Des coteaux en ribambelles
Pour enrubanner nos vies
De vins clairs de fleurs nouvelles
Voici
Des cloches sonnant la fête
Des fêtes pour que l'on rie
Des rires que rien n'arrête
Voici
Des amours en robe blanche
Moitié fleur et moitié fruit
Que nous jalousent les anges
Voici
Des échos qui font la chaîne
Pur porter à l'infini
Nos "toujours" et nos "je t'aime"
Voici
Des promesse de Saint-Jean
De Saint-Jean qui durent la vie
Des vies qu'épargne le temps
Voici
Certains sourires de nos pères
Que l'on recherche la nuit
Pour mieux calmer sa colère
Voici
Qu'au carrefour des amitiés
La douleur s'évanouit
Broyée par nos mains serrées
Voici
Qu'en nos faubourgs délavés
Des prêtres en litanies
Sont devenus ouvriers
Voici
Des mains ridées de courage
Qui caressent l'établi
D'où jaillit la belle ouvrage
Voici
Ces fleurs poussant en pagaille
Entre nous et l'ennemi
Pour empêcher la bataille
Voici
Voir
Paroles et Musique: Jacques Brel 1958
autres interprètes: Isabelle Aubret (1975)
Voir la rivière gelée
Vouloir être un printemps
Voir la terre brûlée
Et semer en chantant
Voir que l'on a vingt ans
Vouloir les consumer
Voir passer un croquant
Et tenter de l'aimer
Voir une barricade
Et la vouloir défendre
Voir périr l'embuscade
Et puis ne pas se rendre
Voir le gris des faubourgs
Vouloir être Renoir
Voir l'ennemi de toujours
Et fermer sa mémoire
Voir que l'on va vieillir
Et vouloir commencer
Voir un amour fleurir
Et s'y vouloir brûler
Voir la peur inutile
La laisser aux crapauds
Voir que l'on est fragile
Et chanter à nouveau
Voilà ce que je vois
Voilà ce que je veux
Depuis que je te vois
Depuis que je te veux
Voir un ami pleurer
Paroles et Musique: F. Rauber, Jacques Brel 1977
autres interprètes: Juliette Greco (1977), Pierre Bachelet (2003)
note: de la comédie musicale "Vilebrequin"
Bien sûr, il y a les guerres d'Irlande
Et les peuplades sans musique
Bien sûr, tout ce manque de tendre
Et il n'y a plus d'Amérique
Bien sûr, l'argent n'a pas d'odeur
Mais pas d'odeur vous monte au nez
Bien sûr, on marche sur les fleurs
Mais, mais voir un ami pleurer!
Bien sûr, il y a nos défaites
Et puis la mort qui est tout au bout
Nos corps inclinent déjà la tête
Étonnés d'être encore debout
Bien sûr, les femmes infidèles
Et les oiseaux assassinés
Bien sûr, nos cœurs perdent leurs ailes
Mais, mais voir un ami pleurer!
Bien sûr, ces villes épuisées
Par ces enfants de cinquante ans
Notre impuissance à les aider
Et nos amours qui ont mal aux dents
Bien sûr, le temps qui va trop vite
Ces métro remplis de noyés
La vérité qui nous évite
Mais, mais voir un ami pleurer!
Bien sûr, nos miroirs sont intègres
Ni le courage d'être juif
Ni l'élégance d'être nègre
On se croit mèche, on n'est que suif
Et tous ces hommes qui sont nos frères
Tellement qu'on n'est plus étonné
Que, par amour, ils nous lacèrent
Mais, mais voir un ami pleurer!
Zangra
Paroles et Musique: Jacques Brel 1962
note: inspiré du personnage de Drogo dans "Le désert des Tartares", roman de Dino Buzzati
Je m'appelle Zangra et je suis lieutenant
Au fort de Belonzio qui domine la plaine
D'où l'ennemi viendra qui me fera héros
En attendant ce jour, je m'ennuie quelquefois
Alors, je vais au bourg voir les filles en troupeaux
Mais elles rêvent d'amour et moi de mes chevaux
Je m'appelle Zangra et déjà capitaine
Au fort de Belonzio qui domine la plaine
D'où l'ennemi viendra qui me fera héros
En attendant ce jour, je m'ennuie quelquefois
Alors, je vais au bourg voir la jeune Consuelo
Mais elle parle d'amour et moi de mes chevaux
Je m'appelle Zangra, maintenant commandant
Au fort de Belonzio qui domine la plaine
D'où l'ennemi viendra qui me fera héros
En attendant ce jour, je m'ennuie quelquefois
Alors, je vais au bourg, boire avec Don Pedro
Il boit à mes amours et moi à ses chevaux
Je m'appelle Zangra, je suis vieux colonel
Au fort de Belonzio qui domine la plaine
D'où l'ennemi viendra qui me fera héros
En attendant ce jour, je m'ennuie quelquefois
Alors, je vais au bourg, voir la veuve de Pedro
Je parle enfin d'amour mais elle de mes chevaux
Je m'appelle Zangra, hier trop vieux général
J'ai quitté Belonzio qui domine la plaine
Et l'ennemi est là, je ne serai pas héros