Si le troisième, sans retard,
Au nez m'a jeté le nectar,
Le quatrième, c'est plus méchant,
Se mit en quête, d'un agent.
Car, aujourd'hui, c'est saugrenu,
Sans être louche, on ne peut pas
Trinquer avec des inconnus.
On est tombé bien bas, bien bas…
Avec la bouteille de vin fin
Millésimé, béni, divin,
Les flics se sont rincé la dalle,
Un vrai scandale!
Cette pauvre poigné' de main
Gisait, oubliée, en chemin,
Par deux amis fâchés à mort.
Quelque peu décontenancé',
Elle était là, dans le fossé.
Je la recueillis sans remords.
Et je repris ma route avec l'intention
De faire circuler la virile effusion,
Car c'est une des pir's perversions qui soient
Qu' de garder une poigné' de main par-devers soi.
Le premier m'a dit: "Fous le camp!
J'aurais peur de salir mes gants."
Le deuxième, d'un air dévot,
Me donna cent sous, d'ailleurs faux.
Si le troisième, ours mal léché,
Dans ma main tendue a craché,
Le quatrième, c'est plus méchant,
Se mit en quête d'un agent.
Car, aujourd'hui, c'est saugrenu,
Sans être louche, on ne peut pas
Serrer la main des inconnus.
On est tombé bien bas, bien bas…
Et la pauvre poigné' de main,
Victime d'un sort inhumain,
Alla terminer sa carrière
A la fourrière!
La route aux quatre chansons
Paroles et Musique: Georges Brassens 1964
J'ai pris la route de Dijon
Pour voir un peu la Marjolaine
La belle, digue digue don
Qui pleurait près de la fontaine
Mais elle avait changé de ton
Il lui fallait des ducatons
Dedans son bas de laine
Pour n'avoir plus de peine
Elle m'a dit: " Tu viens, chéri?
Et si tu me payes un bon prix
Aux anges je t'emmène
Digue digue don daine "
La Marjolain' pleurait surtout
Quand elle n'avait pas de sous
La Marjolain' de la chanson
Avait de plus nobles façons
J'ai passé le pont d'Avignon
Pour voir un peu les belles dames
Et les beaux messieurs tous en rond
Qui dansaient, dansaient, corps et âmes
Mais ils avaient changé de ton
Ils faisaient fi des rigodons
Menuets et pavanes
Tarentelles, sardanes
Et les bell's dam's m'ont dit ceci
" Etranger, sauve-toi d'ici
Ou l'on donne l'alarme
Aux chiens et aux gendarmes "
Quelle mouch' les a donc piquées
Ces belles dam's si distinguées
Les belles dam's de la chanson
Avaient de plus nobles façons
Je me suis fait fair' prisonnier
Dans les vieilles prisons de Nantes
Pour voir la fille du geôlier
Qui, paraît-il, est avenante
Mais elle avait changé de ton
Quand j'ai demandé: " Que dit-on
Des affaires courantes
Dans la ville de Nantes? "
La mignonne m'a répondu
" On dit que vous serez pendu
Aux matines sonnantes
Et j'en suis bien contente "
Les geôlières n'ont plus de cœur
Aux prisons de Nante' et d'ailleurs
La geôlière de la chanson
Avait de plus nobles façons
Voulant mener à bonne fin
Ma folle course vagabonde
Vers mes pénates je revins
Pour dormir auprès de ma blonde
Mais elle avait changé de ton
Avec elle, sous l'édredon
Il y avait du monde
Dormant près de ma blonde
J'ai pris le coup d'un air blagueur
Mais, en cachette, dans mon cœur
La peine était profonde
L'chagrin lâchait la bonde
Hélas! du jardin de mon père
La colombe s'est fait la paire
Par bonheur, par consolation
Me sont restées les quatr' chansons
La tondue
Paroles et Musique: Georges Brassens 1964
La belle qui couchait avec le roi de Prusse
Avec le roi de Prusse
A qui l'on a tondu le crâne rasibus
Le crâne rasibus
Son penchant prononcé pour les " ich liebe dich ",
Pour les " ich liebe dich "
Lui valut de porter quelques cheveux postich's
Quelques cheveux postich's
Les braves sans-culott's et les bonnets phrygiens
Et les bonnets phrygiens
Ont livre sa crinière à un tondeur de chiens
A un tondeur de chiens
J'aurais dû prendre un peu parti pour sa toison
Parti pour sa toison
J'aurais dû dire un mot pour sauver son chignon
Pour sauver son chignon
Mais je n'ai pas bougé du fond de ma torpeur
Du fond de ma torpeur
Les coupeurs de cheveux en quatre m'ont fait peur
En quatre m'ont fait peur
Quand, pire qu'une brosse, elle eut été tondue
Elle eut été tondue
J'ai dit: " C'est malheureux, ces accroch'-cœur perdus
Ces accroch'-cœur perdus "
Et, ramassant l'un d'eux qui traînait dans l'ornière
Qui traînait dans l'ornière
Je l'ai, comme une fleur, mis à ma boutonnière
Mis à ma boutonnière
En me voyant partir arborant mon toupet
Arborant mon toupet
Tous ces coupeurs de natt's m'ont pris pour un suspect
M'ont pris pour un suspect
Comme de la patrie je ne mérite guère
Je ne mérite guère
J'ai pas la Croix d'honneur, j'ai pas la croix de guerre
J'ai pas la croix de guerre
Et je n'en souffre pas avec trop de rigueur
Avec trop de rigueur
J'ai ma rosette à moi: c'est un accroche-cœur
C'est un accroche-cœur
La traitresse
Paroles: Georges Brassens. Musique: Georges Brassens 1961
J'en appelle à la mort, je l'attends sans frayeur
Je n'tiens plus à la vie, je cherche un fossoyeur
Qu'aurait un' tombe à vendre à n'importe quel prix
J'ai surpris ma maîtresse au bras de son mari
Ma maîtresse, la traîtresse!
J'croyais tenir l'amour au bout de mon harpon
Mon p'tit drapeau flottait au cœur d'madam' Dupont
Mais tout est consommé: hier soir, au coin d'un bois
J'ai surpris ma maîtresse avec son mari, pouah
Ma maîtresse, la traîtresse!