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— En clair, ça veut dire quoi ?

— Ça veut dire par exemple que ce n’est pas parce que Stéphanie Dupain se trouve au milieu de cette série de photos que pour autant elle était la maîtresse de Morval. Mais peut-être que quelqu’un aimerait que l’on fasse l’amalgame…

Sylvio Bénavides se gratte la tête tout en réfléchissant à l’hypothèse développée par son patron.

— D’accord, je vous suis sur ce coup-là. Mais on ne peut quand même pas ne pas tenir compte de ces photos…

— Oh que non… Surtout qu’on n’est pas au bout du mystère. Accroche-toi, Sylvio, et regarde un peu le verso.

Sérénac retourne un à un les cinq clichés sur le bureau. Au dos de chaque photographie, un nombre a été inscrit.

23-02 pour le cliché du bureau. 15-03 pour celui de la discothèque. 21-02 pour celui de la plage. 17-03 pour celui du salon. 03-01 derrière celui de chemin de Giverny.

— Putain, siffle Bénavides. Qu’est-ce que ça veut dire ?

— Aucune idée…

— On dirait des dates. Ce sont peut-être les jours où les photos ont été prises ?

— Mouais… Elles l’auraient toutes été entre le mois de janvier et le mois de mars ? Il aurait une sacrée santé, tu ne trouves pas, le roi de la cataracte ? Et je mettrais ma main à couper que la photo de plage d’Irlande n’a pas été prise l’hiver…

— Alors ?

— Eh bien, on va chercher, Sylvio ! On n’a pas le choix. On va fouiner. Tu veux que je te propose un jeu ?

Bénavides affiche un sourire méfiant.

— Pas vraiment, non…

— Ben, on va dire que t’as pas le choix…

Sérénac se penche, rassemble les cinq photos, les mélange, puis les écarte en éventail, tel un jeu de cartes. Il les tend à Sylvio.

— Chacun son tour, Sylvio. On tire une fille chacun. Et ensuite, on joue tous les deux au flic pour retrouver son petit nom, son CV et son alibi le jour du meurtre de Morval. Rendez-vous dans deux jours et on verra bien celui qui chauffe le plus…

— Vous êtes bizarre, des fois, patron…

— Mais non, Sylvio. C’est juste ma façon de présenter les choses. Pour le reste, qu’est-ce que tu veux faire d’autre que de chercher à retrouver l’identité de ces filles ? Et on ne va tout de même pas laisser Maury et Louvel aller à notre place à la chasse à ces cinq créatures de rêve, hein ?

Sérénac éclate de rire.

— Bon, je commence si tu ne te décides pas.

Laurenç Sérénac tire la photographie de Jérôme Morval à genoux sur la fille dans le bureau.

— La secrétaire particulière qui joue au docteur avec son patron, commente-t-il. On verra bien. À ton tour…

Sylvio soupire, puis attrape une carte tendue.

— Triche pas, hein, regarde pas les numéros !

Sylvio retourne la photographie. Celle de la boîte de nuit.

— Veinard ! s’écrie Sérénac. La fille à paillettes !

Sylvio rougit. Laurenç Sérénac tire à son tour. Il tombe sur la photographie de la fille à genoux.

— La surprise du chef. La fille de dos. À toi…

Sérénac présente les deux dernières cartes à Bénavides. Il tire. Le hasard désigne la photographie de plage.

— L’inconnue de la mer d’Irlande, commente Sérénac. Tu t’en sors bien, mon cochon.

Sylvio Bénavides tapote les photographies sur le bureau, puis jauge son supérieur hiérarchique avec un sourire ironique.

— Vous foutez pas de moi, patron. Je ne sais pas comment vous vous êtes débrouillé, mais j’étais sûr depuis le début que vous garderiez pour vous la photo de Stéphanie Dupain.

Sérénac lui rend son sourire.

— On ne te la fait pas, hein ? Je ne vais pas te dévoiler mon truc, mais tu as raison, privilège du chef, je garde la belle institutrice. Et ne te prends pas trop la tête sur les fameux codes au dos, Sylvio, 15-03, 21-02… Je suis certain que quand nous aurons mis des noms sur les quatre autres filles les nombres parleront d’eux-mêmes…

Il range les photographies dans le tiroir de son bureau.

