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Nous deux, Eggkarte et moi, on pénètre dans le garde-tires par le coin boutiques. Y a de la musique pope, mieux qu’à Athènes, des lumières déliquescentes, de la foule surchoix truffée de belles filles haut-bottées. Le Chat Botté ? Tiens, fume !

Au parkinge, tout est automatique. Tu glisses ta fiche dans un ordinateur. Un cadran t’annonce la somme à douiller. T’enfiles ta morniflette dans la tirelire et une rondelle te déboule qui te permettra l’ouverture du portillon quand tu déhoteras avec ta Volvo. Suppression de main-d’œuvre, comme un peu partout, sauf dans le tiers monde où la vie ressemble encore à quelque chose, de même que la cuisine de pauvre est la dernière qui reste valable car elle nécessite davantage de temps que de produits rares.

Ainsi, pour tout le parkinge, si tu veux savoir, y a qu’un seul et unique préposé. Et ce préposé, c’est une préposée, alors tu vois.

Son rôle ? Faire de la mornifle aux gens qui en manquent.

Installée dans un box vitré, très élégante dans son uniforme jaune vif d’hôtesse, la môme lit « Play-boy » en écoutant les vociférations de son transistor. Je carillonne à son guichet.

Qu’elle ouvre d’un geste automatique. Déjà sa main s’avance vers un casier où des pièces sont alignées dans des gorges calibrées.

— Non, non, je fais. Je voudrais seulement savoir ce qui se passe lorsqu’on a perdu son ticket de parking, jolie miss ?

Elle me regarde avant de me répondre.

Me trouve avenant et me le certifie d’un sourire qui me produit l’effet d’une plume de paon lentement promenée sur la partie inférieure de mes burnes par une hawaïenne de dix-sept ans parfumée à l’orchidée pourpre.

— C’est le jour, répond-elle.

Ce qui, comme de bien tu penses, me tracaorte le grommeleur.

— Ah, vraiment ? fais-je.

— Une vieille dame sort d’ici, il lui était arrivé la même mésaventure. C’est très simple, vous me conduisez à votre voiture et vous me montrez les papiers de l’auto. Je vous donne alors un disque de sortie dont le prix correspond à la journée complète.

Musique céleste, divine, suave. Goût suave de Synge. God save the singe. C’est beau, fascinant comme une crotte de nez qu’on roule et pétrit, et modèle infiniment.

Je l’aime. Je voudrais goûter sa langue. Lui donner la mienne. La sanctifier. La fructifier, l’empétarder dans son uniforme cossu. Lui mettre en vers le carré de l’hypoténuse. En vers et en contre tout. En tout bien tout tonneur. Je voudrais tonner, l’étonner, l’éternuer. La lécher, tiens ; en commençant par l’artichaut.

Je la remercie. L’assure de sa beauté, de mes sentiments gros comme ça avec du poil autour. Je lui chante la marche lorraine. La sacre gaulliste honoris caudal. Lui promets mon zémerveil pour très vite ; par-devant, par-derrière, partout où y a de la place pour lui. Je l’ennoblis. Jure que je la ferai entrer à l’Uhénère. Par la grande porte ! Elle prendra des bains de champagne, de lait d’ânesse, de foule ; tiens, que c’est si bon pour l’appeau, tous les présidents te le diront.

Et puis, tout de même, comme on est pas là pour se faire cuire des moules ni éplucher des salsifis, je me renseigne sur « la dame ».

Il a enfin eu son grain de sable, Borg Borïgm.

Le ticket de parking dans la soutane. Une babiole. Du banal. T’oserais même pas imprimer ça dans un baveux de faits divers. Et pourtant…

Le rouage du destin. Son signe. Son cygne.

Je te passe sur l’étonnement de miss Parking devant mes questions. Sur l’intervention d’Eggkarte. Sur ma carte de police. San-Antonio ! Prix Nobel ! Elle veut un autographe. J’y donne. Elle me dit qu’elle a lu toute mon œuvre traduite en scandinavet : « Les Trois Moustiquaires », « Notre-Dame de Parisis », « La Trame aux Camélias », « La Peau de Chalgrin », « Les Confusions d’un Enfant du Siècle », « Le Voyage au Bout de l’Ennui », tout, je te dis. Elle humecte d’en causer. Elle me félicite de séjourner en Suède.

