt que j’aurai recouvré mon royaume. Battez-vous pour les Judicieux, et c’est la mort que vous aurez pour gages. Vous figurez-vous que Yunkaï ouvrira ses portes quand vous vous ferez massacrer sous ses murs par mes Immaculés ?
— Tu brais comme un âne, femme, et tu ne dis que des âneries.
— Femme ? » Elle gloussa. « Comptiez-vous m’insulter par là ? Je vous retournerais la gifle, si je vous prenais pour un homme. » Elle affronta son regard. « Je suis Daenerys du Typhon, de la maison Targaryen, l’Imbrûlée, Mère des Dragons, khaleesi des cavaliers de Drogo et reine des Sept Couronnes de Westeros.
— Ce que tu es, riposta Prendahl na Ghezn, c’est la putain d’un seigneur du cheval. Quand nous vous aurons brisés, je te donnerai pour pâture à mon étalon. »
Belwas le Fort tira son arakh. « Belwas le Fort va donner sa vilaine langue à la petite reine, si elle a envie.
— Non, Belwas. Ils bénéficient tous trois de mon sauf-conduit. » Elle sourit. « Dites-moi, je vous prie – les Corbeaux Tornade sont esclaves ou libres ?
— Nous sommes une fraternité d’hommes libres, intervint Sollir.
— Bon. » Elle se leva. « Dans ce cas, retournez auprès de vos frères et transmettez-leur mes propos. Il se pourrait que certains d’entre eux soupent plus volontiers d’or et de gloire que de mort. Je veux votre réponse demain matin. »
Les capitaines des Corbeaux Tornade se dressèrent comme un seul homme. « Notre réponse est non », déclara Prendahl na Ghezn. Ses compagnons lui emboîtèrent le pas pour quitter la tente…, mais Daario Naharis tourna la tête au moment de sortir et l’inclina poliment en guise d’adieu.
Deux heures après survint le commandant des Puînés – seul. Il se révéla être un géant de Braavos barbu d’or rouge en broussaille jusqu’à la ceinture et aux yeux vert pâle. Bien que son vrai nom fût Mero, lui-même se plaisait à se désigner sous l’appellation de Bâtard du Titan.
Il éclusa son vin cul sec, se torcha la bouche d’un revers de main, puis lorgna Daenerys d’un air libidineux. « Bien l’impression que j’ai baisé ta sœur jumelle dans une maison de plaisirs, chez moi. Ou bien c’était toi ?
— Je ne pense pas. Un homme aussi splendide, aucun doute, je me souviendrais.
— Ouais, sûr et certain. Une femme qu’aurait oublié le Bâtard du Titan, y a pas. Jamais eu. » Il tendit sa coupe à Jhiqui. « Te dirait pas, retirer ces frusques et venir un peu, là, t’asseoir sur mes genoux ? Fais-moi bien jouir, et y a rien d’impensable que les Puînés, je les apporte de ton côté.
— Ralliez-moi les Puînés, et il n’est pas impensable que je ne vous fasse pas châtrer. »
Le colosse éclata de rire. « Y a une autre femme, fillette, qu’a essayé de me châtrer avec les dents. Elle a plus de dents, maintenant, tandis que mon braquemart a jamais été plus gros et plus long. Envie que je le sorte pour te montrer ?
— Inutile. Quand mes eunuques l’auront tranché, j’aurai tout loisir de l’examiner. » Elle sirota une gorgée de vin. « Je ne suis qu’une jouvencelle, c’est un fait, et je n’entends rien aux voies de la guerre. Expliquez-moi de quelle manière vous vous proposez, avec vos cinq cents, de déconfire dix mille Immaculés. Dans ma candeur, vos chances me semblent indigentes.
— Les Puînés se sont vus confrontés à des chances infiniment pires, et ils ont vaincu.
— Les Puînés se sont vus confrontés à des chances infiniment pires, et ils ont détalé. A Qohor, face à l’opiniâtreté des Trois Mille. Préféreriez-vous le nier ?
— Ça, c’était y a des tas d’années et plus, avant que les Puînés soient menés par le Bâtard du Titan.
— Ainsi, c’est de vous qu’ils tirent leur vaillance ? » Elle se tourna vers ser Jorah. « Dès le début des engagements, tuez-moi celui-ci en priorité. »
Le chevalier exilé se mit à sourire. « Avec joie, Votre Grâce.
— Naturellement, reprit-elle à l’adresse de Mero, libre à vous de détaler une fois de plus. Nous ne vous en empêcherons pas. Prenez votre or de Yunkaï et filez.
— T’aurais déjà vu le Titan de Braavos, tête de linotte, tu saurais qu’il a pas de queue à tourner.
— Dans ce cas, restez, et battez-vous pour moi.
— Tu vaux assez qu’on se batte pour, c’est vrai, répliqua-t-il, et je te laisserais volontiers me bécoter le braquemart, si j’étais disponible. Mais j’ai déjà empoché les sous de Yunkaï, et j’ai juré ma sainte foi.
— Cela peut se rendre, les sous, dit-elle. Je vous paierai autant et davantage. J’ai d’autres villes à conquérir, et tout un royaume qui m’attend à un demi-monde d’ici. Servez-moi fidèlement, et les Puînés n’auront plus que faire de chercher à louer leur bras. »
Le Braavi tirailla son rouge fourré de barbe. « Autant et davantage, et peut-être un bécot en plus, eh ? Ou plus qu’un bécot ? Ça mérite, un homme aussi splendide que moi.
— Peut-être.
— Va me plaire, le goût de ta langue, je suis d’avis. »
Elle percevait la rage de ser Jorah. Mon ours noir adore ces jacasseries bécotières. « Songez cette nuit à mes propositions. Puis-je escompter votre réponse pour demain matin ?
— Vous pouvez. » Le Bâtard du Titan sourit jusqu’aux oreilles. « Et moi, puis-je avoir une fiasque de ce nectar pour régaler mes capitaines ?
— Vous pouvez en avoir un fût. Il provient des caves de messeigneurs Leurs Bontés d’Astapor, et j’en possède de pleins fourgons.
— Alors, donnez-moi un fourgon. Comme gage de vos bienveillances à mon endroit.
— Vous avez des soifs colossales.