Les prénoms effacés
Paroles: Jean H. Tranchant. Musique: Jean Tranchant 1936
autres interprètes: Fred Adison, Rose Avril, Lina Margy, Georges Brassens, Francis Lemarque (1988)
Dans le creux béant d'un grand chêne
Des fourmis rouges font la chaîne,
Rongent, creusent, font mille efforts
Contre le vieux géant qui dort.
Mais des jours d'été et de sève,
Il conserve de si beaux rêves
Tant de jolis prénoms d'amants
Qui disparaîtront lentement
{
Combien d'amoureux il a vu passer,
Combien de prénoms se sont enlacés!
Combien de serments, de fausses promesses
Se sont échangés sous son ombre épaisse!
Combien d'amoureux ivres de plaisir
Ont gravé gaiement tous leurs souvenirs!
Qui dira le sort des amants lassés
Dont les doux prénoms se sont effacés.
Sous le regard d'une pinsonne
Nous avons gravé cet automne
Nos prénoms, en nous promettant
De les retrouver au printemps.
Mais le chêne aux saisons fleuries
Retrouvant un peu de sa vie
Gardera-t-il dans les beaux jours
Le grand secret de notre amour?
{Refrain}
Les quat'z'arts
Paroles et Musique: Georges Brassens 1964
Les copains affligés, les copines en pleurs
La boîte à dominos enfouie sous les fleurs
Tout le monde équipé de sa tenue de deuil
La farce était bien bonne et valait le coup d'œil
Les quat'z'arts avaient fait les choses comme il faut
L'enterrement paraissait officiel. Bravo!
Le mort ne chantait pas: "Ah! c'qu'on s'emmerde ici!"
Il prenait son trépas à cœur, cette fois-ci
Et les bonshomm's chargés de la levée du corps
Ne chantaient pas non plus "Saint-Eloi bande encor!"
Les quat'z'arts avaient fait les choses comme il faut
Le macchabée semblait tout à fait mort. Bravo!
Ce n'étaient pas du tout des filles en tutu
Avec des fess's à claque et des chapeaux pointus
Les commères choisies pour les cordons du poêle
Et nul ne leur criait: "A poil! A poil! A poil!"
Les quat'z'arts avaient fait les choses comme il faut
Les pleureuses sanglotaient pour de bon. Bravo!
Le curé n'avait pas un goupillon factice
Un de ces goupillons en forme de phallus
Et quand il y alla de ses de profondis
L'enfant de chœur répliqua pas morpionibus
Les quat'z'arts avaient fait les choses comme il faut
Le curé venait pas de Camaret. Bravo!
On descendit la bière et je fus bien déçu
La blague maintenant frisait le mauvais goût
Car le mort se laissa jeter la terr' dessus
Sans lever le couvercle en s'écriant "Coucou!"
Les quat'z'arts avaient fait les choses comme il faut
Le cercueil n'était pas à double fond. Bravo!
Quand tout fut consommé, je leur ai dit: "Messieurs
Allons faire à présent la tournée des boxons!"
Mais ils m'ont regardé avec de pauvres yeux
Puis ils m'ont embrassé d'une étrange façon
Les quat'z'arts avaient fait les choses comme il faut
Leur compassion semblait venir du cœur. Bravo!
Quand je suis ressorti de ce champ de navets
L'ombre de l'ici-gît pas à pas me suivait
Une petite croix de trois fois rien du tout
Faisant, à elle seul', de l'ombre un peu partout
Les quat'z'arts avaient fait les choses comme il faut
Les revenants s'en mêlaient à leur tour. Bravo!
J'ai compris ma méprise un petit peu plus tard
Quand, allumant ma pipe avec le faire-part
J'm'aperçus que mon nom, comm' celui d'un bourgeois
Occupait sur la liste une place de choix
Les quat'z'arts avaient fait les choses comme il faut
J'étais le plus proch' parent du défunt. Bravo!
Adieu! les faux tibias, les crânes de carton
Plus de marche funèbre au son des mirlitons
Au grand bal des quat'z'arts nous n'irons plus danser
Les vrais enterrements viennent de commencer
Nous n'irons plus danser au grand bal des quat'z'arts
Viens, pépère, on va se ranger des corbillards
Les quatre bacheliers
Paroles et Musique: Georges Brassens 1966
Nous étions quatre bacheliers
Sans vergogne,
La vraie crème des écoliers,
Des ecoliers.
Pour offrir aux filles des fleurs,
Sans vergogne,
Nous nous fîmes un peu voleurs,
Un peu voleurs.
Les sycophantes du pays,
Sans vergogne,
Aux gendarmes nous ont trahis,
Nous ont trahis.
Et l'on vit quatre bacheliers
Sans vergogne,
Qu'on emmène, les mains liées,
Les mains liées.
On fit venir à la prison,
Sans vergogne,
Les parents des mauvais garçons,
Mauvais garçons.
Les trois premiers pères, les trois,
Sans vergogne,
En perdirent tout leur sang-froid,
Tout leur sang-froid.
Comme un seul ils ont déclaré,
Sans vergogne,
Qu'on les avait déshonorée,
Déshonorés.
Comme un seul ont dit " C'est fini,
Sans vergogne,
Fils indigne, je te renie,
Je te renie. "
Le quatrième des parents,
Sans vergogne,
C'était le plus gros, le plus grand,
Le plus grand.
Quand il vint chercher son voleur
Sans vergogne,
On s'attendait à un malheur,
A un malheur.
Mais il n'a pas déclaré, non,
Sans vergogne,
Que l'on avait sali son nom,
Sali son nom.
Dans le silence on l'entendit,
Sans vergogne,
Qui lui disait: " Bonjour, petit,
Bonjour petit. "
On le vit, on le croirait pas,
Sans vergogne,
Lui tendre sa blague à tabac,
Blague à tabac.
Je ne sais pas s'il eut raison,
Sans vergogne,
D'agir d'une telle façon,
Telle façon.
Mais je sais qu'un enfant perdu,
Sans vergogne,
A de la corde de pendu,
De pendu,