Je sais que les guerriers de Sparte
Plantaient pas leurs epées dans l'eau
Que les grognards de Bonaparte
Tiraient pas leur poudre aux moineaux
Leurs faits d'armes sont légendaires
Au garde-à-vous, je les félicite
Mais, mon colon, celle que j'préfère
C'est la guerr' de quatorz'-dix-huit
Bien sûr, celle de l'an quarante
Ne m'as pas tout à fait déçu
Elle fut longue et massacrante
Et je ne crache pas dessus
Mais à mon sens, elle ne vaut guère
Guèr' plus qu'un premier accessit
Moi, mon colon, celle que j' préfère
C'est la guerr' de quatorz'-dix-huit
Mon but n'est pas de chercher noise
Au guérillas, non, fichtre, non
Guerres saintes, guerres sournoises
Qui n'osent pas dire leur nom,
Chacune a quelque chos' pour plaire
Chacune a son petit mérite
Mais, mon colon, celle que j'préfère
C'est la guerr' de quatorz'-dix-huit
Du fond de son sac à malices
Mars va sans doute, à l'occasion,
En sortir une, un vrai délice
Qui me fera grosse impression
En attendant je persévère
A dir' que ma guerr' favorite
Cell', mon colon, que j'voudrais faire
C'est la guerr' de quatorz'-dix-huit
La légende de la nonne
Paroles: poème de Victor Hugo. Musique: Georges Brassens 1956
Venez, vous dont l'œil étincelle
Pour entendre une histoire encor
Approchez: je vous dirai celle
De doña Padilla del Flor
Elle était d'Alanje, où s'entassent
Les collines et les halliers
Enfants, voici des bœufs qui passent
Cachez vos rouges tabliers
Il est des filles à Grenade
Il en est à Séville aussi
Qui, pour la moindre sérénade
A l'amour demandent merci
Il en est que parfois embrassent
Le soir, de hardis cavaliers
Enfants, voici des bœufs qui passent
Cachez vos rouges tabliers
Ce n'est pas sur ce ton frivole
Qu'il faut parler de Padilla
Car jamais prunelle espagnole
D'un feu plus chaste ne brilla
Elle fuyait ceux qui pourchassent
Les filles sous les peupliers
Enfants, voici des bœufs qui passent
Cachez vos rouges tabliers
Elle prit le voile à Tolède
Au grand soupir des gens du lieu
Comme si, quand on n'est pas laide
On avait droit d'épouser Dieu
Peu s'en fallut que ne pleurassent
Les soudards et les écoliers
Enfants, voici des bœufs qui passent
Cachez vos rouges tabliers
Or, la belle à peine cloîtrée
Amour en son cœur s'installa
Un fier brigand de la contrée
Vint alors et dit: "Me voilà!"
Quelquefois les brigands surpassent
En audace les chevaliers
Enfants, voici des bœufs qui passent
Cachez vos rouges tabliers
Il était laid: les traits austères
La main plus rude que le gant
Mais l'amour a bien des mystères
Et la nonne aima le brigand
On voit des biches qui remplacent
Leurs beaux cerfs par des sangliers
Enfants, voici des bœufs qui passent
Cachez vos rouges tabliers
La nonne osa, dit la chronique
Au brigand par l'enfer conduit
Aux pieds de Sainte Véronique
Donner un rendez-vous la nuit
A l'heure où les corbeaux croassent
Volant dans l'ombre par milliers
Enfants, voici des bœufs qui passent
Cachez vos rouges tabliers
Or quand, dans la nef descendue
La nonne appela le bandit
Au lieu de la voix attendue
C'est la foudre qui répondit
Dieu voulu que ses coups frappassent
Les amants par Satan liés
Enfants, voici des bœufs qui passent
Cachez vos rouges tabliers
Cette histoire de la novice
Saint Ildefonse, abbé, voulut
Qu'afin de préserver du vice
Les vierges qui font leur salut
Les prieurs la racontassent
Dans tous les couvents réguliers
Enfants, voici des bœufs qui passent
Cachez vos rouges tabliers
La légion d'honneur
Paroles et Musique: Georges Brassens 1985
Tous les Brummel, les dandys, les gandins,
Il les considérait avec dédain
Faisant peu cas de l'élégance il s'ha-
Billait toujours au décrochez-moi-ça.
Au combat, pour s'en servir de liquette,
Sous un déluge d'obus, de roquettes,
Il conquit un oriflamme teuton.
Cet acte lui valut le grand cordon.
Mais il perdit le privilège de
S'aller vêtir à la six-quatre-deux,
Car ça la fout mal saperlipopette
D'avoir des faux plis, des trous à ses bas,
De mettre un ruban sur la salopette.
La légion d'honneur ça pardonne pas.
L'âme du bon feu maistre Jehan Cotart
Se réincarnait chez ce vieux fêtard.
Tenter de l'empêcher de boire un pot
C'était ni plus ni moins risquer sa peau.
Un soir d'intempérance, à son insu,
Il éteignit en pissotant dessus
Un simple commencement d'incendie.
On lui flanqua le mérite, pardi!
Depuis que n'est plus vierge son revers,
Il s'interdit de marcher de travers.
Car ça la fout mal d' se rendre dans les vignes,
Dites du seigneur, faire des faux pas
Quand on est marqué du fatal insigne.
La légion d'honneur ça pardonne pas.
Grand peloteur de fesses convaincu,
Passé maître en l'art de la main au cul,
Son dada c'était que la femme eut le
Bas de son dos tout parsemé de bleus.
En vue de la palper d'un geste obscène,
Il a plongé pour sauver de la Seine
Une donzelle en train de se noyer,
Dame! aussi sec on vous l'a médaillé.
Ce petit hochet à la boutonnière
Vous le condamne à de bonnes manières.
Car ça la fout mal avec la rosette,
De tâter, flatter, des filles les appas
La louche au valseur; pas de ça Lisette!
La légion d'honneur ça pardonne pas.
Un brave auteur de chansons malotru
Avait une tendance à parler cru,
Bordel de dieu, con, pute, et caetera
Ornaient ses moindres tradéridéras.
Sa muse un soir d'un derrière distrait
Pondit, elle ne le fit pas exprès,
Une rengaine sans gros mots dedans,
On vous le chamarra tambour battant.
Et maintenant qu'il porte cette croix,
Proférer: "Merde", il n'en a plus le droit.
Car ça la fout mal de mettre à ses lèvres
De grand commandeur des termes trop bas,
D' chanter l' grand vicaire et les trois orfèvres.
La légion d'honneur ça pardonne pas.