– C’est bien, dit sèchement Mony, vous venez de Yokohama et vous avez trafiqué honteusement, en vrai maquereau, de votre maîtresse, une Japonaise nommée Kilyému. Tante, espion, maquereau et détrousseur de cadavres, vous êtes complet. Qu’on prépare le poteau et vous, soldats, enculez-le… Vous n’avez pas tour les jours une pareille occasion.»
On mit nu le bel Egon. C’était un garçon d’une beauté admirable et ses seins étaient arrondis comme ceux d’un hermaphrodite. À l’aspect de ces charmes, les soldats sortirent leurs vits concupiscents.
Cornaboeux fut touché, les larmes aux yeux il demanda à son maître d’épargner Egon, mais Mony fut inflexible et ne permit à son ordonnance que de se faire sucer le vit par le charmant éphèbe, qui, le cul tendu, reçut, à tour de rôle, dans son anus dilaté, les bittes rayonnantes des soldats qui, en bonnes brutes, chantaient des hymnes religieuses en se félicitant de leur capture.
L’espion, après qu’il reçut la troisième décharge, commença à jouir furieusement et il agitait son cul en suçant le vit de Cornaboeux, comme s’il eut encore trente années de vie devant lui.
Pendant ce temps, on avait dressé le pal de fer qui devait servir de siège au giton.
Quand tous les soldats eurent enculé le prisonnier, Mony dit quelques mots à l’oreille de Cornaboeux qui était encore béat de la plume qu’on venait de lui tailler.
Cornaboeux alla jusqu’au bordel et en revint bientôt accompagné de la jeune putain japonaise Kyliému, qui se demandait ce qu’on lui voulait.
Elle aperçut à tout coup Egon que l’on venait de ficher, bâillonné, sur le pal de fer. Il se contorsionnait et la pique lui pénétrait petit à petit dans le fondement. Sa pine par-devant bandait à se rompre.
Mony désigna Kyliému aux soldats et la pauvre petite femme regardait son amant empalé avec des yeux où la terreur, l’amour et la compassion se mêlaient en une désolation suprême. Les soldats la mirent nue et hissèrent son pauvre petit corps d’oiseau sur celui de l’empalé.
Ils écartèrent les jambes de la malheureuse et le vit gonflé qu’elle avait tant désiré la pénétra encore.
La pauvre petite âme simple ne comprenait pas cette barbarie, mais le vit qui la remplissait l’excitait trop à la volupté. Elle devint comme folle et s’agitait le long du pal. Il déchargea en expirant.
C’était un étrange étendard que celui formé par cet homme bâillonné et cette femme qui s’agitait sur lui, bouche fendue!… Un sang sombre formait une mare au pied du pal.
«Soldats, saluez ceux qui meurent, cria Mony et s’adressant à Kilyému:
» J’ai rempli tes souhaits… En ce moment, les cerisiers sont en fleurs au Japon, des amants s’égarent dans la neige rose des pétales qui feuillotent!»
Puis, braquant son revolver il lui brisa la tête et la cervelle de la petite courtisane jaillit au visage de l’officier, comme si elle avait voulu cracher sur son bourreau.
VII
Après l’exécution sommaire de l’espion Egon Müller et de la putain japonaise Kilyému, le prince Vibescu était devenu très populaire dans Port-Arthur.
Un jour, le général Stoessel le fit appeler et lui remit un pli en disant:
«Prince Vibescu, bien que n’étant pas russe, vous n’en êtes pas moins un des meilleurs officiers de la place… Nous attendons des secours, mais il faut que le général Kouropatkine se hâte… S’il tarde encore, il faut capituler… Ces chiens de Japonais nous guettent et leur fanatisme aura un jour raison de notre résistance. Il faut que vous traversiez les lignes japonaises et que vous remettiez cette dépêche au généralissime.»
On prépara un ballon. Pendant huit jours Mony et Cornaboeux s’exercèrent au maniement de l’aérostat qui fut gonflé un beau matin.
