L'patron de la ménagerie
Criait, éperdu: "Nom de nom!
C'est assommant car le gorille
N'a jamais connu de guenon!"
Dès que la féminine engeance
Sut que le singe était puceau,
Au lieu de profiter de la chance,
Elle fit feu des deux fuseaux!
Gare au gorille!…
Celles là même qui, naguère,
Le couvaient d'un œil décidé,
Fuirent, prouvant qu'elles n'avaient guère
De la suite dans les idées;
D'autant plus vaine était leur crainte,
Que le gorille est un luron
Supérieur à l'homme dans l'étreinte,
Bien des femmes vous le diront!
Gare au gorille!…
Tout le monde se précipite
Hors d'atteinte du singe en rut,
Sauf une vielle décrépite
Et un jeune juge en bois brut;
Voyant que toutes se dérobent,
Le quadrumane accéléra
Son dandinement vers les robes
De la vieille et du magistrat!
Gare au gorille!…
"Bah! soupirait la centenaire,
Qu'on puisse encore me désirer,
Ce serait extraordinaire,
Et, pour tout dire, inespéré!";
Le juge pensait, impassible,
"Qu'on me prenne pour une guenon,
C'est complètement impossible…"
La suite lui prouva que non!
Gare au gorille!…
Supposez que l'un de vous puisse être,
Comme le singe, obligé de
Violer un juge ou une ancêtre,
Lequel choisirait-il des deux?
Qu'une alternative pareille,
Un de ces quatres jours, m'échoie,
C'est, j'en suis convaincu, la vieille
Qui sera l'objet de mon choix!
Gare au gorille!…
Mais, par malheur, si le gorille
Aux jeux de l'amour vaut son prix,
On sait qu'en revanche il ne brille
Ni par le goût, ni par l'esprit.
Lors, au lieu d'opter pour la vieille,
Comme l'aurait fait n'importe qui,
Il saisit le juge à l'oreille
Et l'entraîna dans un maquis!
Gare au gorille!…
La suite serait délectable,
Malheureusement, je ne peux
Pas la dire, et c'est regrettable,
Ça nous aurait fait rire un peu;
Car le juge, au moment suprême,
Criait: "Maman!", pleurait beaucoup,
Comme l'homme auquel, le jour même,
Il avait fait trancher le cou.
Gare au gorille!…
Le lac Huron
Paroles et Musique: Francis Cabrel 1985 "Photos de voyages"
Je suis tombé au premier matin
Devant ma mère à genoux
On m'a fait boire le lait des chiens
Chauffé sur les cailloux
Encore aujourd'hui
Quand j'ai le sang qui bout
Quand je sens que monte l'orage
Je peux hurler jusqu'à ce que les loups
Viennent me lécher le visage
Je savais lire les marques du temps
Sur les écorces des arbres
Je savais compter les éclats de marbre
Sur la peau des serpents
Ma faisait des milliers, des millions d'années
Que c'était suffisant
Ils sont quand même venus chercher mes enfants
Pour leurs écoles fédérales
Ce soir je marche
Comme avant, nous marchions
Comme quand la lune était large
Au bord du lac, au bord du lac Huron
On m'a fait vivre pour d'autres règles
On m'a fait suivre d'autres lois
On m'a dit "petit le vent ne se lève pas
Sur les plumes des aigles"
Je ne sais plus reconnaître tes empreintes
Ni dessiner mes discours
J'pourrais même plus t'écrire des phrases d'amour
Sur ma figure peinte
Ce soir je marche
Comme avant, nous marchions
Comme quand la lune était large
Au bord du lac, au bord du lac Huron
Le monde a tourné trop vite
Il t'a emporté tout droit
T'as pas eu le temps de prendre
Tes racines avec toi
Le jour où tu trouveras que ton histoire
Est trop jeune
Y aura plus personne dans l'Indian Reservation
Indian
On a vu tomber aux pieds des visages pâles
Le dernier caribou
Pendant qu'épuisé, il rêvait debout
Contre les murs de toiles
Je ne sais même pas ce que peuvent en penser
Les grands manitous
Quand la nuit tombe, je perds mon chemin
Dans toutes ces étoiles
Toutes ces étoiles
Ce soir je marche
Comme avant, nous marchions
Comme quand la lune était large
Au bord du lac
Ce soir je marche
Comme avant, nous marchions
Comme quand la lune était large
Au bord du lac, au bord du lac Huron
Le monde est sourd
Paroles et Musique: Francis Cabrel 1999 "Hors-saison"
Pendant qu'on se promène
L'enfant pour cinq francs la semaine
Vient broder des survêts
Pour l'homme blanc qui golfe en voiturette
Sale temps sur la planète
Oh le drôle, le drôle de temps
Porter secours c'est défendu
Le monde autour est sourd, bien entendu
Chercheur contre nature
Truqueur, sur l'honneur qui jure
Faut pas que ça vous inquiète
J'ai bien connu l'animal mort dans votre assiette
Sale temps sur la planète
Oh le drôle, le drôle de temps
Porter secours c'est défendu
Le monde autour est sourd, bien entendu
Tricheur à la tribune
Menteur amassant la fortune
Grimpeur dans la tempête
Rien que des doses d'eau claire au fond de la musette
Sale temps sur la planète
Oh le drôle, le drôle de temps
Pas de témoin une fois de plus
Le monde autour est sourd, bien entendu
Cendrillon tombée d'un coin du Sahel
Perdue
Sur un bout de papier me lance un appel
Met dessus
Melle dit "c'est où exactement
C'est où exactement la Tour de Babel"
Monsieur sort de l'église
Heureux que les hommes fraternisent
Son fils qui lui fait la tête
Et lui qui court acheter le fusil et les fléchettes
Sale temps sur la planète
Oh le drôle, le drôle de temps
Porter secours c'est défendu
Le monde autour est sourd, bien entendu
Pendant qu'on se promène
L'enfant pour cinq francs la semaine
Chercheur contre nature
Bien caché derrière sa devanture
Tricheur à la tribune
Et nous, tous les applaudir
Comme la lune
Comme la lune…
Le noceur
Paroles et Musique: Francis Cabrel 1994 "Samedi soir sur la Terre "