Vieille
Paroles: Jacques Brel. Musique: Jacques Brel
autres interprètes: Jacques Brel
C'est pour pouvoir enfin botter les fesses
A ces vieillards qui nous ont dit
Que nos vingt ans, que notre jeunesse
Étaient le plus beau temps de la vie
C'est pour pouvoir enfin botter le cœur
A ceux qui nous volent nos nuits
Ces maladroits qui n'ont que leur ardeur
Croulants qui n'ont que leur ennui
C'est pour cela, jeunes gens,
Qu'au fond de moi s'éveille
Le désir charmant
De devenir vieille
C'est pour pouvoir un jour enfin leur dire
A celles qui me jugent avec fureur
"Pauvres grognasses" c'est pour pouvoir vous dire
"Je vous pardonne votre laideur"
C'est pour pouvoir leur dire à ces matrones
Qui mille fois m'ont condamnée
"Comment voulez-vous que l'on vous pardonne
Vous qui n'avez même pas péché?"
C'est pour cela, jeunes gens,
Qu'au fond de moi s'éveille
Le désir charmant
De devenir vieille
C'est pour pouvoir, au jardin de mon cœur,
Ne soigner que mes souvenirs
Vienne le temps où femme peut s'attendrir
Et ne plus jalouser les fleurs
C'est pour pouvoir enfin chanter l'amour
Sur la cithare de la tendresse
Et pour qu'enfin on me fasse la cour
Pour d'autres causes que mes fesses
C'est pour cela, jeunes gens,
Qu'au fond de moi s'éveille
Le désir charmant
De devenir vieille
C'est pour pouvoir un jour oser lui dire
Que je n'ai bu qu'à sa santé
Que quand j'ai ri c'était de le voir rire
Que j'étais seule quand j'ai pleuré
C'est pour pouvoir enfin oser lui dire
Un soir, en filant de la laine
Qu'en le trompant mais ça, oserai-je le dire,
Je me suis bien trompée moi-même
C'est pour cela, jeunes gens,
Qu'au fond de moi s'éveille
Le désir charmant
De devenir vieille
Vieillir
Paroles: Jacques Brel. Musique: Jacques Brel, Gérard Jouannest 1977
note: de la comédie musicale "Vilebrequin"
Mourir en rougissant
Suivant la guerre qu'il fait
Du fait des Allemands
A cause des Anglais
Mourir baiseur intègre
Entre les seins d'une grosse
Contre les os d'une maigre
Dans un cul de basse-fosse
Mourir de frissonner
Mourir de se dissoudre
De se racrapoter
Mourir de se découdre
Ou terminer sa course
La nuit de ses cent ans
Vieillard tonitruant
Soulevé pas quelques femmes
Cloué à la Grande Ourse
Cracher sa dernière dent
En chantant "Amsterdam"
Mourir, cela n'est rien
Mourir, la belle affaire!
Mais vieillir… Oh! vieillir
Mourir, mourir de rire
C'est possiblement vrai
D'ailleurs la preuve en est
Qu'ils n'osent plus trop rire
Mourir de faire le pitre
Pour dérider l' désert
Mourir face au cancer
Par arrêt de l'arbitre
Mourir sous le manteau
Tellement anonyme
Tellement incognito
Que meurt un synonyme
Ou terminer sa course
La nuit de ses cent ans
Vieillard tonitruant
Soulevé par quelques femmes
Cloué à la Grande Ourse
Cracher sa dernière dent
En chantant "Amsterdam"
Mourir, cela n'est rien
Mourir, la belle affaire!
Mais vieillir… Oh! vieillir
Mourir couvert d'honneur
Et ruisselant d'argent
Asphyxié sous les fleurs
Mourir en monument
Mourir au bout d'une blonde
Là où rien ne se passe
Où le temps nous dépasse
Où le lit tombe en tombe
Mourir insignifiant
Au fond d'une tisane
Entre un médicament
Et un fruit qui se fane
Ou terminer sa course
La nuit de ses mille ans
Vieillard tonitruant
Soulevé par quelques femmes
Cloué à la Grande Ourse
Cracher sa dernière dent
En chantant "Amsterdam"
Mourir, cela n'est rien
Mourir, la belle affaire!
Mais vieillir… Oh! vieillir
Vivre debout
Paroles et Musique: Jacques Brel 1961
Voilà que l'on se cache
Quand se lève le vent
De peur qu'il ne nous pousse
Vers des combats trop rudes
Voilà que l'on se cache
Dans chaque amour naissant
Qui nous dit après l'autre
Je suis la certitude
Voilà que l'on se cache
Que notre ombre un instant
Pour mieux fuir l'inquiétude
Soit l'ombre d'un enfant
L'ombre des habitudes
Qu'on a plantées en nous
Quand nous avions vingt ans
Serait-il impossible de vivre debout
Voilà qu'on s'agenouille
D'être à moitié tombé
Sous l'incroyable poids
De nos croix illusoires
Voilà qu'on s'agenouille
Et déjà retombé
Pour avoir été grand
L'espace d'un miroir
Voilà qu'on s'agenouille
Alors que notre espoir
Se réduit à prier
Alors qu'il est trop tard
Qu'on ne peut plus gagner
A tous ces rendez-vous
Que nous avons manqués
Serait-il impossible de vivre debout
Voilà que l'on se couche
Pour la moindre amourette
Pour la moindre fleurette
A qui l'on dit toujours
Voilà que l'on se couche
Pour mieux perdre la tête
Pour mieux brûler l'ennui
A des reflets d'amour
Voilà que l'on se couche
De l'envie qui s'arrête
De prolonger le jour
Pour mieux faire notre cour
A la mort qui s'apprête
Pour être jusqu'au bout
Notre propre défaite
Serait-il impossible de vivre debout
Voici
Paroles: Jacques Brel. Musique: Jacques Brel, François Rauber 1958
Voici
Qu'un ciel penche ses nuages
Sur ces chemins d'Italie
Pour amoureux sans bagages
Voici