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– Monsieur de Pardaillan!…

Mais Pardaillan l’épiant là, sous le gibet, ce n’était pas du surnaturel et du prodige. Ce ne pouvait être qu’une réalité gênante et surtout pénible. Dès lors, il retrouva une partie de son sang-froid. Et il bondit hors du caveau funéraire, hors de la fosse, jusque dans le grand caveau. Et il n’y vit personne.

La sensation qu’il avait éprouvée était si forte que, sa torche à la main, il courut jusqu’à la grotte. Là non plus, il n’y avait personne.

– C’est étrange! murmura-t-il en passant la main sur son front moite, j’aurais juré!…

Il se rua à la porte secrète, l’ouvrit et regarda. Aussi loin qu’il pouvait voir dans le souterrain, il n’y avait encore personne.

– Si agile qu’il soit, se dit-il, il n’aurait pas eu le temps de fuir!… C’est une hallucination!

Il revint dans la grotte, ferma la porte et traîna devant le coffre chargé d’armes, en se disant:

– Si je ne me suis pas trompé, s’il revient, il lui faudra déplacer cet obstacle. Cela n’ira pas sans quelque temps perdu et sans quelque bruit qui m’avertira.

Ces précautions prises, il revint à l’escalier. Et encore sous le coup de l’émotion violente éprouvée, il visita minutieusement le grand caveau, déplaçant les outils et tous les objets hétéroclites derrière lesquels un homme aurait pu momentanément se cacher. Il se convainquit qu’il était bien seul et qu’il avait été victime d’une illusion.

Il avait été si fortement frappé qu’il dit à haute voix:

– Je mourrais de honte s’il me voyait occupé à cette besogne!… Et elle donc!… si elle savait?…

Et son naturel violent, incomplètement réprimé, reprenant le dessus, il frappa du pied avec colère et cria, comme pour mieux se convaincre lui-même:

– Pourquoi?… Ventre de veau, je ne suis pas un voleur!… je veux voir… voilà tout!

Et tout son sang-froid reconquis, il descendit de nouveau dans le petit caveau et se mit à attaquer le cercueil.

Or, s’il avait levé la tête à ce moment, il eût vu encore une fois le visage de Pardaillan penché sur le trou. Et cette fois-ci, comme la première, il n’aurait pas été victime d’une illusion. Car c’était bien Pardaillan en chair et en os, qui l’observait en se disant avec un sourire un peu railleur:

– Tu n’es pas un voleur! Soit… C’est ce que nous allons voir!

En quelques coups de pioche, Jehan fit sauter le couvercle. Mais il se trouva en présence d’un deuxième cercueil en plomb. Il fallut l’ouvrir aussi. Ce fut un peu plus long.

Ce second cercueil était plein de sciure. Très maître de lui, n’ayant plus qu’une appréhension, celle de s’être donné tant de mal pour ne rien trouver peut-être, Jehan plongea délibérément les mains dans la sciure et chercha.

– Un coffre! s’écria-t-il joyeusement.

Il écarta la sciure à pleines pelletées et mit complètement à découvert un coffre en fer de taille respectable. Il essaya de le soulever. Il eut beau rassembler toutes ses forces, il ne parvint pas même à l’ébranler. Il constata:

– Malepeste, c’est un joli poids!

Le coffre était muni de deux fortes serrures. Fermées! Sans hésitation et sans scrupule, il les fit sauter. Il souleva le couvercle d’une main qui tremblait un peu.

Et il demeura ébloui.

Intérieurement, le coffre était divisé en trois compartiments d’inégale grandeur. Dans l’un, le plus grand, c’était un amoncellement de pièces d’or: pistoles, doublons, ducats, pêle-mêle. Rien que de l’or monnayé.

Dans le deuxième, des bijoux d’un travail précieux, d’une inestimable valeur: bagues, chaînes, bracelets, colliers, pendants d’oreilles, aigrettes, agrafes de toutes formes et de toutes dimensions, agrafes de ceinture, de soulier, de toque… Des bijoux, encore des bijoux, rien que des bijoux finement ciselés, enrichis de pierres précieuses.

Dans le troisième, le plus petit, des gemmes: diamants, perles, saphirs, rubis, émeraudes, topazes… un étincellement… un éblouissement… un vertige!

La gorge sèche, les tempes mouillées, les yeux exorbités, l’esprit chaviré, Jehan contemplait les fabuleuses richesses entassées dans ce coffre de fer, tout simple. Et il demeurait sans mouvement, pétrifié, n’osant en croire ses yeux. Et une pensée unique fulgurait dans son esprit:

– Tout cela est à moi! si je veux! Allons, Jehan, voilà la fortune! tends quelques-unes de ces pierres seulement et te voilà riche! qui s’apercevra que le tas a été entamé?… qui saura jamais?…

Jehan le Brave avait trop présumé de ses forces. Il faut reconnaître que la tentation était par trop forte. Fatalement, il devait y succomber, et il y succomba.

En un grondement qui n’avait plus rien d’humain, tout haut, comme pour mieux s’exciter, il répéta:

– Qui le saura?… Quoi, je n’ai qu’à allonger la main pour saisir le bonheur avec la fortune et je serais assez fou pour ne pas le faire?… Pourquoi?… pour des sornettes, des mots creux! Allons donc!… À tous les diables les scrupules!…

Et, en un geste de folie, il plongea la main dans le compartiment des pierres précieuses et puisa à pleine poignée… Tant que la main en pouvait contenir.

Au-dessus de lui, l’étincelante physionomie de Pardaillan prit une expression indéfinissable. Puis, brusquement, ses traits se figèrent, son regard se durcit, toute son attitude se fit de glace. Il se redressa lentement et enjamba le trou pour se laisser tomber et prendre le voleur sur le fait.

LXVII

Il nous faut maintenant revenir à Saint-Julien, l’espion de la Galigaï. Nous n’oublions pas que nous avons promis de le montrer à l’œuvre, dans l’exécution des ordres mystérieux de la terrible épouse du Florentin, aux mains de laquelle il n’est qu’un instrument docile.

Ce même matin, qui était un mardi, à peu près vers le même moment que Jehan le Brave se décidait à s’assurer si le trésor existait réellement, c’est-à-dire de grand matin, Saint-Julien se dirigeait vers la carrière abandonnée par où on pénétrait dans les galeries souterraines qui aboutissaient au gibet.

Il était escorté de quatre individus à face patibulaire, enveloppés dans de vastes manteaux que relevaient les extrémités de formidables rapières. Parvenu à la carrière, Saint-Julien s’arrêta pour y entrer. Un homme se dressa soudain à son côté.

– Eh bien? demanda Saint-Julien à voix basse.

– L’homme est entré dans la carrière et il n’en est pas sorti. Maintenant il peut sortir… tout est prêt.

– Nous le tenons! gronda Saint-Julien dans une explosion de joie furieuse.

Il fit un signe aux quatre estafiers et, à grands pas, il se mit à grimper les flancs escarpés de la montagne.

Les quatre malandrins qui avaient des instructions préalables, suivirent l’homme qui venait de parler. Ils s’évanouirent, tous les cinq, comme par enchantement, terrés, tels de monstrueux cloportes, chacun dans un trou, aux alentours de l’entrée de la carrière.