Rapidement instruite par
Mes bons offices,
Elle m'investit d'une part
D' ses bénéfices…
On s'aida mutuellement,
Comm' dit l' poète.
Ell' était l' corps, naturell'ment,
Puis moi la tête…
Un soir, à la suite de
Manœuvres douteuses,
Ell' tomba victim' d'une
Maladie honteuses…
Lors, en tout bien, toute amitié,
En fille probe,
Elle me passa la moitié
De ses microbes…
Après des injections aiguës
D'antiseptique,
J'abandonnai l' métier d' cocu
Systématique…
Elle eut beau pousser des sanglots,
Braire à tu'-tête,
Comme je n'étais qu'un salaud,
J' me fis honnête…
Sitôt privé' de ma tutell',
Ma pauvre amie
Courrut essuyer du bordel
Les infamies…
Paraît qu'ell' s' vend même à des flics,
Quell' décadence!
Y a plus d' moralité publiqu'
Dans notre France…
Le mécréant
Paroles: Georges Brassens. Musique: Georges Brassens 1960
Est-il en notre temps rien de plus odieux
De plus désespérant, que de n'pas croire en Dieu?
J'voudrais avoir la foi, la foi d'mon charbonnier
Qui est heureux comme un pape et con comme un panier
Mon voisin du dessus, un certain Blais' Pascal
M'a gentiment donné ce conseil amical
" Mettez-vous à genoux, priez et implorez
Faites semblant de croire, et bientôt vous croirez "
J'me mis à débiter, les rotules à terr'
Tous les Ave Maria, tous les Pater Noster
Dans les rues, les cafés, les trains, les autobus
Tous les de profundis, tous les morpionibus
Sur ces entrefait's-là, trouvant dans les orties
Un' soutane à ma taill', je m'en suis travesti
Et, tonsuré de frais, ma guitare à la main
Vers la foi salvatric' je me mis en chemin
J'tombai sur un boisseau d'punais's de sacristie
Me prenant pour un autre, en chœur, elles m'ont dit
" Mon pèr', chantez-nous donc quelque refrain sacré
Quelque sainte chanson dont vous avez l'secret "
Grattant avec ferveur les cordes sous mes doigts
J'entonnai "le Gorille" avec "Putain de toi"
Criant à l'imposteur, au traître, au papelard
Ell's veul'nt me fair' subir le supplic' d'Abélard
Je vais grossir les rangs des muets du sérail
Les bell's ne viendront plus se pendre à mon poitrail
Grâce à ma voix coupée j'aurai la plac' de choix
Au milieu des petits chanteurs à la croix d'bois
Attirée par le bruit, un' dam' de Charité
Leur dit: " Que faites-vous? Malheureus's arrêtez
Y a tant d'homm's aujourd'hui qui ont un penchant pervers
A prendre obstinément Cupidon à l'envers
Tant d'hommes dépourvus de leurs virils appas
A ceux qu'en ont encor' ne les enlevons pas "
Ces arguments massue firent un' grosse impression
On me laissa partir avec des ovations
Mais, su'l'chemin du ciel, je n'ferai plus un pas
La foi viendra d'ell'-même ou ell' ne viendra pas
Je n'ai jamais tué, jamais violé non plus
Y a déjà quelque temps que je ne vole plus
Si l'Eternel existe, en fin de compte, il voit
Qu'je m'conduis guèr' plus mal que si j'avais la foi
Le mérinos
Paroles: Georges Brassens
Oh non! tu n'es pas à la noce
Ces temps-ci, pauvre vieux mérinos.
Si le Rhône est empoisonné,
C'est toi qu'on veut incriminer.
Les poissons morts, on te les doit,
Bête damnée, à cause de toi,
Tous les abreuvoirs sont croupis
Et les poules ont la pépie.
C'est moi qui suis l'enfant de salaud,
Celui qui fait des ronds dans l'eau,
Mais comme j'ai pas mal de culot,
Je garde la tête bien haute.
Car si l'eau qui coule sous les ponts
D'Avignon, Beaucaire et Tarascon,
N'a pas toujours que du bon
Mon Dieu! c'est pas ma faute.
Plus de naïades chevelues,
Et plus de lavandières non plus,
Tu fais sombrer sans t'émouvoir
L'armada des bateaux lavoirs.
Et le curé de Cucugnan
Baptise le monde en se plaignant
Que les eaux de son bénitier
Ne protègent plus qu'à moitié.
A la fontaine de Vaucluse,
Plus moyen d'taquiner les muses
Vers d'autres bords elles ont fui
Et les Pétrarques ont suivi.
Si la fontaine de Jouvence
Ne fait plus d'miracle en Provence,
Lave plus l'injure du temps,
C'est ton œuvre, gros dégoûtant!
Oh non! Tu n'es pas à la noce
Ces temps-ci, pauvre vieux mérinos,
On veut te mettre le fardeau
Des plaies d' l'Egypte sur le dos.
On te dénie le sens civique
Mais calme, fier, serein, magnifique,
Tu traites tout ça par dessous
La jambe. Et puis baste! Et puis zou!
Le modeste
Paroles et Musique: Georges Brassens 1976
Les pays, c'est pas ça qui manque,
On vient au monde à Salamanque
A Paris, Bordeaux, Lille, Brest(e).
Lui, la nativité le prit
Du côté des Saintes-Maries,
C'est un modeste.
Comme jadis a fait un roi,
Il serait bien fichu, je crois,
De donner le trône et le reste
Contre un seul cheval camarguais
Bancal, vieux, borgne, fatigué,
C'est un modeste.
Suivi de son pin parasol,
S'il fuit sans mêm' toucher le sol
Le moindre effort comme la peste,
C'est qu'au chantier ses bras d'Hercule
Rendraient les autres ridicules,
C'est un modeste.
A la pétanque, quand il perd
Te fais pas de souci, pépère,
Si d'aventure il te conteste.
S'il te boude, s'il te rudoie,
Au fond, il est content pour toi,
C'est un modeste.
Si, quand un emmerdeur le met
En rogne, on ne le voit jamais
Lever sur l'homme une main leste.
C'est qu'il juge pas nécessaire
D'humilier un adversaire,
C'est un modeste.