Boulevard du temps qui passe
Paroles et Musique: Georges Brassens 1976
A peine sortis du berceau
Nous sommes allés faire un saut
Au boulevard du temps qui passe
En scandant notre "Ça ira"
Contre les vieux, les mous, les gras
Confinés dans leurs idées basses.
On nous a vus, c'était hier
Qui descendions, jeunes et fiers
Dans une folle sarabande
En allumant des feux de joie
En alarmant les gros bourgeois
En piétinant leurs plates-bandes.
Jurant de tout remettre à neuf
De refaire quatre-vingt-neuf
De reprendre un peu la Bastille
Nous avons embrassé, goulus
Leurs femmes qu'ils ne touchaient plus
Nous avons fécondé leurs filles.
Dans la mare de leurs canards
Nous avons lancé, goguenards
Force pavés, quelle tempête
Nous n'avons rien laissé debout
Flanquant leurs credos, leurs tabous
Et leurs dieux, cul par-dessus tête.
Quand sonna le cessez-le-feu
L'un de nous perdait ses cheveux
Et l'autre avait les tempes grises.
Nous avons constaté soudain
Que l'été de la Saint-Martin
N'est pas loin du temps des cerises.
Alors, ralentissant le pas
On fit la route à la papa
Car, braillant contre les ancêtres
La troupe fraîche des cadets
Au carrefour nous attendait
Pour nous envoyer à Bicêtre.
Tous ces gâteux, ces avachis
Ces pauvres sépulcres blanchis
Chancelant dans leur carapace
On les a vus, c'était hier
Qui descendaient jeunes et fiers
Le boulevard du temps qui passe.
Brave Margot
Paroles et Musique: Georges Brassens 1952
Margoton la jeune bergère
Trouvant dans l'herbe un petit chat
Qui venait de perdre sa mère
L'adopta
Elle entrouvre sa collerette
Et le couche contre son sein
C'était tout c'quelle avait pauvrette
Comme coussin
Le chat la prenant pour sa mère
Se mit à têter tout de go
Emue, Margot le laissa faire
Brave Margot
Un croquant passant à la ronde
Trouvant le tableau peu commun
S'en alla le dire à tout l'monde
Et le lendemain
Quand Margot dégrafait son corsage
Pour donner la gougoutte à son chat
Tous les gars, tous les gars du village
Etaient là, la la la la la la
Etaient là, la la la la la
Et Margot qu'était simple et très sage
Présumait qu'c'était pour voir son chat
Qu'tous les gars, tous les gars du village
Etaient là, la la la la la la
Etaient là, la la la la la
L'maître d'école et ses potaches
Le maire, le bedeau, le bougnat
Négligeaient carrément leur tâche
Pour voir ça
Le facteur d'ordinaire si preste
Pour voir ça, n'distribuait plus
Les lettres que personne au reste
N'aurait lues
Pour voir ça, Dieu le leur pardonne
Les enfants de cœur au milieu
Du Saint Sacrifice abandonnent
Le saint lieu
Les gendarmes, même mes gendarmes
Qui sont par nature si ballots
Se laissaient toucher par les charmes
Du joli tableau
Quand Margot dégrafait son corsage
Pour donner la gougoutte à son chat
Tous les gars, tous les gars du village
Etaient là, la la la la la la
Etaient là, la la la la la
Et Margot qu'était simple et très sage
Présumait qu'c'était pour voir son chat
Qu'tous les gars, tous les gars du village
Etaient là, la la la la la la
Etaient là, la la la la la
Mais les autres femmes de la commune
Privées d'leurs époux, d'leurs galants
Accumulèrent la rancune
Patiemment
Puis un jour ivres de colère
Elles s'armèrent de bâtons
Et farouches elles immolèrent
Le chaton
La bergère après bien des larmes
Pour s'consoler prit un mari
Et ne dévoila plus ses charmes
Que pour lui
Le temps passa sur les mémoires
On oublia l'évènement
Seuls des vieux racontent encore
A leurs p'tits enfants
Quand Margot dégrafait son corsage
Pour donner la gougoutte à son chat
Tous les gars, tous les gars du village
Etaient là, la la la la la la
Etaient là, la la la la la
Et Margot qu'était simple et très sage
Présumait qu'c'était pour voir son chat
Qu'tous les gars, tous les gars du village
Etaient là, la la la la la la
Etaient là, la la la la la
C'était un peu leste
Paroles: Georges Brassens
Et quand elle eut fini de coudre le linceul
Et de faire la sieste,
La veuve a décidé de ne pas rester seule
C'était un peu leste.
Et quand elle eut fini de couver ce dessein
Elle mit sa veste,
Et vint frapper chez moi, son plus proche voisin,
C'était un peu leste.
Et quand elle eut fini la dernière bouchée
D'un repas modeste,
Ell' dit: "Il se fait tard, c'est l'heur' de se coucher",
C'était un peu leste.
Et quand elle eut fini de bassiner le lit,
Alea jacta est(e),
Dans ses bras accueillants, j'étais enseveli,
C'était un peu leste.
Et quand elle eut fini d' me presser sur son cœur,
De leurs voix célestes
Les anges d'alentour soupiraient tous en chœur,
C'était un peu leste.
Et quand elle eut fini d' reprendre ses esprits,
Elle manifeste
La fâcheuse intention de m'avoir pour mari,
C'était un peu leste.
Et quand elle eut fini de tenir ces propos,
Tonnerre de Brest(e)!
Je la flanquai dehors avec ses oripeaux,
C'était un peu leste.
Et quand elle eut fini de dévaler l' perron
Et dit: "J' te déteste",
Elle se pendit au cou d'un troisième larron,
C'était un peu leste.
Et quand elle fut sortie de mon champ visuel,
Parfumés d'un zeste,
Je bus cinq à six coups, l'antidote usuel,
C'était un peu leste.
Et quand j'eus bien cuvé mon vin, je me suis dit,
Regrettant mon geste,
Que j'avais peut-être pas été des plus gentils,
C'était un peu leste.
Et quand ell' m'entendit fair' mon mea culpa,
La petite peste,
Me fit alors savoir qu'ell' ne m'en voulait pas,
C'était un peu leste.