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Ce pigeon est aimé, Trois jours par sa pigeonne Ça lui suffit il sait Que l'amour n'a qu'un temps
Ce dindon a toujours Béni sa destinée Et quand vient le moment De mourir il faut voir
Cette jeune oie en pleurs C'est la que je suis née Je meurs presd de ma mère Et je fais mon devoir
Elle a fait son devoir C'est a dire que Onques Elle n'eut de souhait Impossible elle n'eut
Aucun rêve de lune Aucun désir de jonque L'emportant sans rameurs Sur un fleuve inconnu
Et tous sont ainsi faits Vivre la même vie Toujours pour ces gens là Cela n'est point hideux
Ce canard n'a qu'un bec Et n'eut jamais envie Ou de n'en plus avoir Ou bien d'en avoir deux
Ils n'ont aucun besoin De baiser sur les lèvres Et loin des songes vains Loin des soucis cuisants
Possèdent pour tout cœur Un vicere sans fièvre Un coucou régulier Et garanti dix ans
Ô les gens bien heureux Tout à coup dans l'espace Si haut qu'ils semblent aller Lentement en grand vol
En forme de triangle Arrivent planent, et passent Où vont ils?… qui sont-ils? Comme ils sont loins du sol
Regardez les passer, eux Ce sont les sauvages Ils vont où leur desir Le veut par dessus monts
Et bois, et mers, et vents Et loin des esclavages L'air qu'ils boivent Ferait éclater vos poumons
Regardez les avant D'atteindre sa chimère Plus d'un l'aile rompue Et du sang plein les yeux
Mourra. Ces pauvres gens Ont aussi femme et mère Et savent les aimer Aussi bien que vous, mieux
Pour choyer cette femme Et nourrir cette mère Ils pouvaient devenir Volailles comme vous
Mais ils sont avant tout Des fils de la chimère Des asoiffés d'azur Des poètes des fous
Regardez les vieux coqs Jeune Oie édifiante Rien de vous ne pourra monter aussi haut qu'eux {2x}
Et le peu qui viendra d'eux à vous C'est leur fiante Les bourgeois sont troublés De voir passer les gueux

Les passantes

Paroles: Antoine Pol. Musique: Jean Bertola

autres interprètes: Francis Cabrel

Je veux dédier ce poème A toutes les femmes qu'on aime Pendant quelques instants secrets A celles qu'on connait à peine Qu'un destin différent entraîne Et qu'on ne retrouve jamais
A celle qu'on voit apparaître Une seconde à sa fenêtre Et qui, preste, s'évanouit Mais dont la svelte silhouette Est si gracieuse et fluette Qu'on en demeure épanoui
A la compagne de voyage Dont les yeux, charmant paysage Font paraître court le chemin Qu'on est seul, peut-être, à comprendre Et qu'on laisse pourtant descendre Sans avoir effleuré sa main
A la fine et souple valseuse Qui vous sembla triste et nerveuse Par une nuit de carnaval Qui voulu rester inconnue Et qui n'est jamais revenue Tournoyer dans un autre bal
A celles qui sont déjà prises Et qui, vivant des heures grises Près d'un être trop différent Vous ont, inutile folie, Laissé voir la mélancolie D'un avenir désespérant
Chères images aperçues Espérances d'un jour déçues Vous serez dans l'oubli demain Pour peu que le bonheur survienne Il est rare qu'on se souvienne Des épisodes du chemin
Mais si l'on a manqué sa vie On songe avec un peu d'envie A tous ces bonheurs entrevus Aux baisers qu'on n'osa pas prendre Aux cœurs qui doivent vous attendre Aux yeux qu'on n'a jamais revus
Alors, aux soirs de lassitude Tout en peuplant sa solitude Des fantômes du souvenir On pleure les lêvres absentes De toutes ces belles passantes Que l'on n'a pas su retenir

Les patriotes

Paroles et Musique: Georges Brassens 1976

Les invalid's chez nous, l'revers de leur médaille C'est pas d'être hors d'état de suivr' les fill's, cré nom de nom, Mais de ne plus pouvoir retourner au champ de bataille. Le rameau d'olivier n'est pas notre symbole, non!
Ce que, par-dessus tout, nos aveugles déplorent, C'est pas d'être hors d'état d'se rincer l'œil, cré nom de nom, Mais de ne plus pouvoir lorgner le drapeau tricolore. La ligne bleue des Vosges sera toujours notre horizon.
Et les sourds de chez nous, s'ils sont mélancoliques, C'est pas d'être hors d'état d'ouïr les sirènes, cré de nom de nom, Mais de ne plus pouvoir entendre au défilé d'la clique, Les échos du tambour, de la trompette et du clairon.
Et les muets d'chez nous, c'qui les met mal à l'aise C'est pas d'être hors d'état d'conter fleurette, cré nom de nom, Mais de ne plus pouvoir reprendre en chœur la Marseillaise. Les chansons martiales sont les seules que nous entonnons.
Ce qui de nos manchots aigrit le caractère, C'est pas d'être hors d'état d'pincer les fess's, cré nom de nom, Mais de ne plus pouvoir faire le salut militaire. jamais un bras d'honneur ne sera notre geste, non!
Les estropiés d'chez nous, ce qui les rend patraques, C'est pas d'être hors d'état d'courir la gueus', cré nom de nom, Mais de ne plus pouvoir participer à une attaque. On rêve de Rosalie, la baïonnette, pas de Ninon.
C'qui manque aux amputés de leurs bijoux d'famille, C'est pas d'être hors d'état d'aimer leur femm', cré nom de nom, Mais de ne plus pouvoir sabrer les belles ennemies. La colomb' de la paix, on l'apprête aux petits oignons.
Quant à nos trépassés, s'ils ont tous l'âme en peine, C'est pas d'être hors d'état d'mourir d'amour, cré nom de nom, Mais de ne plus pouvoir se faire occire à la prochaine. Au monument aux morts, chacun rêve d'avoir son nom.