— Pour le reste, on s’y met ?

— OK, on y va. Attendez, patron. Avant qu’on s’y mette, j’ai rapporté un petit cadeau. Comme quoi, même si vous passez votre temps à me faire marcher, je ne suis pas rancunier.

Bénavides se lève avant que Sérénac ait pu se défendre. Il quitte le bureau et revient, quelques minutes plus tard, un sac de papier blanc dans la main.

— Tenez, ils sortent du four, pour ainsi dire…

Sylvio Bénavides pousse le sac sur la table et le renverse. Une vingtaine de brownies s’éparpillent.

— Je les ai cuits pour ma femme, précise Sylvio, d’habitude elle les adore, mais depuis quinze jours elle ne peut plus rien avaler… Même accompagnés de ma crème anglaise maison.

Sérénac se laisse tomber dans le fauteuil à roulettes.

— T’es une mère pour moi, Sylvio. Je vais te l’avouer, j’ai demandé ma mutation dans ce pays pourri du Nord uniquement pour t’avoir comme adjoint !

— N’en faites pas trop quand même…

— J’en fais pas assez, tu veux dire !

Il lève les yeux vers son adjoint.

— Et c’est pour quand, le bébé ?

— Ces jours-ci… L’accouchement est prévu très exactement pour dans cinq jours… Mais après, vous savez…

Sérénac croque un premier gâteau.

— Putain ! Ils sont divins. Elle a bien tort, ta femme !

Sylvio Bénavides se penche vers le dossier posé contre sa chaise. Lorsqu’il se redresse, son supérieur est à nouveau debout.

— Et avec un café, ajoute Sérénac, je te raconte pas. Je descends vite fait en prendre un. Je t’en rapporte un ?

Le listing que Sylvio tient entre les mains se déroule jusqu’au sol.

— Heu, non merci.

— C’est vrai, rien ?

— Allez. Si. Un thé. Sans sucre.

De longues minutes plus tard, l’inspecteur Sérénac est de retour avec deux gobelets. Les miettes de brownies sur la table ont été nettoyées. Sérénac soupire, comme pour faire comprendre à son adjoint qu’il a le droit de prendre une pause. Il est à peine assis que Bénavides commence sa synthèse :

— Donc, patron, je vous la fais courte. Le rapport d’autopsie confirme que Morval a d’abord été poignardé. Il est mort dans la minute qui a suivi. Ensuite seulement, quelqu’un a broyé le crâne avec une pierre, puis noyé la tête dans le ruisseau. Le crime s’est déroulé dans cet ordre-là, les légistes sont formels.

Sérénac trempe un gâteau dans son café puis commente, avec un sourire :

— Vu le palmarès de l’ophtalmo, si ça se trouve, trois jaloux s’y sont mis ensemble. Association de cocus. Ça expliquerait le rituel, comme dans Le Crime de l’Orient-Express.

Bénavides le dévisage avec consternation.

— Je plaisante, Sylvio. Je plaisante…

Trempette dans le café.

— Allez, je vais être sérieux deux secondes. Je vais t’avouer, il y a quelque chose d’étrange dans cette affaire. Une connexion entre tous les éléments qui n’arrive pas à se faire.

Une lueur passe dans le regard de Sylvio.

— Entièrement d’accord avec vous, patron…

Là, il hésite. Puis :

— D’ailleurs, j’ai quelque chose à vous montrer… Quelque chose qui va vous surprendre.

- 15 -

Fanette a couru, comme tous les jours à la sortie de l’école. Elle a lâché les autres enfants de la classe puis joué à cache-cache dans les ruelles de Giverny pour ne pas croiser à nouveau Vincent, Camille ou Mary. C’est trop facile ! Elle connaît toutes les ruelles par cœur. Une nouvelle fois, Paul voulait l’accompagner, rien que lui, pas les autres, il lui a dit qu’il ne voulait pas la laisser seule à cause de ce criminel qui pourrait se promener dans les rues, mais elle a tenu bon, elle n’a rien dit.