Cornaboeux ordonna à la belle brune d’écarter les cuisses. Il eut beaucoup de peine à l’enfiler en levrette. Elle souffrit beaucoup, mais stoïquement, ne lâchant pas la pine de la Chaloupe qu’elle suçait. Quand il eut bien pris possession du con du Culculine, il lui fit lever le bras droit et mordilla les poils des aisselles où elle avait une touffe très épaisse. Quand la jouissance arriva, elle fut si forte que Culculine s’évanouit en mordant violemment la bitte de la Chaloupe. Il poussa un cri de douleur terrible, mais le gland était détaché. Cornaboeux, qui venait de décharger, sortit brusquement son braquemart du con de Culculine qui tomba évanouie sur le sol. La Chaloupe perdait tout son sang.
«Mon pauvre la Chaloupe, dit Cornaboeux, tu es foutu, il vaut mieux crever de suite,» et, tirant un couteau, il en donna un coup mortel à la Chaloupe en secouant sur le corps de Culculine les dernières gouttes de foutre qui pendaient à son vit. La Chaloupe mourut sans dire «ouf».
Cornaboeux se reculotta soigneusement, vida tout l’argent des tiroirs et des vêtements, il prit aussi des bijoux, des montres. Puis il regarda Culculine qui gisait évanouie sur le sol.
«Il faut venger la Chaloupe,» pensa-t-il et tirant de nouveau son couteau il en donna un coup terrible entre les deux fesses de Culculine qui resta évanouie. Cornaboeux laissa le couteau dans le cul. Trois heures du matin sonnèrent aux horloges. Puis il sortit comme il était entré, laissant sur quatre corps étendus sur le sol de la pièce pleine de sang, de merde, de foutre et d’un désordre sans nom.
Dans la rue il se dirigea allègrement vers Ménilmontant en chantant:
Un cul ça doit sentir le cul
Et non pas l’essence de Cologne…
Et aussi:
Bec… que de gaz
Bec… que de gaz
Allume, allume, mon pt’it trognon
IV
Le scandale fut très grand. Les journaux parlèrent de cette affaire pendant huit jours. Culculine, Alexine et le prince Vibescu durent garder le lit pendant deux mois. Pendant sa convalescence, Mony entra un soir dans un bar, près de la gare Montparnasse. On y consomme du pétrole, ce qui est une boisson délectable pour les palais blasés sur les autres liqueurs.
En dégustant l’infâme tord-boyaux, le prince dévisageait les consommateurs. L’un d’eux, un colosse barbu, était vêtu en fort de la Halle et son immense chapeau farineux lui donnait l’air d’un demi-dieu de la fable prêt à accomplir un travail héroïque.
Le prince crut reconnaître le visage sympathique du cambrioleur Cornaboeux. Tout à coup, il l’entendit demander un pétrole d’une voix tonitruante. C’était bien la voix de Cornaboeux. Mony se leva et se dirigea vers lui la main tendue:
«Bonjour, Cornaboeux, vous êtes aux Halles, maintenant?
– Moi, dit le fort surpris, comment me connaissez vous?
– Je vous ai vu au 114, rue de Prony, dit Mony d’un air dégagé.
– Ce n’est pas moi, répondit très effrayé Cornaboeux, je ne vous connais pas, je suis fort aux Halles depuis trois ans et assez connu. Laissez-moi tranquille!
– Trêve de sottises, répliqua Mony. Cornaboeux tu m’appartiens. Je puis te livrer à la police. Mais tu me plais et si tu veux me suivre, tu seras mon valet de chambre, tu me suivras partout. Je t’associerai à mes plaisirs. Tu m’aideras et me défendras au besoin. Puis, si tu m’es bien fidèle, je ferai ta fortune. Réponds de suite.
– Vous êtes bon zigue, et vous savez parler. Topez là, je suis votre homme.»
