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N'importe! Je suivrai toujours, l'âme enivrée Ah! Folle d'une espérance désespérée Montesquiou-Fezensac et Bibi-la-Purée Vos deux gardes du corps, – entre tous moi dernier.

L'épave

Paroles et Musique: Georges Brassens 1966

J'en appelle à Bacchus! A Bacchus j'en appelle! Le tavernier du coin vient d'me la bailler belle. De son établiss'ment j'étais l'meilleur pilier. Quand j'eus bu tous mes sous, il me mit à la porte En disant: " Les poivrots, le diable les emporte! " Ça n'fait rien, il y a des bistrots bien singuliers…
Un certain va-nu-pieds qui passe et me trouve ivre Mort, croyant tout de bon que j'ai cessé de vivre (Vous auriez fait pareil), s'en prit à mes souliers. Pauvre homme! vu l'état piteux de mes godasses, Je dout' qu'il trouve avec son chemin de Damas-se. Ça n'fait rien, il y a des passants bien singuliers…
Un étudiant miteux s'en prit à ma liquette Qui, à la faveur d'la nuit lui avait paru coquette, Mais en plein jour ses yeux ont dû se dessiller. Je l'plains de tout mon cœur, pauvre enfant, s'il l'a mise, Vu que, d'un homme heureux, c'était loin d'êtr' la ch'mise. Ça n'fait rien, y a des étudiants bien singuliers…
La femm' d'un ouvrier s'en prit à ma culotte. " Pas ça, madam', pas ça, mille et un coups de bottes Ont tant usé le fond que, si vous essayiez D'la mettre à votr' mari, bientôt, je vous en fiche Mon billet, il aurait du verglas sur les miches. " Ça n'fait rien, il y a des ménages bien singuliers…
Et j'étais là, tout nu, sur le bord du trottoir-e Exhibant, malgré moi, mes humbles génitoires. Une petit' vertu rentrant de travailler, Elle qui, chaque soir, en voyait un' douzaine, Courut dire aux agents: " J'ai vu que'qu' chos' d'obscène! " Ça n'fait rien, il y a des tapins bien singuliers…
Le r'présentant d'la loi vint, d'un pas débonnaire. Sitôt qu'il m'aperçut il s'écria: " Tonnerre! On est en plein hiver et si vous vous geliez! " Et de peur que j'n'attrape une fluxion d'poitrine, Le bougre, il me couvrit avec sa pèlerine. Ça n'fait rien, il y a des flics bien singuliers…
Et depuis ce jour-là, moi, le fier, le bravache, Moi, dont le cri de guerr' fut toujours " Mort aux vaches! " Plus une seule fois je n'ai pu le brailler. J'essaye bien encor, mais ma langue honteuse Retombe lourdement dans ma bouche pâteuse. Ça n'fait rien, nous vivons un temps bien singulier…

L'inestimable sceau

Paroles: Georges Brassens

M'amie, en ce temps-là, chaque année au mois d'août, Se campait sur la grève, et ça m'était très doux D'ainsi la voir en place. Dans cette position, pour se désennuyer, Sans jamais une erreur, ell' comptait les noyés En suçant de la glace.
Ses aimables rondeurs avaient fait à la fin Un joli petit trou parmi le sable fin, Une niche idéale. Quand je voulais partir, elle entrait en courroux, En disant: "C'est trop tôt, j'ai pas fini mon trou; C'est pas le trou des Halles."
Près d'elle, un jour, passa superbe un ange blond, Un bellâtre, un belître au torse d'Apollon, Une espèce d'athlète. Comme mue d'un ressort, dressée sur son séant, Elle partit avec cet homme de néant, Costaud de la Villette.
La volage, en volant vers ce nouveau bonheur, Me fit un pied de nez doublé d'un bras d'honneur, Adorable pimbêche! J'hésite à simuler ce geste: il est trop bas. On vous l'a souvent fait, d'ailleurs je ne peux pas La guitare m'empêche!
J'eus beau la supplier: "De grâce, ma Nini, Rassieds-toi, rassieds-toi: ton trou n'est pas fini." D'une voix sans réplique, "Je m'en fous" cria-t-elle "Et puisqu'il te plaît tant, C'est l'instant ou jamais de t'enfouir dedans: T'as bien fait " La Supplique "!"
Et je retournai voir, morfondu de chagrin, La trace laissée par la chute de ses reins, Par ses parties dodues. J'ai cherché, recherché, fébrile jusqu'au soir, L'endroit où elle avait coutume de s'asseoir, Ce fut peine perdue.
La vague indifférente hélas avait roulé, Avait fait plage rase, avait annihilé L'empreinte de ses sphères. Si j'avais retrouvé l'inestimable sceau, Je l'aurais emporté, grain par grain, seau par seau, Mais m'eût-on laissé faire?

L'orage

Paroles et Musique: Georges Brassens 1960

Parlez-moi de la pluie et non pas du beau temps Le beau temps me dégoute et m'fait grincer les dents Le bel azur me met en rage Car le plus grand amour qui m'fut donné sur terr' Je l'dois au mauvais temps, je l'dois à Jupiter Il me tomba d'un ciel d'orage
Par un soir de novembre, à cheval sur les toits Un vrai tonnerr' de Brest, avec des cris d'putois Allumait ses feux d'artifice Bondissant de sa couche en costume de nuit Ma voisine affolée vint cogner à mon huis En réclamant mes bons offices
" Je suis seule et j'ai peur, ouvrez-moi, par pitié Mon époux vient d'partir faire son dur métier Pauvre malheureux mercenaire Contraint d'coucher dehors quand il fait mauvais temps Pour la bonne raison qu'il est représentant D'un' maison de paratonnerres "
En bénissant le nom de Benjamin Franklin Je l'ai mise en lieu sûr entre mes bras câlins Et puis l'amour a fait le reste Toi qui sèmes des paratonnerr's à foison Que n'en as-tu planté sur ta propre maison Erreur on ne peut plus funeste
Quand Jupiter alla se faire entendre ailleurs La belle, ayant enfin conjuré sa frayeur Et recouvré tout son courage Rentra dans ses foyers fair' sécher son mari En m'donnant rendez-vous les jours d'intempérie Rendez-vous au prochain orage
A partir de ce jour j'n'ai plus baissé les yeux J'ai consacré mon temps à contempler les cieux A regarder passer les nues A guetter les stratus, à lorgner les nimbus A faire les yeux doux aux moindres cumulus Mais elle n'est pas revenue