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C'étaient pas des anges non plus L'Évangile, ils l'avaient pas lu Mais ils s'aimaient toutes voiles dehors Toutes voiles dehors Jean, Pierre, Paul et compagnie C'était leur seule litanie Leur credo, leur confiteor Aux copains d'abord
Au moindre coup de Trafalgar C'est l'amitié qui prenait l'quart C'est elle qui leur montrait le nord Leur montrait le nord Et quand ils étaient en détresse Qu'leurs bras lançaient des S.O.S. On aurait dit des sémaphores Les copains d'abord
Au rendez-vous des bons copains Y avait pas souvent de lapins Quand l'un d'entre eux manquait à bord C'est qu'il était mort Oui, mais jamais, au grand jamais Son trou dans l'eau n'se refermait Cent ans après, coquin de sort Il manquait encore
Des bateaux j'en ai pris beaucoup Mais le seul qui ait tenu le coup Qui n'ait jamais viré de bord Mais viré de bord Naviguait en père peinard Sur la grand-mare des canards Et s'app'lait les Copains d'abord Les Copains d'abord

Les croquants

Paroles: Georges Brassens. Musique: Georges Brassens 1955

Les croquants vont en ville, à cheval sur leurs sous Acheter des pucelles aux saintes bonnes gens Les croquants leur mettent à prix d'argent La main dessus, la main dessous Mais la chair de Lisa, la chair fraîche de Lison (Que les culs cousus d'or se fassent une raison!) C'est pour la bouche du premier venu Qui a les yeux tendres et les mains nues

{Refrain:}

Les croquants, ça les attriste, ça Les étonne, les étonne Qu'une fille, une fille belle comme ça S'abandonne, s'abandonne Au premier ostrogoth venu: Les croquants, ça tombe des nues.
Les filles de bonnes mœurs, les filles de bonne vie Qui ont vendu leur fleurette à la foire à l'encan Vont s'vautrer dans la couche des croquants Quand les croquants en ont envie Mais la chair de Lisa, la chair fraîche de Lison (Que les culs cousus d'or se fassent une raison!) N'a jamais accordé ses faveurs A contre-sou, à contrecœur

{Au refrain}

Les filles de bonne vie ont le cœur consistant Et la fleur qu'on y trouve est garantie longtemps Comme les fleurs en papier des chapeaux Les fleurs en pierre des tombeaux Mais le cœur de Lisa, le grand cœur de Lison Aime faire peau neuve avec chaque saison: Jamais deux fois la même couleur Jamais deux fois la même fleur

{Au refrain}

Les croque-morts améliorés

Paroles: Georges Brassens

L'habit de deuil jusqu'à présent Ne se portait assidûment Que chez l'personnel funéraire, Les anciens croque-morts ordinaires. Depuis qu' la vogue est au noirâtre,* Dans les rues d' Saint-Germain-des-Prés, Y a des croque-morts améliorés!
Il ne m'importe aucunement Qu'on mène mon enterrement Avec des croque-morts ordinaires Ou bien leurs nouveaux congénères. Mais le bruit court que des emplâtres Ont un' peur bleue d'être enterrés Par les croqu'-morts améliorés!
Et c'est pourquoi j'ai fait ce chant Qui va permettre aux braves gens De distinguer les funéraires, Les anciens croque-morts ordinaires, Des galopins un peu folâtres Qui se mettent en deuil exprès Les croque-morts améliorés!
Si le croque-mort s'en va sifflant Les joyeux couplets à vingt francs, C'est un honnête fonctionnaire, C'est un croque-mort ordinaire. Mais s'il écoute en idolâtre Les disques des be-bop cassés, C'est un croque-mort amélioré!

Les deux oncles

Paroles et Musique: Georges Brassens 1964

C'était l'oncle Martin, c'était l'oncle Gaston L'un aimait les Tommies, l'autre aimait les Teutons Chacun, pour ses amis, tous les deux ils sont morts Moi, qui n'aimais personne, eh bien! je vis encor
Maintenant, chers tontons, que les temps ont coulé Que vos veuves de guerre ont enfin convolé Que l'on a requinqué, dans le ciel de Verdun Les étoiles ternies du maréchal Pétain
Maintenant que vos controverses se sont tues Qu'on s'est bien partagé les cordes des pendus Maintenant que John Bull nous boude, maintenant Que c'en est fini des querelles d'Allemand
Que vos fill's et vos fils vont, la main dans la main Faire l'amour ensemble et l'Europ' de demain Qu'ils se soucient de vos batailles presque autant Que l'on se souciait des guerres de Cent Ans
On peut vous l'avouer, maintenant, chers tontons Vous l'ami les Tommies, vous l'ami des Teutons Que, de vos vérités, vos contrevérités Tout le monde s'en fiche à l'unanimité
De vos épurations, vos collaborations Vos abominations et vos désolations De vos plats de choucroute et vos tasses de thé Tout le monde s'en fiche à l'unanimité
En dépit de ces souvenirs qu'on commémor' Des flammes qu'on ranime aux monuments aux Morts Des vainqueurs, des vaincus, des autres et de vous Révérence parler, tout le monde s'en fout
La vie, comme dit l'autre, a repris tous ses droits Elles ne font plus beaucoup d'ombre, vos deux croix Et, petit à petit, vous voilà devenus L'Arc de Triomphe en moins, des soldats inconnus
Maintenant, j'en suis sûr, chers malheureux tontons Vous, l'ami des Tommies, vous, l'ami des Teutons Si vous aviez vécu, si vous étiez ici C'est vous qui chanteriez la chanson que voici
Chanteriez, en trinquant ensemble à vos santés Qu'il est fou de perdre la vie pour des idées Des idées comme ça, qui viennent et qui font Trois petits tours, trois petits morts, et puis s'en vont
Qu'aucune idée sur terre est digne d'un trépas Qu'il faut laisser ce rôle à ceux qui n'en ont pas Que prendre, sur-le-champ, l'ennemi comme il vient C'est de la bouillie pour les chats et pour les chiens
Qu'au lieu de mettre en joue quelque vague ennemi Mieux vaut attendre un peu qu'on le change en ami Mieux vaut tourner sept fois sa crosse dans la main Mieux vaut toujours remettre une salve à demain