Quelques jours après, Cornaboeux, promu au grade de valet de chambre, bouclait les valises. Le prince Mony était rappelé en toute hâte à Bucarest. Son intime ami, le vice-consul de Serbie, venait de mourir, lui laissant tous ses biens qui étaient importants. Il s’agissait de mines d’étain, très productives depuis quelques années mais qu’il fallait surveiller de près sous peine d’en voir immédiatement baisser le rapport. Le prince Mony, comme on l’a vu, n’aimait pas l’argent pour lui-même; il désirait seulement le plus de richesses possibles, mais seulement pour les plaisirs que l’or seul peut procurer. Il avait sans cesse à la bouche cette maxime, prononcée par l’un de ses aïeux: «tout est à vendre; tout s’achète; il suffit d’y mettre le prix.»
Le prince Mony et Cornaboeux avaient pris place dans l’Orient Express; la trépidation du train ne manqua point de produire aussitôt son effet. Mony banda comme un cosaque et jeta sur Cornaboeux des regards enflammés. Au-dehors, le paysage admirable de l’Est de la France déroulait ses magnificences nettes et calmes. Le salon était presque vide; un vieillard podagre, richement vêtu, geignait en bavant sur le Figaro qu’il essayait de lire.
Mony qui était enveloppé dans un ample raglan, saisit la main de Cornaboeux et, la faisant passer par la fente qui se trouve à la poche de ce vêtement commode, l’amena à sa braguette. Le colossal valet de chambre comprit le souhait de son maître. Sa grosse main était velue, mais potelée et plus douce qu’on n’aurait supposé. Les doigts de Cornaboeux déboutonnèrent délicatement le pantalon du prince. Ils saisirent la pine en délire qui justifiait en tous point le distique fameux d’Alphonse Allais:
La trépidation excitante des trains
nous glisse des désirs dans la moelle des reins.
Mais un employé de la Compagnie des Wagons-Lits qui entra, annonça qu’il était l’heure de dîner et que de nombreux voyageurs se trouvaient dans le wagon-restaurant.
«Excellente idée, dit Mony. Cornaboeux, allons d’abord dîner.»
La main de l’ancien fort sortit de la fente du raglan. Tous deux se dirigèrent vers la salle à manger. La pine du prince bandait toujours, et comme il ne s’était pas reculotté, une bosse proéminait à la surface du vêtement. Le dîner commença sans encombre, bercé par le bruit de ferrailles du train et par les cliquetis divers de la vaisselle, de l’argenterie et de la cristallerie, troublé parfois par le saut brusque d’un bouchon d’Apollinaris.
À une table, au fond opposé de celui où dînait Mony, se trouvaient deux femmes blondes et jolies. Cornaboeux qui les avait en face les désigna à Mony. Le prince se retourna et reconnu en l’une d’elles, vêtue plus modestement que l’autre, Mariette, l’exquise femme de chambre du Grand-Hôtel. Il se leva aussitôt et se dirigea vers ces dames. Il salua Mariette et s’adressa à l’autre jeune femme qui était jolie et fardée. Ses cheveux décolorés à l’eau oxygénée lui donnaient une allure moderne qui ravit Mony:
«Madame, lui dit-il, je vous prie d’excuser ma démarche. Je me présente moi-même eu égard à la difficulté de trouver dans ce train des relations qui nous seraient communes. Je suis le prince Mony Vibescu, hospodar héréditaire. Mademoiselle qui voici, c’est à dire Mariette, qui, sans doute, a quitté le service du Grand-Hôtel pour le vôtre, m’a laissé contracter envers elle une dette de reconnaissance dont je veux m’acquitter aujourd’hui même. Je veux la marier à mon valet de chambre et je leur constitue à chacun une dot de cinquante mille francs.
– Je n’y vois aucun inconvénient, dit la dame, mais voici quelque chose qui n’a pas l’air d’être mal constitué. À qui le destinez-vous?»
La bitte de Mony avait trouvé une issue et montrait sa tête rubiconde entre deux boutons, devant le prince qui rougit en faisant disparaître l’engin. La dame se prit à rire.