Bien sûr, autour du front, la couronne d'épines,
L'éponge trempée dans Dieu sait quelle bibine,
Et les clous enfoncés dans les pieds et les mains,
C'est très inconfortable et ça vous tarabuste,
Même si l'on est brave et si l'on est robuste,
Et si le paradis est au bout du chemin.
Bien sûr, mais il devait défendre son prestige,
Car il était le fils du ciel, l'enfant prodige,
Il était le Messie et ne l'ignorait pas.
Entre son père et lui, c'était l'accord tacite:
Tu montes sur la croix et je te ressuscite!
On meurt de confiance avec un tel papa.
Il a donné sa vie sans doute mais son zèle
Avait une portée quasi universelle
Qui rendait le supplice un peu moins douloureux.
Il savait que, dans chaque église, il serait tête
D'affiche et qu'il aurait son portrait en vedette,
Entouré des élus, des saints, des bienheureux.
En se sacrifiant, il sauvait tous les hommes.
Du moins le croyait-il! Au point où nous en sommes,
On peut considérer qu'il s'est fichu dedans.
Le jeu, si j'ose dire, en valait la chandelle.
Bon nombre de chrétiens et même d'infidèles,
Pour un but aussi noble, en feraient tout autant.
Cela dit je ne suis pas l'Antéchrist de service.
L'arc-en-ciel d'un quart d'heure
Paroles: Georges Brassens
Cet arc-en-ciel qui nous étonne,
Quand il se lève après la pluie,
S'il insiste, il fait monotone
Et l'on se détourne de lui.
L'adage a raison: la meilleure
Chose en traînant se dévalue.
L'arc-en-ciel qui dure un quart d'heure
Personne ne l'admire plus.
L'arc-en-ciel qui dure un quart d'heure
Est superflu.
Celui que l'aura populaire
Avait mis au gouvernail quand
Il fallait sauver la galère
En détresse dans l'ouragan,
Passé péril en la demeure,
Ne fut même pas réélu.
L'arc-en-ciel qui dure un quart d'heure
Personne ne l'admire plus.
L'arc-en-ciel qui dure un quart d'heure
Est superflu.
Cette adorable créature
Me répétait: "je t'aime tant
Qu'à ta mort, sur ta sépulture,
Je me brûle vive à l'instant!"
A mon décès, l'ordonnateur(e)
Des pompes funèbres lui plut.
L'arc-en-ciel qui dure un quart d'heure
Personne ne l'admire plus.
L'arc-en-ciel qui dure un quart d'heure
Est superflu.
Ce cabotin naguère illustre,
Et que la foule applaudissait
A tout rompre durant trois lustres,
Nul à présent ne sait qui c'est;
Aucune lueur ne demeure
De son étoile révolue.
L'arc-en-ciel qui dure un quart d'heure
Personne ne l'admire plus.
L'arc-en-ciel qui dure un quart d'heure
Est superflu.
L'assassinat
Paroles et Musique: Georges Brassens 1962
C'est pas seulement à Paris
Que le crime fleurit
Nous, au village, aussi, l'on a
De beaux assassinats
Il avait la tête chenue
Et le cœur ingénu
Il eut un retour de printemps
Pour une de vingt ans
Mais la chair fraîch', la tendre chair
Mon vieux, ça coûte cher
Au bout de cinq à six baisers
Son or fut épuisé
Quand sa menotte elle a tendue
Triste, il a répondu
Qu'il était pauvre comme Job
Elle a remis sa rob'
Elle alla quérir son coquin
Qu'avait l'appât du gain
Sont revenus chez le grigou
Faire un bien mauvais coup
Et pendant qu'il le lui tenait
Elle l'assassinait
On dit que, quand il expira
La langue ell' lui montra
Mirent tout sens dessus dessous
Trouvèrent pas un sou
Mais des lettres de créanciers
Mais des saisies d'huissiers
Alors, prise d'un vrai remords
Elle eut chagrin du mort
Et, sur lui, tombant à genoux,
Ell' dit: " Pardonne-nous! "
Quand les gendarm's sont arrivés
En pleurs ils l'ont trouvée
C'est une larme au fond des yeux
Qui lui valut les cieux
Et le matin qu'on la pendit
Ell' fut en paradis
Certains dévots, depuis ce temps
Sont un peu mécontents
C'est pas seulement à Paris
Que le crime fleurit
Nous, au village, aussi, l'on a
De beaux assassinats
L'enterrement de Paul Fort
Paroles: Georges Brassens
Tous les oiseaux étaient dehors
Et toutes les plantes aussi.
Le petit cheval n'est pas mort
Dans le mauvais temps, Dieu merci.
Le bon soleil criait si fort:
Il fait beau, qu'on était ravis.
Moi, l'enterrement de Paul Fort,
Fut le plus beau jour de ma vie.
On comptait bien quelques pécores,
Quelques dindes à Montlhéry,
Quelques méchants, que sais-je encore:
Des moches, des mauvais esprits,
Mais qu'importe? Après tout; les morts
Sont à tout le monde. Tant pis,
Moi, l'enterrement de Paul Fort,
Fut le plus beau jours de ma vie.
Le curé allait un peu fort
De Requiem à mon avis.
Longuement penché sur le corps,
Il tirait l'âme à son profit,
Comme s'il fallait un passeport
Aux poètes pour le paradis.
S'il fallait à Dieu du renfort
Pour reconnaître ses amis.
Tous derrière en gardes du corps
Et lui devant, on a suivi.
Le petit cheval n'est pas mort
Comme un chien je le certifie.
Tous les oiseaux étaient dehors
Et toutes les plantes aussi.
Moi, l'enterrement de Paul Fort,
Fut le plus beau jour de ma vie.
L'enterrement de Verlaine
Paroles: Georges Brassens
Le revois-tu mon âme, ce Boul' Mich' d'autrefois
Et dont le plus beau jour fut un jour de beau froid:
Dieu: s'ouvrit-il jamais une voie aussi pure
Au convoi d'un grand mort suivi de miniatures?
Tous les grognards – petits – de Verlaine étaient là,
Toussotant, Frissonnant, Glissant sur le verglas,
Mais qui suivaient ce mort et la désespérance,
Morte enfin, du Premier Rossignol de la France.
Ou plutôt du second (François de Montcorbier,
Voici belle lurette en fut le vrai premier)
N'importe! Lélian, je vous suivrai toujours!
Premier? Second? vous seul. En ce plus froid des jours.