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– Trouvez-vous toujours votre service payé trop cher? demanda Fausta, sans raillerie.

Les trois hommes hochèrent la tête.

– Dès l’instant où il s’agit de Pardaillan, non, mordiable! ce n’est pas trop cher!

– Hé quoi! hésiteriez-vous? demanda encore Fausta, maintenant glaciale.

– Non, par tous les diables!… Mais Pardaillan… Diantre! madame, il y a de quoi hésiter!

– Savez-vous que nous courons fort le risque de ne jamais dépenser les pistoles qui tintent si agréablement dans ce sac?

Fausta, toujours glaciale, dit simplement:

– Décidez-vous, messieurs.

Baissant la voix instinctivement, comme si celui dont ils préméditaient le meurtre eût été là pour les entendre, Sainte-Maline dit:

– Il s’agit donc de?…

Et un geste d’une éloquence terrible traduisit sa pensée.

Toujours brave et résolue, avec un imperceptible dédain, Fausta formula tout haut, froidement, résolument, ce que le bravo n’avait pas osé dire:

– Il faut tuer Pardaillan!

Les trois eurent une dernière hésitation et se consultèrent du coin de l’œil. Puis retrouvant leur insouciance habituelle, avec un haussement d’épaules, comme pour jeter bas tout vain scrupule et toute crainte:

– Ah! bah! après tout un homme en vaut un autre! trancha Sainte-Maline.

– Nous sommes tous mortels! énonça sentencieusement Chalabre en passant délicatement le bout du doigt sur le fil de sa dague.

– On commençait à se rouiller! constata Montsery en faisant craquer ses articulations.

Et d’un commun accord, avec des rictus de dogues prêts à mordre, la rapière au poing, ils crièrent:

– Sus à Pardaillan!

Fausta sourit. Et sûre de ces trois, elle se tourna vers Bussi.

– Le sire de Bussi-Leclerc se croit-il trop grand seigneur pour entrer au service de la princesse Fausta? dit-elle.

– Madame, fit vivement Bussi, croyez-bien que je serais fort honoré d’entrer à votre service.

– Dans une entreprise contre Pardaillan, le concours d’une épée telle que la vôtre serait un appoint précieux. Faites vos conditions vous-mêmes. Quelles qu’elles soient je les accepte.

Bussi-Leclerc se leva brusquement. D’un geste violent il tira sa dague et, avec un accent de haine furieuse, il gronda:

– Madame, pour avoir la joie de plonger ce fer dans le cœur de Pardaillan, je donnerais, sans hésiter, non seulement ma fortune jusqu’au dernier denier, mais encore mon sang jusqu’à la dernière goutte… Mon concours vous est donc tout acquis… Mais vous comprenez qu’il ne saurait être question d’engagement ni d’argent entre nous, d’abord parce que la joie d’assouvir ma haine me suffit amplement, ensuite parce que je suis résolu à considérer comme un ennemi et à traiter comme tel quiconque cherchera à se placer entre Pardaillan et moi… S’il vous prenait fantaisie de sauver Pardaillan après l’avoir condamné, je ne pourrais me tourner contre vous sans forfaiture si j’étais à votre service.

Gravement Fausta approuva de la tête.

– Plus tard, madame, j’accepterai les offres gracieuses que vous voulez bien me faire. Pour le moment, et pour cette entreprise, il vaut mieux que je garde mon indépendance.

– Quand vous croirez le moment venu, monsieur, vous me trouverez dans les mêmes dispositions à votre égard.

Bussi s’inclina et, avec résolution:

– En attendant, madame, dit-il, souffrez que je sois le chef de cette entreprise… Ne vous fâchez pas, messieurs, je ne doute ni de votre zèle ni de votre dévouement, mais vous agissez pour le compte de madame, tandis que j’agis pour mon propre compte, et quand il s’agit de sa haine et de sa vengeance, Bussi-Leclerc, voyez-vous, n’a confiance qu’en lui-même.

– Ces messieurs agiront d’après vos instructions, ordonna Fausta.

Les trois s’inclinèrent en silence.

– Avez-vous un plan tracé, monsieur de Bussi? demanda Fausta.

– Très vague, madame.

– Il faut cependant que Pardaillan meure… le plus tôt possible, insista Fausta en se levant.

– Il mourra! grinça Bussi avec assurance.

Fausta interrogea du regard les trois ordinaires qui grondèrent:

– Il mourra!

Fausta réfléchit un moment, et:

– Messieurs, dit-elle, je vous laisse libres d’agir. Mais si d’ici à lundi vous n’avez pu atteindre Pardaillan, vous viendrez tous les quatre avec moi à la corrida royale. Je vous y donnerai mes instructions et, cette fois, je crois que Pardaillan n’échappera pas.

– C’est bien, madame, dit Bussi, nous y serons tous… si d’ici là nous n’avons pas réussi.

– Allez, messieurs, dit Fausta en les congédiant avec un geste de souveraine.

Dès qu’ils furent dans la vaste salle qui leur servait de dortoir, le premier soin des trois ordinaires fut d’éventrer leurs sacs, de compter les écus et les pistoles et d’aligner les piles d’or et d’argent avec des airs de jubilation intense.

– Trois mille livres! exulta Montsery en faisant sauter dans sa main une poignée de pièces d’or. Jamais je ne me suis vu si riche!

Chalabre se précipita vers son coffre et, tout en enfouissant soigneusement sa part, il grommela:

– Le service de Fausta a du bon!

– Quand tout ceci sera congrûment bu, mangé et joué, il y en aura d’autres, remarqua Sainte-Maline.

– C’est vrai, vivedieu! Fausta nous a promis une gratification, s’écria joyeusement Montsery.

– Quand nous aurons occis Pardaillan, dit Sainte-Maline avec un air contraint.

Une fois encore, ce nom suffit à faire tomber toute leur joie et ils demeurèrent un moment rêveurs.

– M’est avis que nous ne tenons pas encore la gratification, murmura Chalabre en hochant la tête.

Et Montsery, exprimant tout haut ce qu’il pensait tout bas:

– C’est dommage!… Il me plaisait, à moi, ce diable d’homme!

– Il a joliment étrillé le seigneur à la barbe rousse!

– Et de quel air il a traité le roi lui-même!

– Il a rudement mortifié l’insolente morgue de ces seigneurs castillans! Tudieu! Quel homme!

– J’étais fier d’être Français comme lui!… Après tout, ici, nous sommes en pays ennemi!

– C’est pourtant ce même homme que nous devons… attaquer… si nous ne voulons renoncer à la brillante situation que notre bonne fortune nous a fait trouver, fit Sainte-Maline qui, étant le plus âgé, était aussi le plus sérieux et le plus pratique.

– Je le regrette, morbleu!

– Que veux-tu, Montsery, on ne fait pas toujours ce qu’on veut.

– C’est la vie!

– Et puisque la mort de Pardaillan doit nous assurer l’abondance et la prospérité, ma foi tant pis pour Pardaillan! décida Sainte-Maline.

– Au diable le Pardaillan! grogna Chalabre.

– Chacun pour soi et Dieu pour tous! reprit Sainte-Maline.