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– Je l’ignorais, en effet.

– Eh bien, c’est par là que je suis sorti. Ma bonne fortune m’a fait trouver ce ressort sur lequel j’ai appuyé de façon tout à fait fortuite. Le plafond est descendu, à mon grand ébahissement. Cela constituait un petit plateau sur lequel je me suis placé. Le plafond, en remontant, l’a ramené dans la chambre d’où j’avais été précipité. Vous voyez que c’est très simple.

– Très simple, en effet.

– Vous désirez peut-être savoir où est dissimulé le ressort qui m’a permis de m’évader?

– Si vous n’y voyez pas d’inconvénient…

– Aucun. Je comprends l’intérêt qui vous guide. Sachez donc que ce ressort est placé tout en haut de la dernière des plaques de marbre qui tapissent le bas des murs, juste en face de cette porte de fer dont la clé a été jetée dans le Guadalquivir. Vous verrez, cette plaque est fendue. Il y a là un petit morceau qui a l’air d’avoir été cimenté après coup. En appuyant sur ce petit morceau de marbre, le mécanisme fonctionne. Vous pouvez maintenant le faire briser, ce mécanisme, en sorte que si, par hasard, il m’arrivait de nouveau de m’égarer dans ce cachot, je serais cette fois dans l’impossibilité d’en sortir.

– Ainsi ferai-je.

Pardaillan approuva en souriant.

– Je comprends comment vous êtes sorti. Mais comment avez-vous eu l’idée de descendre dans les sous-sols?

– Toujours par hasard, dit-il de son air le plus naïf. J’ai trouvé toutes les portes ouvertes. Je ne connaissais pas la maison. Sans savoir comment, je me suis retrouvé dans les caves. Je suis assez observateur, vous le savez.

– Vous êtes un profond observateur, je le sais.

il s’inclina en signe de remerciement et continua:

– J’ai pensé qu’une maison que vous aviez choisie devait posséder plus d’une issue secrète semblable à celle par où j’étais sorti. J’ai cherché. Et toujours favorisé par le hasard, j’ai été amené dans un couloir où mon attention a été sollicitée par quelques lumières qui transparaissaient à travers le mur. Est-il nécessaire de vous en dire plus long?

– C’est inutile. Je comprends maintenant.

– Ce que je ne comprends pas, moi, c’est qu’une femme telle que vous ait pu commettre cette faute impardonnable de laisser sa maison déserte, toutes portes ouvertes.

Et avec un sourire aigu:

– Voyez les conséquences de cette imprudence. Alors que vous vous teniez bien tranquille, assurée que vous étiez que je ne pouvais me soustraire au genre de mort que vous me réserviez, moi je sortais facilement de cette manière de tombe où vous aviez eu l’intention de me loger. Quelle situation eût été la mienne si j’avais trouvé toutes les portes solidement verrouillées? Que serais-je devenu, seul et sans armes, si j’étais tombé dans une salle bien gardée?… Au lieu de cela, je trouve tout disposé comme pour mieux favoriser ma fuite, en sorte que me voici devant vous, bien portant et libre.

Lorsque Pardaillan posa la question: «Que serais-je devenu seul et sans armes si j’étais tombé dans une salle bien gardée?» Fausta ne put réprimer un tressaillement. Il lui avait semblé démêler comme une vague raillerie dans le ton dont furent prononcées ces paroles.

Lorsqu’il dit: «Me voici libre!», elle eut un mince sourire. Mais si elle dévisageait le chevalier avec une attention soutenue, celui-ci ne la quittait pas des yeux non plus. Et comme lorsque Pardaillan regardait avec attention il était plutôt malaisé de le dérouter, le tressaillement de Fausta comme son sourire ne passèrent pas inaperçus. Pardaillan ne releva pas le tressaillement mais, quant au sourire, il dit:

– Je vous comprends, madame. Vous vous dites sans doute que je ne suis pas encore sorti de chez vous. Il s’en faut de si peu que, par ma foi, je maintiens le mot: Me voici libre!

Le dialogue entre ces deux adversaires redoutables prenait des allures de duel. Jusqu’ici ils n’avaient fait que se tâter. Maintenant ils se portaient des coups. Et comme toujours, c’était Pardaillan qui chargeait le premier.

Sans paraître attacher la moindre importance à la menace sous-entendue dans ce mot, Fausta se contenta de relever le reproche d’imprudence. Elle expliqua:

– Si j’ai laissé toutes portes ouvertes, j’avais des raisons. Vous n’en doutez pas, puisque vous me connaissez… Que vous soyez arrivé à point nommé pour bénéficier de cette apparente négligence, c’est un malheur… réparable. En ce qui concerne cet œil secret qui vous a permis d’assister à mon entrevue avec les gentilshommes espagnols, je conviens que le reproche est mérité. J’aurais dû en effet le fermer. J’ai péché par trop de confiance et j’aurais dû me garder, même contre l’impossible. C’est une leçon. Tenez pour certain qu’elle ne sera pas perdue.

Elle disait cela paisiblement, comme s’il se fût agi d’une chose de médiocre importance. Elle constatait une erreur de sa part, sans plus.

Mais après avoir confessé son erreur, elle revint aussitôt à ce qui lui paraissait autrement important, et avec un sourire aigu comme celui de Pardaillan quand il lui faisait remarquer les conséquences de son imprudence:

– Mais vous-mêmes, croyez-vous que vous ayez été bien inspiré en entrant ici? Vous parlez d’imprudence et de faute irréparable? Il vous était si facile de tirer au large!

– Mais, madame, fit Pardaillan avec son air le plus naïf, n’avez-vous pas entendu que j’ai eu l’honneur de vous dire que j’avais absolument besoin d’avoir un entretien avec vous?

– Il faut donc que ce que vous avez à me dire soit bien grave pour que vous vous exposiez ainsi après avoir échappé miraculeusement à la mort?

– Bon Dieu! madame, où prenez-vous que je m’expose, et qu’ai-je à craindre en tête à tête avec vous?

Fausta le considéra un instant. Parlait-il sérieusement? Était-il aveugle à ce point? Ou bien la confiance qu’il avait en sa force le rendait-elle présomptueux au point de lui faire oublier qu’il n’était pas encore hors de chez elle?

Mais Pardaillan avait cet air de naïveté ingénue qui le faisait impénétrable. Fausta ne put rien lire sur cette physionomie. Un moment elle hésita sur ce qu’elle allait dire, et soudain elle se décida.

– Croyez-vous donc que je vous laisserai sortir d’ici aussi facilement que vous y êtes entré? dit-elle.

Pardaillan sourit.

– À mon tour de vous dire: je vous comprends, dit-elle. Vous vous dites que ce n’est pas moi qui vous barrerai la route… Vous avez raison. Mais, sachez que dans un instant vous allez être assailli. Vous allez vous trouver seul et sans armes, dans cette salle bien gardée.

Pourquoi lui disait-elle cela, alors qu’elle était seule encore avec lui? Elle savait bien que s’il lui plaisait de mettre à profit l’avertissement qu’elle lui donnait, il n’avait que quelques pas à faire pour sortir. Pensait-elle qu’il ne trouverait pas le ressort qui actionnait la porte secrète? Ou plutôt ne pensait-elle pas qu’en l’avertissant il se croirait obligé de rester?

Elle n’aurait peut-être pas pu dire elle-même pourquoi elle avait parlé. Très tranquillement, il répondit:

– Vous voulez parler des braves que ce sacripant d’inquisiteur est allé chercher, tout courant?