Eh ben quoi ! Qu’est-ce que vous bavez, vous ? Ne faut-il pas que je nous laissions saccager, voyons ? Car v’là comme c’est venu, tenez : j’étions dévalé à ce chou… y-là… sous les pilliers, où je tapions simplement d’mi sequier de six yards à l’avenant du contoi. Oh !
LE ROMANI est la langue parlée par les Tziganes. Utilisé comme un dialecte parfois mystérieux et ésotérique, il a influencé énormément les argots (italien, espagnol, anglais, allemand). Le germania espagnol, le calao portugais, le cant anglais et le rotwelsch allemand doivent beaucoup au romani.
LE TERRACHU est l’argot des maçons itinérants de Savoie et du Canton de Vaud en Suisse au XIXe siècle. Les terrassiers parlaient le terrachu. Une très mauvaise blague raconte que l’on prenait les bébés des maçons pour les jeter contre un mur. S’ils restaient collés au mur, on prétendait qu’ils seraient plâtriers ; s’ils tombaient par terre, ils seraient carreleurs.
LE VERLAN est un argot simple qui consiste à inverser l’ordre des syllabes. Auguste Le Breton, auteur du Rififi chez les hommes, disait être l’inventeur du verlan. Renaud s’illustra avec une chanson qui avait mis le képa (paquet) et qui n’avait finalement rien de zarbi (bizarre) : « Laisse béton » (laisse tomber) ; mais la métathèse (hou là là !), qui signifie l’interversion des lettres ou de sens, de l’envers peut aussi jouer au second degré. Exemples : beur vient de rebeu qui vient lui-même d’arabe (arabeu). Bon nombre de mots de verlan sont clairs comme de l’eau de roche et ne font pas preuve de beaucoup d’imagination : zicmu, ripou, zarpoute, chelou, vénère, teuf, stonrous, meuf…
Précision amusante : attendu que les universitaires s’emparent de tout, même de ce qui s’empare d’eux, ils ont jugé utile d’ajouter certains termes de rhétorique et de linguistique qui commentent, décrivent et définissent l’argot et les argots. Quand on parle argot, on peut ainsi parler abrègement, allitération, antiphrase, antonomase, aphérèse, apocope, apostrophe, calembour, dénominal, diverbal, diérèse, étymon, euphémisme, fonction poétique, homéotéleute, hyperbole, hypocoristique, litote, métaphore, métathèse, métonymie, mot-valise, onomatopée, polysémique, resuffixation, synecdoque, trancation… ouf ! Pour l’explication de ces mots, prière de se reporter à son Grevisse ou à son dictionnaire de langue française !
Expressions argotiques glanées chez les écrivains
L’insolite sémantique de l’argot cultive à fond les calembours, la synecdoque, figure de rhétorique qui consiste à prendre le plus pour le moins, la matière pour l’objet, l’espèce pour le genre, la partie pour le tout, le singulier pour le pluriel. Exemples : les charmeuses pour la moustache, le bavard pour le pistolet, la tournante pour la clé. L’argot cultive la métonymie, ce procédé de langage par lequel on exprime un concept au moyen d’un terme désignant un autre concept, la cause pour l’effet, le contenant pour le contenu, le signe pour la chose. Exemples : descendre un godet, manger le morceau, avoir les chocottes. Il cultive encore l’antiphrase, cette manière d’employer un mot, une locution dans un sens contraire au sens véritable. Exemples : c’est du propre, villa pour prison, couvent pour maison centrale. Il cultive aussi l’euphémisme, cette manière d’atténuer une notion dont l’expression directe pourrait avoir quelque chose de choquant. Exemples : handicapé pour infirme, valda pour balle, butte pour échafaud. Il cultive également l’analogie synonymique. Exemples : manger le morceau a donné naissance à casser le morceau, se noircir a entraîné être dans le cirage, être gris est devenu être goudronné.
Sans se cailler le boudin à jouer les universitaires, on peut comprendre que l’argot a un V12 sous le capot de l’illusion, un moteur aux mille possibilités, et aussi un aspect artificiel qui dépend de la situation. L’argot n’est pas qu’une manière polie de dire des gros mots et de filer des claques. C’est une écriture. L’argot secret (Villon, Lacenaire) côtoie l’argot comique (Vidocq, les pastiches) au milieu de l’argot réaliste (Zola, Dabit) et de l’argot lyrique (Richepin, Rictus). Nous sommes tentés de dire que tous les écrivains ont tâté de l’argot, parfois involontairement, car l’argot s’est glissé volontairement dans la langue de tous les jours. D’Albert Parraz à Frédéric Fajardie en passant par José Giovanni, Vincent Ravalec, ADG, Bertrand Blier, Bernard Clavel, Robert Desnos, Alain Demouzon, Philippe Djian, Tony Duvert, Daniel Pennac, Yvan Audouard, Léo Malet, Maupassant, Boris Vian, Jean-Bernard Pouy, Victor Margueritte, etc., ils en ont tous croqué.
Par ordre alphabétique d’auteurs, voici quelques phrases glanées de-ci de-là, farcies ou non des spécificités précédemment citées. (Les auteurs à qui l’on a consacré un chapitre comme Villon, Céline, Boudard ou Le Breton ne figurent évidemment pas dans cette liste.)
« Thérèse est une chienne et elle le sera pour quiconque déboutonnera sa braguette comme s’il défouraillait. »
« Mony s’était introduit en levrette dans le con de Mariette qui, commençant à jouir, agitait son gros postérieur et le faisait claquer sous le ventre de Mony. »
« Le vieux singe est comme toujours. Un danger public. Ce matin, il s’aboule en se frottant les mains. »
« En tenant de la main droite une assiette avec une tranche de barbaque à couper au couteau sans couteau… »
« Des fois, quand je suis sur les nerfs, je lui en veux, je l’assaisonne à grands coups de bottine. »
« Fafiot ! n’entendez-vous pas le bruissement du papier de soie ? Le billet de mille francs est un fafiot mâle, le billet de cinq cents un fafiot femelle. »
« Non, dit Sézenac. Le journalisme, ça ne me botte pas. »
« Après avoir cruisé en gang, on décâlisse sans avoir pogné de blonde pour le fun. On a pris une de ces brosses [cuite] ! »
« C’est Gérard. Il est plein comme une vache. »
« Les expressions que l’on applique à un homme dans les vapeurs éthyliques ont généralement une connotation de mouvement : il a mis ses pompes à bascule ou il a pris son lit en marche. »