Habituellement ces vaches de lauréats, ils décambutent comme des lavements, à peine que primés. Par ici la fraîche et le gentil diplôme ! Coudes aux corps sur l’aéroport pour les Scandinavion-airline. Y en a même qui viennent pas eux-mêmes, qu’envoient leur concierge chercher le prix, comme Michel Audiard, par exemple, ce malappris qui s’est fait excuser afin de ne pas avoir à serrer la main du roi Pilaf sous prétexte qu’il est inscrit au Parti Communiste (pas Audiard : le roi). Que ça m’en fait honte pour la France, des manières pareilles. Et tiens, encore : Sergent Chreiber, son Nobel de la paix qu’il a endossé à l’ordre du Canuet. Tu trouves que ce sont des procédés, toi ?

Enfin, brèfle, l’essentiel est que la parkingeuse (son frère a la maladie de parking’son) puisse m’affranchir dûment et pour pas trop cher à propos de « la vieille ».

L’auto, son numéro finit par 69, elle se rappelle très bien, et elle est immatriculée dans la province de Milsaböor, au nord-ouest du pays, non loin du lac Kéköneri. Le nom de la dame ? Elle l’ignore, car celui qui était porté sur la carte grise appartenait à un monsieur, quèquechose dans le style Stönéschaarden. Prénom Frédérik. Bon, je note le tout. V’là qu’est précieux… Dis donc, l’aminche, comment que je sus en train de l’introduire à la police suédiche, pardon ! J’avance à pas de géant, moi.

Des années qu’ils étaient sur cette piste évanouie, les archers à Pilaf III. Et pis v’là le Sana qui se la radine et dans les pas longtemps, le personnage est redressé. Une vieille damuche. Province de Milsabör. L’auto au nom de Frédérik Stöneschaarden. Merci, miss Parkinge ! Merci très beaucoup. Vous êtes un ange descendu aux enfers.

Figure-toi qu’elle chuchote en pouffant un truc à Eggkarte.

— Que dit cette douce enfant ?

— Qu’elle aimerait bien vous embrasser, répond ma copine (de zèbre).

Elle trouve cette requête poilante, la môme Téquïst. Ici, on a des mœurs très extrêmement libres. L’esprit large, le reste aussi. La bouillave fait partie de la vie. Tu brosses comme tu bouffes un sandwich : sans te gêner. Au vu et à la suce-me-le de tout le monde.

J’ouvre d’autorité la porte vitrée et me penche sur la gosse.

Cette pelle, Mistounette !

La pelle de Stockholm que parlait l’Huma, jadis. Elle a une menteuse de caméléon, la parking-girl. Dont l’extrémité me chatouille la luette. Ah ! luette, ah ! luette, je te plumerai ! Elle me la plume tant que pour un peu, j’irais au refile dans son corsage. Nez en moins, ça me produit l’effet court-circuiteur que tu devines. V’là que je la soulève de son siège. Retrousse sa jupe d’uniforme. Elle a eu raison de pas mettre de culotte, c’est un gain de temps appréciable par l’étang qui court.

Sa guitoune est exiguë.

Que m’importe. On se fait le petit train polisson, très gentiment ; elle, accoudée sur son comptoir et agenouillée sur sa chaise placée en biais. Moi derrière, jouant à hue cocotte. Un touriste japonais se pointe pour toquer à la mornifle. Nous voyant en si belle posture, il braque darddard son Nikon comme la lune. C’est leur façon de baiser, aux Japs. Clic, clac ! Ils butinent l’univers à coups de zoom. La prise de Berg op zoom ! S’en tartinent des kilomètres de pellicule. Selon toi, qu’est-ce qu’ils en foutent de toutes ces photos, ces petits jaunes gens ? Doivent en avoir des pleines caisses dans leur villa de cambrousse en papier chiotte, tu ne penses pas ?