J'ai perdu la tramontane
En perdant Margot
Qui épousa, contre son âme
Un triste bigot
Elle doit avoir à l'heure
A l'heure qu'il est
Deux ou trois marmots qui pleurent
Pour avoir leur lait
Et, moi, j'ai tété leur mère
Longtemps avant eux
Le Bon Dieu me le pardonne
J'étais amoureux!
Qu'il me pardonne ou non
D'ailleurs, je m'en fous
J'ai déjà mon âme en peine
Je suis un voyou
Jean rentre au village
Paroles: Georges Brassens. Musique: Georges Brassens 1957
Jean rentre au village
Son père chercher,
Le cherche trois heures,
Où s'est-il caché?
Mais un brave cœur lui dit:
Ton papa, pauvre petit,
Il est en hospice,
Le bon Dieu n'est pas gentil.
Jean va-t-en hospice
Son père chercher.
Le cherche trois heures,
Où s'est-il caché?
Mais un brave cœur lui dit
Ton papa pauvre petit
L'est déjà-t-en morgue,
Le bon Dieu n'est pas gentil.
Jean s'en va-t-en morgue
Son père chercher,
Le cherche trois heures,
Où s'est-il caché?
Mais un brave cœur lui dit
Ton papa, pauvre petit,
L'est déjà-t-en bière,
Le bon Dieu n'est pas gentil.
Jean s'en va-t-en bière
Son père chercher,
Le cherche trois heures,
Où s'est-il caché?
Mais un brave cœur lui dit
Ton papa, pauvre petit,
L'est déjà-t-en route,
Le bon Dieu n'est pas gentil.
Jean s'en va-t-en route
Son père chercher,
Le cherche trois heures,
Où s'est-il caché?
Mais un brave cœur lui dit
Ton papa, pauvre petit,
L'est déjà-t-en terre,
Le bon Dieu n'est pas gentil.
Jean s'en va-t-en terre
Son père chercher,
Le cherche trois heures,
Où s'est-il caché?
Mais un brave cœur lui dit
Ton papa, pauvre petit,
L'est déjà-t-en cendres,
Le bon Dieu n'est pas gentil.
Jeanne
Paroles et Musique: Georges Brassens 1962
Chez Jeanne, la Jeanne
Son auberge est ouverte aux gens sans feu ni lieu
On pourrait l'appeler l'auberge de Bon Dieu
S'il n'en existait déjà une
La dernière où l'on peut entrer
Sans frapper, sans montrer patte blanche
Chez Jeanne, la Jeanne
On est n'importe qui, on vient n'importe quand
Et, comme par miracle, par enchantement
On fait partie de la famille
Dans son cœur, en s'poussant un peu
Reste encore une petite place
La Jeanne, la Jeanne
Elle est pauvre et sa table est souvent mal servie
Mais le peu qu'on y trouve assouvit pour la vie
Par la façon qu'elle le donne
Son pain ressemble à du gâteau
Et son eau à du vin comme deux gouttes d'eau
La Jeanne, la Jeanne
On la paie quand on peut des prix mirobolants
Un baiser sur son front ou sur ses cheveux blancs
Un semblant d'accord de guitare
L'adresse d'un chat échaudé
Ou d'un chien tout crotté comm' pourboire
La Jeanne, la Jeanne
Dans ses ros's et ses choux n'a pas trouvé d'enfant
Qu'on aime et qu'on défend contre les quatre vents
Et qu'on accroche à son corsage
Et qu'on arrose avec son lait
D'autres qu'elle en seraient tout's chagrines
Mais Jeanne, la Jeanne
Ne s'en soucie pas plus que de colin-tampon
Etre mère de trois poulpiquets, à quoi bon
Quand elle est mère universelle
Quand tous les enfants de la terre
De la mer et du ciel sont à elle
Jeanne Martin
Paroles et Musique: Georges Brassens 1985
La petite presqu'île
Où jadis, bien tranquille,
Moi je suis né natif,
Soit dit sans couillonnade
Avait le nom d'un ad-
jectif démonstratif.
Moi, personnellement
Que je meur' si je mens
Ça m'était bien égal;
J'étais pas chatouillé,
J'étais pas humilié
Dans mon honneur local.
Mais voyant d' l'infamie
Dans cette homonymie,
Des bougres s'en sont plaints
Tellement que bientôt
On a changé l'ortho-
graph' du nom du pat'lin.
Et j'eus ma première tristesse d'Olympio,
Déférence gardée envers le père Hugo.
Si faire se peut
Attendez un peu,
Messieurs les édiles,
Que l'on soit passé
Pour débaptiser
Nos petites villes.
La chère vieille rue
Où mon père avait cru
On ne peut plus propice
D'aller construire sa
Petite maison s'a-
ppelait rue de l'Hospice.
Se mettre en quête d'un
Nom d' rue plus opportun
Ne se concevait pas.
On n' pouvait trouver mieux
Vu qu'un asile de vieux
Florissait dans le bas.
Les anciens combattants,
Tous comme un seul, sortant
De leurs vieux trous d'obus,
Firent tant qu'à la fin
La rue d' l'Hospic' devint
La rue Henri Barbusse.
Et j'eus ma deuxième tristesse d'Olympio,
Déférence gardée envers le père Hugo.
Si faire se peut
Attendez un peu,
Héros incongrus,
Que l'on soit passé
Pour débaptiser
Nos petites rues.
Moi, la première à qui
Mon cœur fut tout acquis
S'app'lait Jeanne Martin,
Patronyme qui fait
Pas tellement d'effet
Dans le bottin mondain.
Mais moi j'aimais comme un
Fou ce nom si commun,
N'en déplaise aux minus.
D'ailleurs, de parti pris,
Celle que je chéris,
S'appell' toujours Vénus.
Hélas un béotien
A la place du sien
Lui proposa son blase
Fameux dans l'épicerie
Et cette renchérie
Refusa pas, hélas!
Et j'eus ma troisième tristesse d'Olympio,
Déférence gardée envers le père Hugo.