Vous orchestrez avec brio
Pour faire une œuvre d'une ébauche
En contrepoint à mon solo
Alternant main droite et main gauche
Pour qu'au clavier de votre peau
Et sur nos lèvres qui s'accordent
L'amour joue sur toutes ses cordes
Pianissimo, fortissimo
Vous harmonisez
Vous instrumentez
Faire de vous une musique
Mi-baroque et mi-romantique
Avec de grandes envolées
Chef d'orchestre de vos printemps
Par de grands élans symphoniques
Diriger sur ce corps brûlant
Un concerto, des concerti
Un concerto
Déconcertant
Un corps
Paroles et Musique: Charles Aznavour 1980 "Autobiographie"
Un corps pour m'étendre à côté
Dans l'ombre, épaule contre épaule,
Un corps frémissant que je frôle
Avant que de le posséder
Un corps pour me pencher dessus
Et, par d'imperceptibles touches
Des doigts et de la bouche,
En violer tous les inconnus
Un corps de femme-femme
Brûlant de mille flammes
Mi-tigresse et mi-biche
Ou bien encore en friche
Pudique et désarmant
Un corps frêle de femme-enfant
Un corps pour y donner mes nuits
Devenant moi-même le diable
D'un enfer désirable
Vivant sous ciel de lit
Un corps qui se dispute
Se prend de haute lutte
Ennemi ou complice
Au gré de son caprice
Tendre ou griffes dehors
Un corps à vaincre au corps à corps
Un corps pour y donner le jour
A une folle symphonie
En y semant la vie
Pour récolter l'amour
Un enfant de toi pour Noël
Paroles et Musique: Charles Aznavour 1974
Quand viendra le temps du froid et du gel
J'aimerais pouvoir trouver en cadeau
Dans un berceau blanc, tel un angelot,
Un enfant de toi pour Noël
Beau et merveilleux, tout petit et frêle
Dormant, innocent, sous le sapin vert
Pour être le cœur de notre univers
Un enfant de toi pour Noël
Un enfant de toi, de nous
Rêvé ensemble
Conçu ensemble
D'âme et de corps, qui nous ressemble
Très fort
Sorti de tes flancs lourds et maternels
Pour faire en nos cœurs jaillir la lumière
Sang de notre sang, chair de notre chair
Un enfant de toi pour Noël
Fruit de nos espoirs, envoyé du ciel
Pour donner un sens au fil de nos jours
Au prix de nos joies, au nom de l'amour
Un enfant de toi pour Noël
Un enfant de toi, de nous
Une espérance
Une présence
Fille ou garçon, quelle importance
Au fond?
Un enfant de toi pour Noël
Un jour ou l'autre
Paroles et Musique: Charles Aznavour
Un jour ou l'autre après bien des années
On revient sur ses traces
Rechercher un passé qui s'efface.
Un jour ou l'autre on marche sur les lieux
Qui nous on connus gosses
Avant d'aller rouler sa bosse.
Une maison, un square, un coin de rue
Un marchand de bonbons
Nous laissent tous émus,
Nous bouleversent.
Un souvenir que l'on croyait perdu
Fait jaillir un sourire,
Une joie inconnue
Qui transperce.
Un jour ou l'autre on constate surpris
Que tout est illusoire
Et qu'ainsi ce n'est qu'en la mémoire
Que tout meurt ou tout vit.
Un jour ou l'autre on veut faire à l'envers
Ce qui fut notre course,
Mais on perd à remonter aux sources.
Un jour ou l'autre, plus à tort qu'à raison,
On cherche des images,
L'émotion vous gâche le voyage.
Des commerces, un marché en plein air,
Et du linge claquant
Comme voiles en mer
Aux fenêtres.
Des cris d'enfants, une école primaire
Et les yeux de maman
Qui se plantent en ma chair
Et mon être.
Un jour ou l'autre on sent qu'à tout jamais,
Il vaut mieux que l'on renonce
Aux bleuets qui sont parmi les ronces
Au jardin des regrets.
Un mort vivant (délit d'opinion)
Paroles: Charles Aznavour. Musique: Y. Gilbert 2003 "Je voyage"
note: Ecrit à la mémoire de Daniel Pearl, journaliste américain pris en otage et assassiné au Pakistan
De prisons en prisons, de cellules en cellules,
Pour avoir informé preuves à l'appui pourtant
Je ne suis plus un nom, pas même un matricule,
Abandonné de tous, je suis un mort vivant
On m'a pissé dessus, craché à la figure,
Sur mes parties intimes on a mis le courant,
Avec les rats crevés je dors dans la raclure,
Malade et décharné, je suis un mort vivant
Parce que j'accusais et qu'au sang de ma plume
La liberté coulait et défendait des droits,
Pour m'empêcher d'écrire on a dû sur l'enclume
Et me briser le corps et me broyer les doigts
Dès lors que vérité n'avait pas bonne face,
Dès lors que mes refus à rentrer dans le rang
N'étaient pas dans le goût de ces messieurs en place
Au fond de ce tombeau, je suis un mort vivant
Parce que je touchais le point où le bat blesse,
Que de langue et de plume j'étais virulent,
Des hommes de pouvoir et de fausses promesses
M'ont jeté dans l'oubli, je suis un mort vivant
Parce que mon esprit n'a jamais su se mettre
Au rang des compromis, lèche-culs militants,
On m'a mis dans ce trou afin de me soumettre
Par la soif et la faim, je suis un mort vivant
Mon Dieu, si tu existes, écoute ma prière,
Donne-moi le courage et la force et la foi
De ne jamais faiblir face à mes tortionnaires
Je t'en prie, au moins toi, ne m'abandonne pas
Moi le pisse papier à longueurs de colonne
Que l'on veut museler en lui rognant les dents
Humble je viens à toi, moi qui ne suis personne
Jette un regard sur moi, je suis un mort vivant