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Et quand il tombe amoureux fou Y a pas de danger qu'il l'avoue Les effusions, dame, il déteste. Selon lui, mettre en plein soleil Son cœur ou son cul c'est pareil, C'est un modeste.
Quand on enterre un imbécile De ses amis, s'il raille, s'il A l'œil sec et ne manifeste Aucun chagrin, t'y fie pas trop: Sur la patate, il en a gros, C'est un modeste.
Et s'il te traite d'étranger Que tu sois de Naples, d'Angers Ou d'ailleurs, remets pas la veste. Lui, quand il t'adopte, pardi! Il veut pas que ce soit le dit, C'est un modeste.
Si tu n'as pas tout du grimaud, Si tu sais lire entre les mots, Entre les faits, entre les gestes. Lors, tu verras clair dans son jeu, Et que ce bel avantageux, C'est un modeste.

Le mouton de Panurge

Paroles et Musique: Georges Brassens 1964

Elle n'a pas encor de plumes La flèch' qui doit percer son flanc Et dans son cœur rien ne s'allume Quand elle cède à ses galants Elle se rit bien des gondoles Des fleurs bleues, des galants discours Des Vénus de la vieille école Cell's qui font l'amour par amour
N'allez pas croire davantage Que le démon brûle son corps Il s'arrête au premier étage Son septième ciel, et encor Elle n'est jamais langoureuse Passée par le pont des soupirs Et voit comm' des bêtes curieuses Cell's qui font l'amour par plaisir
Croyez pas qu'elle soit à vendre Quand on l'a mise sur le dos On n'est pas tenu de se fendre D'un somptueux petit cadeau Avant d'aller en bacchanale Ell' présente pas un devis Ell' n'a rien de ces bell's vénales Cell's qui font l'amour par profit
Mais alors, pourquoi cède-t-elle Sans cœur, sans lucre, sans plaisir Si l'amour vaut pas la chandelle Pourquoi le joue-t-elle à loisir Si quiconque peut, sans ambages L'aider à dégrafer sa rob' C'est parc' qu'ell' veut être à la page Que c'est la mode et qu'elle est snob
Mais changent coutumes et filles Un jour, peut-être, en son sein nu Va se planter pour tout' la vie Une petite flèch' perdue On n'verra plus qu'elle en gondole Elle ira jouer, à son tour Les Vénus de la vieille école Cell's qui font l'amour par amour

Le moyenâgeux

Paroles et Musique: Georges Brassens 1966

Le seul reproche, au demeurant, Qu'aient pu mériter mes parents, C'est d'avoir pas joué plus tôt Le jeu de la bête à deux dos. Je suis né, même pas bâtard, Avec cinq siècles de retard. Pardonnez-moi, Prince, si je Suis foutrement moyenâgeux.
Ah! que n'ai-je vécu, bon sang! Entre quatorze et quinze cent. J'aurais retrouvé mes copains Au Trou de la pomme de pin, Tous les beaux parleurs de jargon, Tous les promis de Montfaucon, Les plus illustres seigneuries Du royaum' de truanderie.
Après une franche repue, J'eusse aimé, toute honte bue, Aller courir le cotillon Sur les pas de François Villon, Troussant la gueuse et la forçant Au cimetièr' des Innocents, Mes amours de ce siècle-ci N'en aient aucune jalousie…
J'eusse aimé le corps féminin Des nonnettes et des nonnains Qui, dans ces jolis tamps bénis, Ne disaient pas toujours " nenni ", Qui faisaient le mur du couvent, Qui, Dieu leur pardonne! souvent, Comptaient les baisers, s'il vous plaît, Avec des grains de chapelet.
Ces p'tit's sœurs, trouvant qu'à leur goût Quatre Evangil's c'est pas beaucoup, Sacrifiaient à un de plus: L'évangile selon Vénus. Témoin: l'abbesse de Pourras, Qui fut, qui reste et restera La plus glorieuse putain De moines du quartier Latin.
A la fin, les anges du guet M'auraient conduit sur le gibet. Je serais mort, jambes en l'air, Sur la veuve patibulaire, En arrosant la mandragore, L'herbe aux pendus qui revigore, En bénissant avec les pieds Les ribaudes apitoyées.
Hélas! tout ça, c'est des chansons. Il faut se faire une raison. Les choux-fleurs poussent à présent Sur le charnier des Innocents. Le Trou de la pomme de pin N'est plus qu'un bar américain. Y a quelque chose de pourri Au royaum' de truanderie.
Je mourrai pas à Montfaucon, Mais dans un lit, comme un vrai con, Je mourrai, pas même pendard, Avec cinq siècles de retard. Ma dernière parole soit Quelques vers de Maître François, Et que j'emporte entre les dents Un flocon des neiges d'antan…
Ma dernière parole soit Quelques vers de Maître François… Pardonnez-moi, Prince, si je Suis foutrement moyenâgeux.

Le myosotis

Paroles: Georges Brassens. Musique: Georges Brassens 1957

Quand tu partis, quand Tu levas le camp Pour suivre les pas De ton vieux nabab, De peur qu' je n' sois triste, Tu allas chez l' fleuriste Quérir un' fleur bleue, Un petit bouquet d'adieu, Bouquet d'artifice; Un myosotis, En disant tout bas Ne m'oubliez pas.
Afin d'avoir l'heur' De parler de toi, J'appris à la fleur Le langag' françois. Sitôt qu'elles causent Paraît que les roses Murmurent toujours Trois ou quatre mots d'amour. Les myosotis Eux autres vous dis'nt, Vous disent tout bas: Ne m'oubliez pas.
Les temps ont passé. D'autres fiancées, Parole d'honneur, M'offrir'nt le bonheur. Dès qu'une bergère Me devenait chère, Sortant de son pot Se dressant sur ses ergots Le myosotis Braillait comme dix Pour dire "Hé là-bas, Ne m'oubliez pas."
Un jour Dieu sait quand, Je lèv'rai le camp, Je m'envol'rai vers Le ciel ou l'enfer. Que mes légataires, Mes testamentaires, Aient l'extrême bonté, Sur mon ventre de planter Ce sera justic' Le myosotis Qui dira tout bas: Ne m'oubliez pas.