Chaque seconde
Semble une année
Les bruits du monde
Sont amplifiés
Au loin une horloge qui sonne
Un craquement, une lueur
Font que je me fige et frissonne
Au voleur!
Un vide immense
Se fait en moi
Puis le silence
Reprend ses droits
Je fais les choses quatre à quatre
Mais à chaque bruit, chaque heurt
J'ai le cœur qui cesse de battre
Au voleur!
A bout de nerfs lorsque je rentre
Aux heures grises du matin
Les traits tirés, la peur au ventre
Elle contemple mon butin
Puis en faisant son œil de biche
Elle murmure avec candeur
Qu'au fond l'argent n'a pas d'odeur
Et qu'après tout on prend qu'aux riches
La nuit tandis que
De plus en plus
Je prends des risques
Et m'évertue
A lui faire une vie de rêve
Je vois soudain doubler ma peur
A l'idée qu'un autre m'enlève
Ce bonheur
Qui est plus que ma vie
Ne me laissant qu'un cri:
Au voleur, au voleur, au voleur!
Autobiographie
Paroles: Charles Aznavour. Musique: Georges Garvarentz 1980
J'ai ouvert les yeux sur un meublé triste
Rue Monsieur-Le-Prince au Quartier Latin
Dans un milieu de chanteurs et d'artistes
Qu'avaient un passé, pas de lendemain
Des gens merveilleux, un peu fantaisistes
Qui parlaient le russe et puis l'arménien
Si mon père était chanteur d'opérette
Nanti d'une voix que j'envie encore
Ma mère tenait l'emploi de soubrette
Et la troupe ne roulait pas sur l'or
Mais ma sœur et moi étions à la fête
Blottis dans un coin derrière un décor
Tous ces comédiens chargés de famille
Mais dont le français était hésitant
Devaient accepter pour gagner leur vie
Le premier emploi qui était vacant
Conduire un taxi ou tirer l'aiguille
Ça pouvait se faire avec un accent
Après le travail les jours de semaine
Ces acteurs frustrés répétaient longtemps
Pour le seul plaisir un soir par quinzaine
De s'offrir l'oubli des soucis d'argent
Et crever de trac en entrant en scène
Devant un public formé d'émigrants
Quand les fins de mois étaient difficiles
Quand il faisait froid, que le pain manquait
On allait souvent honteux et fébrile
Au Mont-de-piété où l'on engageait
Un vieux samovar, des choses futiles
Objets du passé, auxquels on tenait
On parlait de ceux morts près du Bosphore
Buvait à la vie, buvait aux copains
Les femmes pleuraient et jusqu'aux aurores
Les hommes chantaient quelques vieux refrains
Qui venaient de loin, du fond d'un folklore
Où vivaient la mort, l'amour et le vin
Nous avions toujours des amis à table
Le peu qu'on avait, on le partageait
Mes parents disaient: "Ce serait le diable
Si demain le ciel ne nous le rendait"
Ce n'est pas là geste charitable:
Ils aimaient les autres et Dieu nous aidait
Tandis que devant poêles et casseroles
Mon père cherchait sa situation
Jour et nuit sous une lampe à pétrole
Ma mère brodait pour grande maison
Et nous avant que d'aller à l'école
Faisions le ménage et les commissions
Ainsi je grandis sans contrainte aucune
Me soûlant la nuit, travaillant le jour
Ma vie a connu diverses fortunes
J'ai frôlé la mort, j'ai trouvé l'amour
J'ai eu des enfants qui m'ont vu plus d'une
Fois me souvenir le cœur un peu lourd
Rue Monsieur-Le-Prince au Quartier Latin
Dans un milieu de chanteurs et d'artistes
Qu'avaient un passé, pas de lendemain
Des gens merveilleux un peu fantaisistes
Qui parlaient le russe et puis l'arménien
Avant de t'aimer
Avant de t'aimer, je croyais que les femmes étaient des églises
Comme aux quatre coins de Venise et qu'on pouvait les visiter
Avant de t'aimer, je disais qu'elles n'étaient que gourmandise
Comme le sont les friandises et qu'on pouvait les partager
Avant de t'aimer, je croyais que les femmes étaient des chapelles
Enfermées dans les citadelles offertes au voeu de chasteté
Avant de t'aimer, je pensais que les femmes étaient sans cervelle
Qu'elles n'étaient que des modèles pour un pinceau, pour un maillet
Avant de t'aimer, je croyais que les femmes étaient des paroisses
Appartenant au garde-chasse qui piège et bague son gibier
Avant de t'aimer, je doutais des femmes et de ce qu'elles apportent
Quand elles referment la porte, sans un regard sans un regret
Mais aujourd'hui, femmes, je sais que vous êtes des cathédrales
Femmes fourmis, femmes cigales, femmes faites pour être aimées
Femme espérance, soit louée, toi, que j'imaginais naïve
Tu m'as sauvé de la dérive des larmes où mon coeur se noyait
Avant de t'aimer, je croyais que les femmes étaient des églises
Comme aux quatre coins de Venise et qu'on pouvait les visiter
Mais c'était avant de t'aimer c'était bien avant de t'aimer
Avant la guerre
Paroles et Musique: Charles Aznavour 1978
J'avais vingt ans une âme tendre
Toi seize tout à apprendre
Quand je t'écrivais des poèmes
Où tout rimait avec je t'aime
Tu étais encore écolière
C'était un peu avant la guerre
A l'orée de l'adolescence
Le désir bouscule l'enfance
Dans l'herbe d'un printemps précoce
On s'est uni en simples noces
Notre témoin fut Dieu le père
C'était un peu avant la guerre
Mais au vent des amours fautives
Ce qui doit arriver arrive
Ta taille prit de l'importance
On nous maria de toute urgence
Mais un jour les choses changèrent
C'était un peu avant la guerre
Un uniforme sans retouche
Un fusil et quatre cartouches
Les champs brûlés de la retraite
Les barbelés de la défaite
Quelque part en terre étrangère
Je nous revois avant la guerre
Où sont les seize ans de ta vie
Et les printemps de nos folies
Quand pour nous s'ouvraient sur la chance
Les portes d'or de l'insouciance
Et que tout brillait de lumière
Avant la nuit, avant la guerre
Avant la guerre