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Vous qui passez là-bas,Sous cette tonnelle, entrez boire,Ah! Buvez, jeunes soldats,Le vin du père la victoire.Brillant, vermeil,Nectar sans pareil,Il remplit le coeur de vaillance.Buvez, enfants,Le vin de mes cent ans.
J'ai soupiré pour Madelon,Jeannette ou Marguerite.Mon regard flambait viteDès que je voyais un jupon,Un corsage fripon,Ou bien un mollet ferme et rond.Ma lèvre aimait se reposerSur un joli menton rose.C'est une bien douce choseQue le son clair que produit un baiser.Pourtant, malgré cela,Un seul bruit me pinçait là,Plan, rataplan, rataplan,C'était ce bruit-là mes enfants!
Certes je fus aimé,Bichonné par plus d'une belle.Ah corsage parfumé,Coeur frissonnant sous la dentelle!On m'adorait,Rien ne résistait.Maintenant adieu la conquête:C'est pour vous la fête…Buvez, enfants,Le vin de mes cent ans.
J'ai vu la guerre au bon vieux temps,Quand nous faisions campagne,Là-bas en Allemagne,A peine si j'avais vingt ans,Et ce petit ruban,J'ai dû le payer de mon sang,Pour mériter ce signe vévéré,Il fallait à la Patrie,Trente fois offrir sa vie.Oui c'est ainsi qu'on était décoré!Alors un sénateurN'eût pas vendu la croix d'honneur.Plan, rataplan, rataplan,L'étoile était au plus vaillant.
Quand je vois nos soldatsPasser joyeusement musique en tête,Ah je dis, marquant le pas:"Comme jadis la France est belle."Comme autrefois,Soldats, je revoisCarnot décrétant la victoire.Marchez à la gloire!Mes chers enfants,Revenez triomphants.

Le roi Renaud (Complainte du…)

XVe.

autres interprètes: Yvette Guilbert, Yves Montand (1955), Edith Piaf, Cora Vaucaire, Colette Renard, Armand Mestral, Pierre Bensusan

note: cf. bas de page

Le roi Renaud de guerre vinttenant ses tripes dans ses mains.Sa mère était sur le créneauQui vit venir son fils Renaud.
– Renaud, Renaud, réjouis-toi!Ta femme est accouché d'un roi!– Ni de ma femme ni de mon filsJe ne saurais me réjouir.
Allez ma mère, partez devant,Faites-moi faire un beau lit blanc.Guère de temps n'y resterai:A la minuit trépasserai.
Mais faites-le moi faire ici-basQue l'accouchée n'l'entende pas.Et quand ce vint sur la minuit,Le roi Renaud rendit l'esprit.
Il ne fut pas le matin jourQue les valets pleuraient tous.Il ne fut temps de déjeunerQue les servantes ont pleuré.
– Mais dites-moi, mère, m'amie,Que pleurent nos valets ici?– Ma fille, en baignant nos chevauxOnt laissé noyer le plus beau.
– Mais pourquoi, mère m'amie,Pour un cheval pleurer ainsi?Quand Renaud reviendra,Plus beau cheval ramènera.
Et dites-moi, mère m'amie,Que pleurent nos servantes ici?– Ma fille, en lavant nos linceulsOnt laissé aller le plus neuf.
Mais pourquoi, mère m'amie,Pour un linceul pleurer ainsi?Quand Renaud reviendra,Plus beau linceul on brodera.
Mais, dites-moi, mère m'amie,Que chantent les prêtres ici?– Ma fille c'est la processionQui fait le tour de la maison.
Or, quand ce fut pour relever,A la messe elle voulut aller,Et quand arriva le midi,Elle voulut mettre ses habits.
– Mais dites-moi, mère m'amie,Quel habit prendrai-je aujourd'hui?– Prenez le vert, prenez le gris,Prenez le noir pour mieux choisir.
– Mais dites-moi, mère m'amie,Qu'est-ce que ce noir-là signifie?– Femme qui relève d'enfant,Le noir lui est bien plus séant.
Quand elle fut dans l'église entrée,un cierge on lui a présenté.Aperçut en s'agenouillantLa terre fraîche sous son banc.
– Mais dites-moi, mère m'amie,Pourquoi la terre est rafraîchie?– Ma fille, ne puis plus vous le cacher,Renaud est mort et enterré.
– Renaud, Renaud, mon réconfort,Te voilà donc au rang des morts!Divin Renaud, mon réconfort,Te voilà donc au rang des morts!
Puisque le roi Renaud est mort,Voici les clefs de mon trésor.Prenez mes bagues et mes joyaux,Prenez bien soin du fils Renaud.
Terre, ouvre-toi, terre fends-toi,Que j'aille avec Renaud, mon roi!Terre s'ouvrit, terre se fendit,Et ci fut la belle engloutie