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J'ai parlé du Maître de Poste à Rataziaiev. Il m'a répondu que tout cela a vieilli, et qu'actuellement on écrit des livres contenant des tableaux et toutes sortes de descriptions. Je dois avouer du reste que je n'ai pas très bien saisi ses explications sur ce point. Il a conclu que Pouchkine est un bon écrivain, qu'il a fait beaucoup pour la gloire de la Sainte Russie, et il m'a dit beaucoup d'autres choses de lui. Oui, c'est très bien en effet, Varinka, très, très bien. Relisez donc ce livre de nouveau, mais avec attention. Suivez mon conseil et, en m'écoutant, vous réjouirez le cœur du pauvre vieillard que je suis. Le Seigneur vous en récompensera en ce cas, ma colombe, il vous en récompensera sûrement.

Votre ami sincère,

Makar DIÉVOUCHKINE.

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Cher Monsieur Makar Alexéievitch!

Fédora m'a rapporté aujourd'hui quinze roubles d'argent. Comme elle s'est réjouie, la pauvre, lorsque je lui ai donné trois roubles sur cette somme! Je vous écris à la hâte. Je suis en train de couper pour vous un gilet – c'est une étoffe merveilleuse, avec de petites fleurs sur fond jaune. Je vous envoie un livre contenant des nouvelles diverses. J'en ai lu quelques-unes, et je vous recommande surtout celle qui est intitulée Le Manteau. Lisez-la. Vous insistez pour me conduire au théâtre. Ne serait-ce pas trop coûteux? À moins que nous ne prenions des billets à la galerie. Il y a très longtemps que je ne suis allée au spectacle, je ne me souviens même plus quand ce fut pour la dernière fois. Je crains seulement que cela ne revienne trop cher, voilà ce qui me tracasse. Fédora ne fait que hocher la tête tout le temps. Elle assure que vous dépensez actuellement plus que vous ne gagnez. Je m'en rends compte moi-même d'ailleurs. Que d'argent vous avez dépensé pour moi, par exemple! Prenez garde, mon ami, qu'il n'en résulte des désagréments pour vous! Fédora m'a déjà parlé de certaines rumeurs selon lesquelles vous auriez eu des discussions avec votre logeuse, à cause d'un retard dans le paiement de votre loyer. Je suis très inquiète pour vous. Adieu maintenant, je dois me hâter. J'ai un travail urgent, je dois changer les rubans d'un chapeau.

P.-S. Il me vient une idée. Si nous allons au théâtre, je mettrai mon petit chapeau neuf, et je me couvrirai les épaules d'une mantille noire. Pensez-vous que cela m'ira?

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7 juillet.

Chère Madame Varvara Alexéievna,

…Je reviens sur ce que je vous ai raconté hier. Oui, ma petite mère, moi aussi j'ai connu, en ce temps-là, ce que c'est que la déraison. Je me suis amouraché à fond de cette petite actrice, j'en suis tombé éperdument amoureux. Et ce ne serait rien encore. Mais le plus fort est que je ne l'avais presque pas vue, que je ne m'étais rendu qu'une seule fois au théâtre, et j'ai trouvé le moyen, avec cela, de m'enticher de cette femme. Je vivais à cette époque dans un appartement où j'avais pour voisins, à peine séparés de moi par le mur, cinq jeunes gens, des têtes folles, je vous le dis. Je me suis lié avec eux; c'est arrivé sans que je le veuille, bien que je me sois toujours efforcé de garder mes distances vis-à-vis d'eux. Et alors, pour ne pas rester en arrière, je me suis mis à les imiter tous. Ils m'en ont parlé, de cette actrice, ils m'en ont parlé! Chaque fois qu'il y avait une représentation au théâtre, toute la compagnie s'y rendait – pour les choses nécessaires, ils n'avaient jamais d'argent. Ils prenaient des places à la galerie et là, ils battaient des mains, applaudissaient à tout rompre, comme des possédés, et ils rappelaient l'actrice continuellement! Quand ils rentraient à la maison ensuite, il n'y avait plus moyen de dormir. Ils ne faisaient que parler de cette actrice toute la nuit, l'appelant chacun par son prénom. Ils en étaient tous amoureux, ils portaient tous le même canari dans leur cœur! Ils ont fini par me troubler l'esprit, avec leurs récits, pauvre de moi! J'étais encore très jeune en ce temps-là. Je ne sais même pas comment c'est arrivé que je me sois trouvé un soir au théâtre avec eux, tout au fond de la dernière galerie. Je ne pouvais apercevoir de là qu'un tout petit coin du rideau. En revanche, j'entendais tout. Cette actrice avait en effet une voix délicieuse: un timbre clair, argentin, un vrai petit rossignol. Nous avons applaudi tous, au point que les mains nous faisaient mal, et nous avons crié d'enthousiasme. En un mot, c'est tout juste si la police ne nous a pas arrêtés. Il y en a eu même un qui s'est fait sortir. Je suis rentré chez moi, comme dans un rêve. Il ne me restait plus qu'un rouble d'argent en poche, et il fallait attendre dix bons jours encore pour toucher mon traitement. Que pensez-vous donc que j'aie fait, ma petite mère? Le lendemain matin, avant de me rendre au bureau, je suis entré dans un magasin de parfumerie française, et j'ai acheté des parfums ainsi que du savon aromatisé; j'ai dépensé pour cela mes derniers kopecks. Je me demande aujourd'hui encore pourquoi j'ai acheté toutes ces choses. Vrai, je n'en sais rien moi-même. Je ne suis pas rentré chez moi pour dîner ce jour-là, et j'ai passé mon temps à me promener sous ses fenêtres. Elle habitait sur la Perspective Nevski, au troisième étage. J'ai fait ensuite un saut chez moi, pour prendre une petite heure de repos, et je suis retourné immédiatement sur la Perspective Nevski, rien que pour me promener sous ses fenêtres. Un mois et demi durant j'ai mené cette vie-là, courant sur les pas de l'actrice. À chaque instant, je louais des fiacres pour la suivre, et je choisissais les cochers qui avaient le plus d'allure. J'ai gaspillé mon argent, je me suis endetté, et puis, un beau jour, je cessai de l'aimer: l'affaire commençait à me lasser. Voilà, ma petite mère, ce qu'une actrice peut faire d'un homme convenable. Il est vrai que j'étais jeune en ce temps-là, bien jeune encore…

M. D.

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8 juillet.

Bien chère Madame Varvara Alexéievna!

J'ai hâte de vous retourner le livre que vous m'avez prêté le 6 de ce mois, et je m'empresse de saisir l'occasion pour m'expliquer avec vous à ce sujet. C'est mal, ma petite mère, très mal de votre part de m'avoir poussé à pareille extrémité. Permettez-moi de vous le dire: le destin de chacun et sa situation en ce monde résultent d'un décret du Tout-Puissant. À celui-ci les épaulettes de général, à celui-là l'humble rang de conseiller titulaire dans l'administration. Ainsi en a décidé la Providence. L'un est appelé à commander, tandis que l'autre a été créé pour obéir avec respect et sans murmurer. Tout cela est réglé d'après les aptitudes diverses des hommes. Il en est qui sont aptes à faire certaines choses, il en est qui y sont inaptes mais ont d'autres capacités en revanche. Or les dons de chacun sont l'œuvre du Seigneur.