Les deux messagers montèrent dans la nacelle, prononcèrent le traditionnel «Lâchez tout!» et bientôt ayant atteint la région des nuages, la terre ne leur apparut plus que comme une chose petite et le théâtre de la guerre leur apparaissant nettement avec les armées, les escadres sur la mer, et une allumette qu’ils frottaient pour allumer leur cigarette laissait une traînée plus lumineuse que les boulets de canons géants dont se servaient les belligérants.
Une bonne brise poussa le ballon dans la direction des armées russes et après quelques jours ils atterrirent et furent reçus par le grand officier qui leur souhaita la bienvenue. C’était Fédor, l’homme aux trois couilles, l’ancien amant d’Hélène Verdier, la sœur de Culculine d’Ancône.
«Lieutenant, lui dit le prince Vibescu, en sautant de la nacelle, vous êtes bien honnête et la réception que vous nous faites nous dédommage de bien de fatigues. Laissez-moi vous demander pardon de vous avoir fait cocu à Saint-Pétersbourg avec votre maîtresse Hélène, l’institutrice française de la fille du général Kokodryoff.
– Vous avez bien fait, riposta Fédor, figurez-vous que j’ai trouvé ici sa sœur Culculine, c’est une superbe fille qui est kellnerine dans une brasserie à femmes que fréquentent nos officiers. Elle a quitté Paris pour gagner la forte somme en Extrême-Orient. Elle gagne beaucoup d’argent ici, car les officiers font la noce en gens qui n’ont que peu de temps à vivre et son amie Alexine Mangetout est avec elle.
– Comment! s’écria Mony, Culculine et Alexine sont ici!… Menez-moi vite auprès du général Kouropatkine, il faut avant tout que j’accomplisse ma mission… Vous me mènerez ensuite à la brasserie.»
Le général Kouropatkine reçut aimablement Mony dans son palais. C’était un wagon assez bien aménagé.
Le généralissime lut le message, puis dit:
«Nous ferons tout notre possible pour délivrer Port-Arthur. En attendant, prince Vibescu, je vous nomme chevalier de Saint-Georges…»
Une demi-heure après, le nouveau décoré se trouvait dans la brasserie du Cosaque endormi en compagnie de Fédor et de Cornaboeux. Deux femmes se précipitèrent pour les servir. C’étaient Culculine et Alexine, toutes charmantes. Elles étaient habillées en soldats russes et portaient un tablier de dentelles devant leurs larges pantalons emprisonnés dans les bottes, leurs culs et leurs poitrines saillaient agréablement et bombaient l’uniforme. Une petite casquette posée de travers sur leur chevelure complétait ce que cet accoutrement militaire avait d’excitant. Elles avaient l’air de petites figurantes d’opérette.
«Tiens, Mony!» s’écria Culculine.
Le prince embrassa les deux femmes et demanda leur histoire.
«Voilà, dit Culculine, mais tu nous raconteras aussi ce qui t’est arrivé.
» Depuis la nuit fatale où des cambrioleurs nous laissèrent à demi morts auprès du cadavre d’un des leurs dont j’avais coupé le vit avec mes dents dans un instant de folle jouissance, je ne me réveillais qu’entourée de médecins. On m’avait retrouvé un couteau planté dans les fesses. Alexine fut soignée chez elle et de toi nous n’eûmes plus de nouvelles. Mais nous apprîmes, quand nous pûmes sortir, que tu étais repartit en Serbie. L’affaire avait fait un scandale énorme, mon explorateur me lâcha à son retour et le sénateur d’Alexine ne voulut plus l’entretenir.
» Notre étoile commençait à décliner à Paris. La guerre éclata entre la Russie et le Japon. Le barbeau d’une de mes amies organisait un départ de femmes pour servir dans les brasseries-bordels qui suivaient l’armée russe, on nous embaucha et voilà…»