Son bonhomm' de mari avait tant fait d'affair's
Tant vendu ce soir-là de petits bouts de fer
Qu'il était dev'nu millionnaire
Et l'avait emmenée vers des cieux toujours bleus
Des pays imbécil's où jamais il ne pleut
Où l'on ne sait rien du tonnerre
Dieu fass' que ma complainte aille, tambour battant
Lui parler de la pluie, lui parler du gros temps
Auxquels on a t'nu tête ensemble
Lui conter qu'un certain coup de foudre assassin
Dans le mill' de mon cœur a laissé le dessin
D'un' petit' fleur qui lui ressemble
L'orphelin
Paroles et Musique: Georges Brassens 1985
Sauf dans le cas fréquent, hélas!
Où ce sont de vrais dégueulasses,
On ne devrait perdre jamais
Ses père et mère, bien sûr, mais
A moins d'être un petit malin
Qui meurt avant d'être orphelin,
Ou un infortuné bâtard,
Ça nous pend au nez tôt ou tard.
Quand se drapant dans un linceul
Ses parents le laissent tout seul,
Le petit orphelin, ma foi,
Est bien à plaindre. Toutefois,
Sans aller jusqu'à décréter
Qu'il devient un enfant gâté,
Disons que dans son affliction
Il trouve des compensations.
D'abord au dessert aussitôt
La meilleure part du gâteau,
Et puis plus d'école, pardi
La semaine aux quatre-jeudis.
On le traite comme un pacha,
A sa place on fouette le chat,
Et le trouvant très chic en deuil,
Les filles lui font des clins d'œil.
Il serait par trop saugrenu
D'énumérer par le menu
Les faveurs et les passe-droits
Qu'en l'occurrence on lui octroie.
Tirant même un tel bénéfice
En perdant leurs parents, des fils
Dénaturés regrettent de
N'en avoir à perdre que deux.
Hier j'ai dit à un animal
De flic qui me voulait du maclass="underline"
Je suis orphelin, savez-vous?
Il me répondit: je m'en fous.
J'aurais eu quarante ans de moins
Je suis sûr que par les témoins
La brute aurait été mouchée.
Mais ces lâches n'ont pas bougé.
Aussi mon enfant si tu dois
Etre orphelin, dépêche-toi.
Tant qu'à perdre tes chers parents,
Petit, n'attends pas d'être grand:
L'orphelin d'âge canonique
Personne ne le plaint: bernique!
Et pour tout le monde il demeure
Orphelin de la onzième heure.
Celui qui a fait cette chanson
A voulu dire à sa façon,
Que la perte des vieux est par-
Fois perte sèche, blague à part.
Avec l'âge c'est bien normal,
Les plaies du cœur guérissent mal.
Souventes fois même, salut!
Elles ne se referment plus.
La ballade des cimetières
Paroles: Georges Brassens. Musique: Georges Brassens 1961
J'ai des tombeaux en abondance
Des sépultur's à discrétion
Dans tout cim'tièr' d'quelque importance
J'ai ma petite concession
De l'humble tertre au mausolée
Avec toujours quelqu'un dedans
J'ai des p'tit's boss's plein les allées
Et je suis triste, cependant…
Car je n'en ai pas, et ça m'agace
Et ça défrise mon blason
Au cimetièr' du Montparnasse
A quatre pas de ma maison
J'en possède au Père-Lachaise
A Bagneux, à Thiais, à Pantin
Et jusque, ne vous en déplaise
Au fond du cimetièr' marin
A la vill' comme à la campagne
Partout où l'on peut faire un trou
J'ai mêm' des tombeaux en Espagne
Qu'on me jalouse peu ou prou…
Mais j'n'en ai pas la moindre trace
Le plus humble petit soupçon
Au cimetièr' du Montparnasse
A quatre pas de ma maison
Le jour des morts, je cours, je vole
Je vais infatigablement
De nécropole en nécropole
De pierr' tombale en monument
On m'entrevoit sous un' couronne
D'immortelles à Champerret
Un peu plus tard, c'est à Charonne
Qu'on m'aperçoit sous un cyprès…
Mais, seul, un fourbe aura l'audace
De dir': "J'l'ai vu à l'horizon
Du cimetièr' du Montparnasse
A quatre pas de sa maison"
Devant l'château d'ma grand-tante
La marquise de Carabas
Ma saint' famille languit d'attente
"Mourra-t-ell', mourra-t-elle pas?"
L'un veut son or, l'autre veut ses meubles
Qui ses bijoux, qui ses bib'lots
Qui ses forêts, qui ses immeubles
Qui ses tapis, qui ses tableaux…
Moi je n'implore qu'une grâce
C'est qu'ell' pass' la morte-saison
Au cimetièr' du Montparnasse
A quatre pas de ma maison
Ainsi chantait, la mort dans l'âme
Un jeune homm' de bonne tenue
En train de ranimer la flamme
Du soldat qui lui était connu
Or, il advint qu'le ciel eut marr' de
L'entendre parler d'ses caveaux
Et Dieu fit signe à la camarde
De l'expédier rue Froidevaux…
Mais les croqu'-morts, qui étaient de Chartres
Funeste erreur de livraison
Menèr'nt sa dépouille à Montmartre
De l'autr' côté de sa maison
La ballade des gens qui sont nés quelque part
Paroles et Musique: Georges Brassens 1972
C'est vrai qu'ils sont plaisants tous ces petits villages
Tous ces bourgs, ces hameaux, ces lieux-dits, ces cités
Avec leurs châteaux forts, leurs églises, leurs plages
Ils n'ont qu'un seul point faible et c'est être habités
Et c'est être habités par des gens qui regardent
Le reste avec mépris du haut de leurs remparts
La race des chauvins, des porteurs de cocardes
Les imbéciles heureux qui sont nés quelque part
Les imbéciles heureux qui sont nés quelque part
Maudits soient ces enfants de leur mère patrie
Empalés une fois pour toutes sur leur clocher
Qui vous montrent leurs tours leurs musées leur mairie
Vous font voir du pays natal jusqu'à loucher
Qu'ils sortent de Paris ou de Rome ou de Sète
Ou du diable vauvert ou bien de Zanzibar
Ou même de Montcuq il s'en flattent mazette
Les imbéciles heureux qui sont nés quelque part
Les imbéciles heureux qui sont nés quelque part
Le sable dans lequel douillettes leurs autruches
Enfouissent la tête on trouve pas plus fin
Quand à l'air qu'ils emploient pour gonfler leurs baudruches
Leurs bulles de savon c'est du souffle divin
Et petit à petit les voilà qui se montent
Le cou jusqu'à penser que le crottin fait par
Leurs chevaux même en bois rend jaloux tout le monde
Les imbéciles heureux qui sont nés quelque part
Les imbéciles heureux qui sont nés quelque part