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– Si Votre Majesté y consent, c’est moi qui parlerai.

– Faites, monsieur.

Maineville, alors, se redressa.

– Sire, dit-il, la requête que je vais avoir l’honneur de vous soumettre est adressée à Votre Majesté par MM. les cardinaux, princes, seigneurs et députés de la ville de Paris et autres villes catholiques, associés et unis pour la défense de la religion.

Le roi tressaillit. Car ces paroles élargissaient soudain la dispute et contenaient une menace. Il ne s’agissait plus de quelques doléances des Parisiens. C’était tout le royaume, prélats, seigneurs et peuple, qui parlait par la voix de Maineville.

– Voyons la requête, dit le roi d’un ton bref.

– Sire, reprit Maineville, lesdits associés dont j’ai l’insigne honneur d’être ici le représentant, ont décidé et décident de supplier Votre Majesté:

«Premièrement, d’éloigner M. le duc d’Épernon comme fauteur d’hérésie, perturbateur et dilapidateur de finances.»

D’Épernon éclata de rire.

– Sire, dit-il, faut-il partir tout de suite?…

Il se fit un silence terrible. Le roi eut un pâle sourire, tourna à demi la tête vers d’Épernon et dit:

– Comme il vous plaira, monsieur le duc…

À ces mots, d’Épernon devint livide, Guise regarda le roi avec stupéfaction, et les bourgeois députés crièrent:

– Vive le roi!

Pâle de rage, d’Épernon saisissait déjà son épée, et il allait se livrer à quelque acte de folie, lorsqu’il vit le regard du roi fixé sur lui, avec le même sourire. Il comprit ou crut comprendre qu’Henri III jouait la comédie, et se croisant les bras:

– Sire, dit-il, je m’en irai, non pas quand il me plaira ni quand il plaira aux bourgeois de Paris, mais quand Votre Majesté, pour prix de mes services et du sang versé pour elle, m’en donnera l’ordre. En attendant, je reste!

Et il rendit au duc de Guise regard pour regard. Et ces deux regards mortels se croisèrent avec un flamboiement d’acier.

– Continuez, monsieur de Maineville, dit le roi.

– Lesdits cardinaux, princes, seigneurs et députés supplient Votre Majesté:

«Deuxièmement, de marcher de votre personne contre les hérétiques de Guyenne et d’envoyer M. le duc de Mayenne contre ceux du Dauphiné; Sa Majesté la reine-mère tiendrait Paris en repos pendant l’absence du roi.

«Troisièmement, d’ôter au sieur d’O tout gouvernement ou commandement dans la ville de Paris.

«Quatrièmement, d’approuver les élections des nouveaux échevins et prévôts qui ont été faites tant à Paris qu’en diverses villes.

«Cinquièmement, de rentrer en votre dite ville de Paris, et de tenir tous gens de guerre éloignés de la capitale d’au moins douze lieues.»

Maineville se tut: son rôle était terminé.

Les députés, les gentilshommes du roi et jusqu’aux soldats de garde attendaient avec un frémissement d’impatience la réponse d’Henri III. De cette réponse, en effet, devait sortir la paix ou la guerre civile. Quant à Guise, il semblait indifférent. Il l’était en effet: pour lui, toute cette scène était simplement destinée à en préparer une autre. Et tandis que chacun le croyait absorbé dans l’attente, lui disait:

«Maintenant le moine se prépare… Dans une heure, le roi sera mort!…»

Tout à coup le roi se redressa dans son fauteuil et jeta sur cette assemblée ce coup d’œil froid et vitreux qu’il tenait de sa mère:

– Monsieur de Maineville, dit-il lentement d’une voix claire, et vous, messieurs les bourgeois de Paris, et vous, mon cousin de Guise, écoutez-moi. Ce qui vient de nous être exposé ne touche pas seulement aux divisions qui ont si malheureusement éclaté entre nous et notre bonne ville de Paris. Puisque ce sont les cardinaux, les princes, seigneurs et députés des villes catholiques qui me parlent, c’est tout le royaume qui fait entendre sa voix. En ce cas, il ne sied pas que je réponde ici: c’est devant tout le royaume que le roi doit sa franche réponse…

Ici Henri III prit un temps, comme pour mieux porter à Guise le coup qu’avait préparé Catherine:

– C’est en présence des députés des trois ordres que nous devons parler, reprit le roi d’une voix plus forte.

Un frémissement de joie parcourut les bourgeois.

– Messieurs, veuillez donc porter, en attendant, cette réponse, la seule qui soit digne de nous et de notre peuple; le roi assemblera les états généraux…

Un tonnerre d’applaudissements éclata, roula dans la salle et se propagea au dehors, où la nouvelle se répandit avec une foudroyante rapidité: le roi consent à réunir les états généraux!… Guise avait légèrement souri. D’Épernon s’était incliné en signe d’admiration.

– Les états généraux, continua le roi, auront lieu dans notre ville de Blois, et nous en fixons l’ouverture au quinzième de septembre.

– Vive le roi! répétèrent les députés avec un sincère enthousiasme.

Et dans la ville, bourgeois de Chartres et pénitents de Paris reprenaient ce cri, avec une sorte d’orgueiclass="underline" la convocation des états généraux, c’était en effet une victoire qu’on n’eût osé espérer; c’était la monarchie discutant directement avec la noblesse, le clergé, le peuple, les intérêts du royaume…

Henri III, sur les conseils de sa mère, s’étant avisé de proclamer la convocation des états généraux, changea la tempête en bonace; la discussion se trouva arrêtée net, la séance fut levée, tout fut renvoyé aux états généraux, et le roi se prépara à se rendre en procession à la cathédrale.

Dans la rue, les bourgeois de Chartres se rangèrent, des cierges à la main; les moines et pénitents venus de Paris se formèrent en rangs. Mais les ligueurs qui étaient venus armés n’étaient pas là. Où étaient-ils? Bientôt on vit apparaître Henri III, qui ayant quitté son pourpoint de soie, son mantelet de satin, sa toque ornée de diamants, s’avançait nu-tête, pieds nus et revêtu d’une longue chemise de toile grossière. Il portait le chapelet autour du cou et tenait un grand cierge à la main. Il n’était Pas entouré de gens d’armes, ni de gentilshommes, mais il marchait seul dans un vaste espace vide; à quelques pas derrière lui, venaient deux moines soigneusement encapuchonnés.

Hors des murs, Mayenne et le cardinal de Guise attendaient. Ils avaient réuni là trois ou quatre cents ligueurs bien armés. Dans une plaine, l’armée de Crillon était au repos, et Mayenne à cheval essayait de dénombrer ces soldats en comptant les tentes.

Le duc de Guise arriva au moment où toutes les cloches de la ville se mettaient à carillonner, c’est-à-dire au moment où la procession se mettait en marche. Le cardinal l’interrogea du regard.

– Eh bien, fit le duc en haussant les épaules, il convoque les états généraux pour le 15 de septembre, à Blois.

Oh! oh! dit le cardinal, voilà qui pourrait bien sauver Valois si…

– Si sa destinée ne devait s’accomplir aujourd’hui même, dans quelques minutes, dit Guise froidement.

– Comment saurons-nous la chose? reprit le cardinal en palpitant, tandis que Mayenne roulait de gros yeux vers le camp de Crillon…

– La grosse cloche sonnera douze coups… Six coups voudront dire que le coup est manqué… mais il ne peut manquer!…